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Intervention de Jean-Pierre Balligand

Réunion du 22 octobre 2008 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Balligand :

…qui a été le moins sujet à débat en commission des finances.

C'est pourquoi, une fois encore, au moment où les collectivités ont un rôle majeur à jouer pour amortir les conséquences de la crise, il nous paraît nécessaire, conformément à la recommandation des élus du CFL, d'exclure le FCTVA de l'enveloppe normée.

Seconde conséquence, nous allons vers un État prestidigitateur

L'intégration de toutes les dotations, y compris celles qui visent à compenser des charges imposées par l'État, dans une enveloppe à l'évolution plafonnée aboutit à des situations ubuesques, où l'État fait financer par les collectivités le coût des décisions qu'il leur impose.

On peut en citer deux exemples : les 5 millions d'euros du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées, article 72 du projet de loi de finances ; l'indemnité de 6,3 millions d'euros, prévue dans le programme « Concours financiers aux communes et groupements de communes », pour indemniser les communes sélectionnées pour délivrer les nouveaux passeports sécurisés pour des citoyens ne résidant pas dans la commune.

Soyons clairs, des dotations de compensation ou remboursement aux collectivités seront créées, sans que ces dernières voient leurs dotations globales augmentées : mieux que l'État-pickpocket, c'est l'État-prestidigitateur !

Au total, ce projet de budget se traduit par un manque à gagner de 860 millions d'euros pour les collectivités locales. Et encore, ce chiffre, extrait du rapport général, ne prend pas en compte le coût d'autres décisions de l'État, comme, entre autres, le plafonnement de la taxe professionnelle.

C'est une décision inacceptable dans le contexte actuel des relations entre État et collectivités.

Tout d'abord, les collectivités locales sont utilisées de façon récurrente comme variable d'ajustement.

Si l'on peut comprendre que l'État n'ait pas, dans des circonstances difficiles, les moyens d'entretenir la croissance de certaines dotations, il faut tout de même rappeler deux éléments : premièrement, la situation budgétaire de l'État était déjà difficile avant la crise, et la rigueur imposée aujourd'hui aux collectivités locales trouve donc d'abord sa source dans les choix politiques du Gouvernement, ne l'oublions pas ; deuxièmement, de fait, celui-ci a commencé il y a bien longtemps à utiliser les collectivités comme variable d'ajustement, d'abord en leur faisant supporter le coût de son désengagement territorial massif, ensuite en instrumentalisant à son profit la fiscalité locale.

Le désengagement territorial, assumé ou non, place les collectivités face à des charges supplémentaires : les transferts de compétences et leur compensation inadéquate, comme le montre l'exemple des cartes d'identité ; le désengagement non assumé – les réformes des cartes judiciaire, militaire, hospitalière et la suppression à venir des gendarmeries – aura de grandes conséquences sur la situation de nombre de collectivités.

L'instrumentalisation de la fiscalité locale se manifeste de plusieurs manières. D'abord, le plafonnement de la taxe professionnelle, dont le coût repose sur les collectivités : 640 millions d'euros en 2007, et, pour un petit département comme le mien, l'Aisne, 3,49 millions d'euros en moins cette année. Ensuite, l'absence de réforme de la fiscalité locale, qui prive les collectivités des moyens d'assumer leur politique devant les électeurs, car il n'est pas possible d'assumer une hausse d'impôts quand ceux-ci sont régressifs socialement. Cela fournit d'ailleurs une arme facile à utiliser politiquement. Plutôt que de formuler des propositions de réforme de la fiscalité locale, le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement préfère préfacer des livres stigmatisant la gestion régionale. C'est effectivement plus facile.

Les causes de cette instrumentalisation, c'est la volonté « thatchérienne » de diminuer les dépenses des collectivités.

Le projet de loi de programmation des finances publiques n'aborde pas la question des ressources des collectivités locales. Le retour à l'équilibre des collectivités qu'il prévoit pour 2012 repose seulement sur la diminution du rythme de croissance des dépenses des collectivités locales.

