Madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, bien que l'Union européenne soit aujourd'hui le cadre de nos échanges et nous impose une grande part de ses règles, le débat sur la loi de finances reste profondément hexagonal. Il me semble qu'il devrait pourtant être l'occasion de mettre la loi de finances à l'épreuve de l'Europe – et pourquoi pas l'Europe à l'épreuve de la loi de finances ?
Les exigences de l'Europe vis-à-vis de ce budget s'affirment à travers deux logiques, qui ne sont pas parfaitement accordées.
La première logique est celle de la zone euro. Le budget de l'Union représentant à peine 1 % du produit européen brut, il faut une forte cohérence des politiques budgétaires nationales pour que les errements des uns ne soient pas supportés par les autres. Les instruments de cette politique sont la politique monétaire de la Banque centrale européenne et le pacte de stabilité, dont nous devons appliquer les règles à travers notre propre programme de stabilité.
La seconde logique est une logique de compétitivité et de modernisation qui s'exprime à travers la stratégie de Lisbonne et dont nous sommes en principe comptables à travers les programmes nationaux de réforme.
Le projet de loi que vous nous présentez tente de répondre à ces deux logiques : la logique de réduction du déficit budgétaire, que notre pays poursuit à travers la maîtrise de la dépense, la rigueur de l'exécution, la prudence dans l'estimation des recettes, et que vous avez la volonté d'amplifier à travers le non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois ; la logique de modernisation, que vous assumez également à travers une série de réformes essentielles, notamment celle des universités et celle des retraites, à travers l'adaptation de notre système fiscal aux réalités du monde qui nous entoure, à travers le renforcement en continu, pour la quatrième année consécutive, de notre effort de recherche. Cet effort, qui est la condition du retour à un niveau de croissance comparable à celui de nos partenaires, se traduit par des coûts, qui inévitablement pèsent sur notre politique de réduction du déficit.
Cette double démarche, celle du pacte de stabilité et celle de la modernisation, ne nous met pas pour autant à l'abri des critiques de certains de nos partenaires, voire de la Commission européenne, critiques auxquelles nous avons le devoir de répondre avec vigueur.
D'abord, en soulignant que la réduction des déficits est pour une large part fonction de la croissance, qui est elle-même fonction des réformes.
Ensuite, en relativisant certaines exigences, notamment celle de la réduction du déficit au taux zéro dans la mesure où ces exigences reflètent avant tout les limites et la faiblesse des instruments actuels de l'Union. Je rappelle au passage que le recul de notre endettement s'engage en deçà de 35 milliards d'euros de déficit, puisque c'est le montant de la tranche annuelle de remboursement de la dette, et qu'il n'est donc pas indispensable d'aller jusqu'au déficit zéro pour être dans la bonne direction.
Enfin, en demandant que l'Union européenne se dote d'un véritable gouvernement économique qui intègre à la fois politique monétaire, politique budgétaire mais également politique commerciale et stratégique de développement définie par rapport aux principaux enjeux, énergétiques, industriels, technologiques, et s'appuyant sur un certain nombre d'outils juridiques et financiers capables par exemple de s'opposer à la menace nouvelle des fonds souverains.
Mais se situer dans la démarche de l'Europe suppose que l'on ait sans cesse le souci de se comparer, ce que l'on appelle le benchmarking. C'est vrai en matière fiscale, c'est vrai aussi si l'on veut comparer les points forts de chacun des États.
On parle beaucoup aujourd'hui des PME allemandes puissamment spécialisées pour l'exportation, que certains économistes ont baptisées les « champions cachés ». Nous savons, madame la ministre, l'intérêt que vous portez aux PME et à l'exportation. Ce projet de budget comporte des dispositions très novatrices en ce qui concerne le crédit d'impôt recherche dont on doit tout de même souhaiter qu'il soit centré d'abord sur les PME. Vous poursuivez votre action pour obtenir la mise en oeuvre du Small Business Act. Il serait sans doute opportun, comme l'ont proposé plusieurs de nos collègues en commission des finances, que des mesures fiscales appropriées, eurocompatibles si possibles, encouragent ces mêmes PME à l'exportation.
En outre, à l'heure où l'on parle de libéraliser les circuits de distribution, sachons être clairvoyants dans l'arbitrage entre un libéralisme à l'anglo-saxonne et un libéralisme à l'allemande, plus conservateur mais plus favorable aux champions cachés.
En conclusion, soyons en phase avec l'Europe et avec nos partenaires, mais sachons exiger une Europe plus volontaire et plus ambitieuse. C'est dans cette perspective que s'inscrit ce projet de loi de finances et c'est pour cette raison que je le soutiendrai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)