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Intervention de Annick Girardin

Réunion du 17 octobre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances présente des enjeux fondamentaux pour l'outre-mer, qui méritent que l'on s'y attarde.

Premier constat : les crédits de la mission outre-mer sont en baisse de 11,3 %. Le Gouvernement nous assure que cela s'explique, d'une part, par une baisse de 6,8 % des crédits de la mission « à périmètre constant » – alors que les besoins sont plus grands que jamais – et, d'autre part, par le transfert de compétences de l'outre-mer vers d'autres ministères. La gestion de l'ensemble des dispositifs de soutien à l'emploi et à la formation, notamment, passe désormais au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi.

Cela est-il véritablement censé nous rassurer quant à l'avenir du soutien de l'État à l'emploi et à la formation dans les collectivités d'outre-mer, sans lequel ces collectivités ne connaîtront jamais le développement économique auquel elles aspirent ?

L'objectif affiché par votre ministère, madame Lagarde, de procéder au niveau national à une « décélération » des contrats aidés, est de tout autre nature, d'autant plus que, même en ajoutant les crédits des programmes spécifiques à l'outre-mer avec ceux transférés à Bercy, on constate toujours, et dès 2008, une baisse de 20 millions d'euros des aides à l'emploi outre-mer par rapport à 2007.

J'ai là une dépêche AFP qui chiffre cette « décélération » des contrats aidés à 45 000 emplois de moins, par rapport au budget 2007, au niveau de l'enveloppe budgétaire. Plus fort encore : les prévisions font état de 100 000 entrées de moins au sein du dispositif, par rapport à l'exécution budgétaire 2007, telle que détaillée par vos services.

Vous semblez tabler sur la reprise pour réduire ce que l'on entend souvent appeler, à tort, le « poids » des contrats aidés. Maintenant que vous avez en charge la gestion des dispositifs d'aide pour l'outre-mer, permettez-moi de souligner qu'une éventuelle reprise économique au niveau national, que nous ne pouvons qu'espérer, ne signifie en rien une reprise outre-mer, où l'économie dépend d'un ensemble de facteurs fondamentalement différents, y compris d'une collectivité à l'autre.

Espérons donc que l'emploi aidé outre-mer ne servira pas de variable d'ajustement à votre objectif de « décélération » au niveau national, madame le ministre.

Il serait inacceptable que les contrats aidés, qui constituent un élément essentiel, je dirais même une condition de survie économique, dans tant de collectivités d'outre-mer, subissent injustement le contrecoup des ambitions du Gouvernement de réduire leur nombre au niveau national. Ce serait véritablement désastreux pour l'équilibre et le développement économique de l'outre-mer, qui souffre déjà de tant difficultés non reconnues et non compensées, comme vient de l'indiquer mon collègue Victorin Lurel.

Permettez que je prenne, à ce titre, l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est frappant.

Saint-Pierre-et-Miquelon, faut-il le rappeler, traverse une crise d'ampleur sans égale, qui a débuté avec la fin de la pêche, après l'échec français au tribunal arbitral franco-canadien de New York, en 1992. La crise semble s'installer dans la durée depuis, et c'est un climat paralysant de morosité qui prévaut aujourd'hui.

L'économie, en chute libre, souffre directement d'une absence de prise en compte des spécificités de Saint-Pierre-et-Miquelon dans les dispositifs d'aide mis en place pour les outre-mer. C'est le cas pour le fonds de péréquation, mais c'est aussi le cas de la dotation de continuité territoriale : tous deux ont eu un effet négligeable à Saint-Pierre-et-Miquelon, du simple fait qu'ils privilégient les collectivités lointaines de la métropole et celles qui sont densément peuplées, alors que nous sommes à la fois les plus petits et les plus proches de la métropole, même si, en l'absence de liaison aérienne directe, le voyage entre Saint-Pierre et Paris prend tout de même dix-neuf heures, et cela seulement si l'on a la chance d'éviter une nuit d'escale.

Plus généralement, les dotations aux collectivités locales de Saint-Pierre-et-Miquelon sont manifestement insuffisantes au regard des coûts structurels spécifiques et incompressibles, ainsi que du faible nombre de foyers fiscaux, déjà soumis à une charge fiscale excessive. Il en résulte une situation de déficit chronique pour ces collectivités, avec une dette qui se situe à près de quatre fois le montant des recettes annuelles de la collectivité territoriale, et une impossibilité de dégager les marges de manoeuvre nécessaires à la relance de l'économie de l'archipel.

Il est impératif que cette situation soit reconnue et compensée par le Gouvernement, non seulement dans ce budget mais aussi dans le cadre de la loi de programme pour l'outre-mer qui est en cours de préparation.

Mes chers collègues, au-delà de nos divergences politiques et de nos circonscriptions respectives, notre rôle, en tant que membres de la représentation nationale, est de veiller à ce que soit respectée l'équité entre tous nos concitoyens, de métropole comme des outre-mers. Or, l'équité, c'est aussi et nécessairement la prise en compte des spécificités. De ce point de vue, l'outre-mer a besoin que le Gouvernement lui délivre, dans ce budget, un message fort. C'est dans ce dessein que je défendrai des amendements au projet de loi de finances, notamment en ce qui concerne les dotations globales de fonctionnement des collectivités d'outre-mer.

Mais je souhaiterais que, dès sa réponse à la discussion générale, le Gouvernement affirme sa volonté d'agir et ses choix pour l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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