Au fond, la réussite économique de ce territoire est liée à la stabilité qui y règne depuis 1988.
Des efforts très sensibles ont également été faits pour réduire les inégalités entre les provinces : ces inégalités continueront de diminuer, notamment grâce au développement de la Province Nord, stimulé par la construction de l'usine et les activités qui l'entoureront.
Ne rendons pas, toutefois, le tableau trop idyllique : la société néo-calédonienne reste très inégalitaire. Ainsi, 10 % des ménages touchent 36 % des revenus, chiffre que l'on ne retrouve que dans les pays latino-américains, lesquels ne sont pas réputés pour leur justice sociale. L'écart entre les plus riches et les plus pauvres varie de 1 à 20, comme au Chili, et un foyer sur quatre – soit 60 000 personnes, sur un total de 240 000 – vit au-dessous du seuil de pauvreté : c'est quatre fois plus qu'en Métropole. Des efforts restent donc à faire.
J'ajoute, s'agissant de ces inégalités, qu'il faut avoir à l'esprit la composition ethnique de la société néo-calédonienne. Les mieux pourvus sont évidemment des Européens, et les moins riches, des Kanaks. Difficile, toutefois, de le montrer de façon claire, puisque le recensement de 2004 n'a pas, contrairement aux usages précédents, pris en compte les données ethniques.
Cette stabilité, créée par les accords de Matignon et de Nouméa, a d'ailleurs des conséquences importantes dans tout le Pacifique Sud, où la France a retrouvé une place, notamment dans l'espace mélanésien. Dans les conflits qui ont eu lieu dans l'île Bougainville et au Timor, l'accord de Nouméa a été pris comme exemple pour tenter de résoudre les problèmes ethniques entre les populations. Lors d'un récent colloque consacré aux vingt ans des accords de Matignon, Michel Rocard déclarait que le général Lebed, candidat à la Présidence russe, lui avait confié que la Tchétchénie aurait besoin d'un accord du même genre que celui signé à Nouméa. Bref, cet accord sert de modèle même au-delà du Pacifique Sud. J'aurai l'occasion d'en détailler le contenu lors de la discussion générale ; mais vous comprenez pourquoi le porte-parole du groupe socialiste ne peut qu'être heureux et satisfait d'un tel tableau.
Malheureusement, depuis 2002, la mise en oeuvre de l'accord s'effectue à marche très lente. En premier lieu, les transferts de compétences dont nous sommes invités à débattre devaient intervenir dès 2004 ; or aucun d'entre eux n'a été effectué pendant la mandature du Congrès de 2004 à 2009. La raison en est simple : les responsables locaux et nationaux ne les avaient pas préparés, de sorte que le Congrès élu en 2004 n'a pu les amorcer. Aujourd'hui, nous sommes donc face à une situation d'embouteillage.
Par ailleurs, ce n'est qu'en 2007 qu'a été traduit dans la Constitution l'accord de Nouméa pour ce qui concerne le code électoral et le droit de vote aux élections provinciales : bien que nous ayons souvent souligné l'urgence de cette disposition qui finalisait l'accord de Nouméa et précisait la définition de la citoyenneté néo-calédonienne, il a donc fallu beaucoup de temps.
Durant cette période, la Nouvelle-Calédonie a évolué, et certaines forces politiques se sont divisées. Le RPCR de Jacques Lafleur, parti autrefois hégémonique à droite, a été remplacé par le Rassemblement-UMP, lequel n'a obtenu que 20 % des voix aux dernières élections provinciales. Rassurez-vous, chers collègues de la majorité, la droite néo-calédonienne, c'est-à-dire les « loyalistes », comme on les appelle – je ne dis pas les « Caldoches » par respect pour Jacques Lafleur, qui n'aime pas ce terme –, reste majoritaire. Mais, dans ce bloc majoritaire, les forces se sont un peu divisées, et le Rassemblement-UMP ne représente plus qu'un tiers des voix. L'émergence d'autres tendances, au demeurant proches de votre parti – telles qu'Avenir ensemble, Calédonie ensemble ou encore, de façon hélas assez modeste, le parti de Jacques Lafleur –, atteste une certaine diversité. Certes, il n'appartient pas à la représentation nationale de suivre de trop près les péripéties locales ou les déclarations des uns et des autres : pendant les campagnes électorales, on raconte souvent beaucoup de bêtises.