Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, comme M. le président de la commission des finances l'a souligné à juste titre, l'impôt sur le revenu sera cette année, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, le troisième poste de recettes de l'État, derrière la TVA et l'impôt sur les sociétés ; et il en sera de même l'an prochain. Cette situation témoigne d'une régression préoccupante en matière de justice fiscale, portant un rude coup aux principes républicains et, concomitamment, à la réduction des inégalités.
Avant la réforme de 2007, l'impôt sur le revenu contribuait à hauteur de 38 % à la réduction des inégalités. Évidemment, nous savons bien que vous n'en avez cure, votre politique n'ayant eu jusqu'à présent d'autre objet, ou, à tout le moins, d'autre conséquence, que de les aggraver ; les statistiques le prouvent, vous l'avez démontré cet été encore. La question, désormais, est de savoir jusqu'où vous irez dans cette rupture avec le principe de progressivité.
Quand vous expliquez à qui veut l'entendre que le taux des prélèvements obligatoires est exorbitant dans notre pays, il convient de rétablir certaines vérités. Ainsi, vous vous gardez bien de préciser qu'une telle affirmation se fonde sur le seul taux nominal d'imposition, et non sur le taux effectif, en négligeant la différence bien réelle entre les deux. S'agissant de l'impôt sur les sociétés, les données fournies par le rapport d'analyse économique « Croissance équitable et concurrence fiscale », publié en 2005, tordaient déjà le cou aux représentations catastrophiques que, par calcul politique, vous vous complaisez à véhiculer.
Vous maquillez tout autant la réalité s'agissant de l'impôt sur le revenu, en rivalisant de démagogie avec des associations qui ont fait du populisme antifiscal leur fonds de commerce. Vous n'hésitez pas en outre à tromper nos concitoyens en prétendant le réduire et en mettant en avant son caractère prétendument confiscatoire.
La plupart des Français qui l'acquittent n'ont pas bénéficié des réductions – et pour cause : à la faveur du passage de sept à quatre tranches d'imposition, les 9,3 milliards d'euros qu'elles ont représenté sont allés, pour 69 %, aux 10 % de ménages les plus aisés, et pour 30 %, à seulement 2 % d'entre eux ! Le bouclier fiscal, encore renforcé par la loi en faveur de l'emploi, du travail et du pouvoir d'achat, redouble les effets de ce parti pris, injuste et économiquement absurde, en faveur des plus hauts revenus – les autres Français subissant en revanche de plein fouet les conséquences de la hausse de la CSG, de la taxe d'habitation, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, des prix de l'énergie, etc.
Quant au niveau d'imposition, vous savez pertinemment qu'il est inférieur en France à ce qu'il est dans la plupart des autres pays européens. L'impôt sur le revenu ne représente que 17 % des recettes fiscales de l'État dans notre pays, contre près de 30 % au Royaume-Uni et 53 % au Danemark, la moyenne européenne se situant autour de 26 %. Le qualifier d'impôt confiscatoire relève de la supercherie !
Si vous tenez absolument à parler d'un impôt confiscatoire, prenons la TVA, impôt injuste par excellence puisqu'il est acquitté par tous dans les mêmes proportions et pèse donc davantage sur le budget des ménages modestes que sur celui des ménages aisés. Or alors qu'elle représente déjà en France plus de 50 % des recettes fiscales de l'État, vous envisagez d'en augmenter très prochainement encore le taux.
Comment pouvez-vous alors affirmer que vous cherchez à améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens ? En vérité, vous ne vous souciez que d'encourager ceux dont les revenus leur permettent déjà d'épargner à le faire davantage. C'est parce que nous nous opposons à ces choix que nous vous proposons, sur l'article 2, deux amendements relatifs à l'impôt sur le revenu et vous proposerons ultérieurement d'autres amendements visant à baisser le taux de la TVA et à supprimer le dispositif scandaleux du bouclier « antifiscal », instauré au profit des nantis.