En réalité, à l'été 2007, les pouvoirs publics n'avaient pas vu la crise arriver. N'ont-ils pas persisté à la nier durant la majeure partie de 2008 ? Là n'est pas le plus grave, cependant. À l'époque, les pouvoirs publics et de nombreux membres de la majorité niaient – comme ils continuent de le faire aujourd'hui – les raisons profondes de la crise. Elle s'explique en effet par une politique salariale extraordinairement restrictive, non seulement aux États-Unis, mais en Europe et, en particulier, en France. Qu'on me permette de citer, à cet égard, quelques éléments d'appréciation. Par rapport à la période de 1982-1983 qui a été stigmatisée, la répartition de la richesse produite entre le capital et le salaire s'est déplacée de 11 points en faveur du capital et au détriment des salaires. Si la distribution était la même aujourd'hui qu'au début des années 80, ce sont 200 milliards d'euros de plus qui bénéficieraient au travail. Dès lors, je ne crois pas que se poserait un quelconque problème de politique économique, qu'il s'agisse de choisir entre une politique de l'offre ou une politique de la demande.
La raison profonde de la crise est bien là : aux États-Unis comme en France, c'est précisément parce que la richesse produite a été exagérément distribuée au profit du capital et au détriment du travail que nous en sommes là. Les salariés ont dû s'endetter exagérément pour vivre au jour le jour ou pour tenter de maîtriser le destin de leurs familles. C'est cet endettement excessif qui a abouti à l'éclatement que nous connaissons, aux États-Unis bien sûr, mais également, quoique dans des proportions moindres, en France.
Puis-je rappeler que c'est bien ce modèle-là qui fascinait certains, puisqu'un candidat devenu Président de la République prévoyait, dans son programme, l'inscription à l'ordre du jour de notre assemblée d'un projet de loi développant le crédit hypothécaire ? C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles nous proposerons, par voie d'amendement, que soit supprimé le crédit hypothécaire rechargeable qu'une certaine majorité avait adopté lors de la précédente législature. Ce type de mesure est extrêmement dangereux et ne permet pas de résoudre les problèmes comme il conviendrait, c'est-à-dire en mettant en oeuvre une politique des revenus et, en particulier, une politique salariale digne de ce nom, afin d'éviter des excès qui, au demeurant, peuvent à l'occasion prendre des allures extrêmement choquantes. En 2007, les rémunérations des dirigeants du CAC 40 ont progressé de plus de 6 %. Nous savons parfaitement que les revenus des Français – qu'il s'agisse du revenu moyen ou des revenus salariaux – n'ont pas progressé dans cette proportion-là.