Monsieur le ministre, l'enjeu pour la Guyane réside dans la valorisation de ses atouts. Nous sommes unanimes à le reconnaître.
Or l'un des atouts prioritaires de la Guyane demeure son capital humain puisque, comme vous le savez, 50 % de sa population a moins de vingt-cinq ans et 35 % moins de quinze ans. À l'inverse de tous les pays d'Europe, elle continuera de rajeunir durant les vingt prochaines années.
Cette donnée fondamentale impose des décisions immédiates parce que le constat, aujourd'hui, est alarmant, voire révoltant.
Monsieur le ministre, tout à l'heure, à l'occasion d'un débat avec un député sur les bienfaits de la scolarisation des enfants de deux ans, vous avez prononcé une phrase malheureuse pour vous, demandant, en substance, d'amener des gamins qui ne sont pas scolarisés. Que répondre ? Je suis catastrophée !
La Guyane fait partie de la France, me semble-t-il : or, à l'heure actuelle, 3 000 enfants n'y sont pas scolarisés et les enfants n'y sont scolarisés qu'à partir de cinq ans, et non pas trois ans. Je le répète : je suis catastrophée de la réponse du ministre que vous êtes lorsque vous évoquez les enfants de France qui ne sont pas scolarisés. J'ai du mal, chaque fois que je suis dans cet hémicycle, à savoir si je suis française ou non. Je le suis, je revendique même le fait d'être française, européenne et, évidemment, guyanaise.
Comme vous l'avez indiqué, les évaluations du primaire révèlent un taux d'échec catastrophique pour toute la France. Il en est de même en Guyane puisqu'il tourne autour de 80 %. Ainsi, un enfant sur deux entre au collège sans maîtriser le français. Sur dix jeunes d'une même tranche d'âge, trois obtiennent le baccalauréat et cinq sortent du système scolaire sans aucune qualification. Quant aux enseignants, 20 % d'entre eux sont des contractuels.
Ces chiffres révèlent la faillite du système éducatif en Guyane, faute d'une réponse adaptée aux réalités du territoire, que sont la rapide augmentation de la population scolaire, la diversité ethnolinguistique, source de difficulté dans la maîtrise du français, la politique d'immigration qui accentue les dérives discriminatoires relatives à l'accès à l'éducation, l'isolement des villages et des bourgs de l'intérieur de la Guyane française, ainsi que les difficultés sociales et économiques que connaissent les deux tiers des parents français de mon territoire ; et cette liste n'est pas exhaustive.
Cette adaptation territorialisée est, pourtant, fortement préconisée par l'inspection générale de l'éducation nationale dans un rapport de 2006 intitulé : Pour une école plus proche et plus équitable. Elle exige une réforme profonde du service public de l'éducation, portant sur les enseignements, les conditions d'exercice du métier d'enseignant et les dysfonctionnements des établissements.
L'adaptation à la Guyane ne saurait être élaborée sans le concours de tous les acteurs concernés. Sans cette avancée, l'attribution des moyens – ô combien nécessaire – se révélera toujours inefficiente.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je ne vous parle pas chiffres budgétaires mais vous demande quand, en tant que responsable du service public de l'éducation nationale, vous prendrez la mesure de l'urgence qu'il y a à élaborer un projet pour l'éducation permettant la réussite du système éducatif en Guyane française.