L'article 5 du projet a pour objet d'ajuster, sur une période de quatre ans, la défiscalisation accordée aux biocarburants, cela en raison notamment de l'évolution des cours des carburants, de l'énergie et des matières premières agricoles.
Ma première remarque porte sur la durée proposée. Il est déjà difficile d'anticiper l'évolution des prix à très court terme ; ce l'est plus encore à un horizon de quatre ans. Par conséquent, mieux vaut fixer chaque année le niveau de défiscalisation applicable aux biocarburants pour l'ajuster aux évolutions économiques.
En second lieu, si l'article 5 était adopté en l'état, le niveau de défiscalisation choisi ferait perdre de leur compétitivité à nos unités de production, par rapport aux importations subventionnées.
Rappelons les propos du Président de la République lors du salon de l'automobile : « Dès l'année prochaine, je souhaite qu'on commence le remplacement du super sans plomb 98 par un carburant à 10 % d'éthanol E10. L'objectif d'incorporation de biocarburants par les pétroliers est confirmé à hauteur de 7 % jusqu'en 2010, soit au-delà même des objectifs européens. » Adopter en l'état l'article 5 serait contraire à la volonté politique du Président, qui entend soutenir la production de biocarburants.
Dans plusieurs départements, en particulier la Marne, d'importants investissements ont été réalisés par les agriculteurs eux-mêmes. Une réduction des exonérations de taxe sur la consommation intérieure aurait des conséquences financières, non seulement pour les unités de production, mais aussi pour ces agriculteurs. Dans ces conditions, on ne peut prétendre que les unités de production de biocarburant sont très rentables pour les entreprises concernées.
De même, il est faux de considérer que le bilan environnemental de la production de biocarburants est médiocre et contribue au renchérissement des prix de matières premières. Cela dépend de quelle production l'on parle. Ainsi, la production de bioéthanol à partir de betteraves n'a eu aucun effet inflationniste sur le cours du sucre, en baisse depuis plusieurs mois. Et l'intérêt écologique de produire du bioéthanol à partir de betteraves, pour ceux qui en douteraient, est confirmé par une étude de l'ADEME selon laquelle les biocarburants réduisent de 60 % les émissions de C02 par litre et présentent un rendement énergétique près de 2,3 fois supérieur à celui de l'essence.
Quant à une supposée concurrence entre les productions agricoles alimentaire et non alimentaire, les chiffres prouvent que ces craintes sont infondées. En effet, pour atteindre les objectifs d'incorporation fixés pour la France en 2010, il faudrait y consacrer 3 % des surfaces cultivées en céréales et betteraves ; pour atteindre les objectifs fixés pour l'Europe en 2020, y consacrer 15 % des terres arables. De plus, la production pour le bioéthanol fournit des produits annexes qui, utilisés pour l'alimentation animale, permettent de limiter les importations de soja notamment. Enfin, la politique européenne obligeant à diminuer la surface cultivée en betteraves pour la production de sucre, les biocarburants ne créent pas de concurrence.
Si le texte était adopté en l'état, par unité énergétique, le bioéthanol, déjà plus taxé que le gazole, le serait de 50 % de plus que l'essence en 2012. Cela cadre mal avec les objectifs du projet relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, que nous venons d'adopter.
Pour certains, le temps des biocarburants n'est pas encore venu et il n'y aurait donc pas lieu de soutenir cette filière par des réductions de fiscalité. C'est à mon sens une grave erreur : les énergies fossiles se tarissent et ce n'est pas lorsqu'elles auront disparu que la France devra s'engager dans une politique ambitieuse de production des biocarburants.
Je vous invite donc à adopter l'amendement qui fixe des niveaux de défiscalisation préservant la compétitivité des filières nationales par rapport aux importations subventionnées.