J'évoquerai dans un instant les heures supplémentaires, madame la ministre.
Votre politique ne répond ni à la faiblesse du pouvoir d'achat, ni à la faiblesse de la croissance potentielle, ni au déficit de compétitivité, qui se chiffre à 30 milliards d'euros, ni, bien sûr, à l'endettement de notre pays.
Le débat n'est pas entre une politique de l'offre et une politique de la demande, car une politique économique équilibrée joue à la fois sur l'offre et la demande. Or, pour ce qui est de la demande, votre politique n'est pas seulement profondément injuste en termes de répartition des revenus, mais elle est également inefficace. Vous redistribuez en effet du pouvoir d'achat à nos concitoyens qui en ont le moins besoin, qui vont épargner et non pas consommer. C'est la raison pour laquelle les instituts de prévision qui procèdent au chiffrage de vos mesures, même lorsqu'ils considèrent qu'elles ne seront jamais financées, c'est-à-dire que vous laisserez dériver les déficits, ne trouvent pratiquement pas de croissance.
Vous avez longuement évoqué les heures supplémentaires. L'emploi est totalement oublié dans votre projet de loi de finances, comme il l'était dans le projet TEPA. Avec l'incitation à faire des heures supplémentaires, vous tournez le dos à la création d'emplois et quand vous parlez de « travailler plus pour gagner plus », vous ne répondez pas vraiment à ceux qui ont besoin de travailler plus pour gagner plus et qui souhaiteraient le faire, c'est-à-dire à ceux qui sont au chômage ou sont salariés à temps partiel, et qui sont près d'un million en France. Or ce n'est pas eux qui décident de leur temps de travail, mais le chef d'entreprise.
Quant à la mesure d'incitation, on peut s'interroger sur l'intérêt qu'il y aurait à en bénéficier, car vos propres chiffrages font apparaître qu'elle n'aura quasiment aucun effet sur l'augmentation des heures supplémentaires. Ce sera un pur effet d'aubaine, puisque vos prévisions tablent exactement sur le même nombre d'heures supplémentaires et d'heures travaillées que les années précédentes.
Je tiens encore à souligner le caractère injuste de votre politique fiscale, qui a d'ailleurs été largement évoqué, et sur lequel je serai donc d'autant plus bref que le chiffre de 50 000 euros correspondant au montant moyen des sommes restituées au titre du bouclier fiscal me semble être désormais dans tous les esprits. Vous ne traitez pas le vrai sujet de l'impôt sur le revenu en France. Le problème est que la France a, en réalité, deux impôts sur le revenu : un impôt proportionnel, la CSG, qui a fini par devenir plus important que l'impôt sur le revenu, et un impôt progressif, l'impôt sur le revenu proprement dit. Au fil du temps, face notamment au déséquilibre des finances sociales, tous les gouvernements ont augmenté la CSG, ce qui revient à dire que l'impôt proportionnel n'a pas cessé de croître, alors que l'impôt progressif a été continûment réduit. La France est l'un des pays dont la fiscalité est la moins progressive, la moins redistributive, parce que nous n'avons pas su nous attaquer au problème de ce qui est en quelque sorte un double système d'imposition sur le revenu. Nous avons besoin de construire en France un grand impôt citoyen en réunifiant les deux. C'est la proposition que rappelait le président de la commission, qui est aussi celle du parti socialiste.
Le problème des taux marginaux de l'impôt sur le revenu – entendu au sens large d'imposition sur le revenu – ne concerne pas tant les hauts revenus, pour lesquels ils sont plutôt inférieurs dans notre pays à ce qu'ils sont chez la plupart de nos partenaires, que les revenus les plus bas : lorsqu'on passe d'un revenu de remplacement ou du RMI à un revenu d'activité, l'augmentation est pratiquement nulle, ou très faible, car les pertes de revenus complémentaires neutralisent l'augmentation liée au revenu d'activité. C'est là que se situe le problème.
Vous répondrez qu'il y a le revenu de solidarité active – le RSA –, et c'est heureusement vrai. Cependant, le RSA représente quelques millions d'euros, contre 15 milliards pour le paquet fiscal.
Même en termes de pouvoir d'achat, votre politique est inefficace. Si vous vouliez réellement augmenter le pouvoir d'achat, vous pouviez recourir à une mesure très simple, que nous proposerons par amendement : l'augmentation de la prime pour l'emploi.