Le président du groupe UMP a déclaré, à propos de la réforme des niveaux de collectivités, que nous avions sur les collectivités territoriales des réserves d'économies très importantes et que nous pouvions diviser de moitié les dépenses, les moyens et les impôts. Si des économies peuvent bien sûr être réalisées, il est irresponsable de prétendre diminuer de moitié les dépenses locales, en tout cas si l'on considère que, globalement, les collectivités locales doivent assumer autant de compétences qu'aujourd'hui. Il est d'ailleurs significatif qu'à droite, on ne parle de réforme des collectivités locales que pour baisser les impôts, le Président de la République l'a encore fait dans son discours de Toulon, et jamais pour améliorer les services offerts aux citoyens.

Dans ce contexte, la réforme de la fiscalité locale est pour nous un préalable à la diminution des dotations.

Une telle réforme est urgente.

Les collectivités dépendent en effet des dotations de l'État. En 2007, le budget des collectivités locales n'a dépendu qu'à hauteur de 26 % des contribuables directs, entreprises comprises. Cela crée une grande dépendance des collectivités à l'égard de l'État, ce n'est pas acceptable.

Les collectivités ont par ailleurs besoin de disposer d'une visibilité financière à l'échéance d'un mandat. Nous sommes au début des mandats communaux et des mandats des établissements publics de coopération intercommunale, il est nécessaire d'avoir cinq ans de visibilité financière.

En conséquence, cette réforme doit être menée en même temps et non pas après la réforme des compétences et des niveaux de collectivités.

On a toujours trouvé de bonnes raisons de repousser cette réforme. Il ne faut pas que le temps nécessaire à la réflexion sur les niveaux de collectivités soit la nouvelle « bonne raison » pour se satisfaire d'une absence de réforme d'ampleur.

Quel serait le contenu d'une telle réforme ?

Sans développer ici les points d'accord que M. Laffineur et moi avons essayé de proposer à la commission des finances, notamment sur la nécessaire spécialisation fiscale, je souhaiterais attirer votre attention sur deux points importants.

Premier point, une réactualisation des valeurs locatives dès 2009.

Il est nécessaire de conserver les valeurs locatives, moins sensibles à la conjoncture que les valeurs vénales, et de les réactualiser.

Cette réactualisation ne peut se faire « au fil de l'eau », parce que cela pénaliserait les collectivités les moins riches, qui sont celles où les mutations se font le moins fréquemment. Il ne serait pas acceptable de se fonder sur ce qui se passe dans la région parisienne, à Nice ou dans un certain nombre de grandes villes et d'appliquer le dispositif à toute la France.

La réactualisation est un préalable pour pouvoir apprécier les transferts de charge résultant d'une réforme fiscale. Notre groupe présentera un amendement en ce sens. Si le Gouvernement l'acceptait, ce serait un gage de sa volonté d'éviter l'asphyxie financière des collectivités locales.

Second point, la question de la taxe professionnelle.

Tout le monde reconnaît les inconvénients de la taxe professionnelle, qui pèse sur les investissements, donc sur la modernisation de l'appareil productif et sur le secteur industriel.

Cependant, la nécessité de rechercher un impôt qui ait moins d'effets nocifs sur l'économie, pour reprendre les termes du Président de la République, ne doit pas se faire à n'importe quel prix.

Le remplacement de la taxe professionnelle par un concours de l'État doit être exclu, parce que ce serait totalement déresponsabiliser les élus dans les choix d'implantation d'entreprises, notamment d'entreprises polluantes ou créant des désagréments pour la population. On le voit déjà dans certaines grandes agglomérations où, depuis qu'existe la taxe professionnelle unique, qui est un bon système, certaines communes refusent toute implantation nouvelle, du fait que la fiscalité est désormais partagée. Ce n'est donc pas la création d'un système de concours national qui résoudra le problème. Il s'agit d'une vieille idée du Conseil d'État, qui avait produit un rapport sur la fiscalité locale, il y a plus d'une dizaine d'années.

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