Madame la ministre, monsieur le ministre, j'ai suivi avec beaucoup d'attention et d'intérêt toutes les interventions sur le projet de loi de finances.
Vous avez, en responsabilité, choisi une stratégie, un chemin. C'est votre droit, mais convenez quand même qu'il est de notre devoir, si nous ne partageons pas votre point de vue, de vous le dire et, à défaut de vous faire changer d'avis, de vous convaincre que ce qui peut encore être changé ou amélioré peut l'être dans la recherche de l'intérêt général.
J'ai le plaisir et l'honneur de présider pour le compte de l'Association des maires de France la commission nationale des territoires ruraux et je suis, comme vous l'imaginez, très attentif à ce que répètent l'ensemble de mes collègues maires, de toutes tendances politiques. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils portent un jugement plutôt sévère sur votre projet de budget, même si je conviens que, grâce à notre mobilisation – active mais pacifique –, nous soyons parvenus à infléchir votre position.
Cependant, le compte n'y est pas, et c'est à cela que je vais m'attacher de nouveau, après nombre de mes collègues, car la pédagogie, c'est l'art de la répétition. Il ne s'agit pas d'un jeu de rôle – ce ne serait pas drôle –, mais de l'avenir de territoires qui représentent en superficie 80 % du territoire national et dont les citoyens, même s'ils ne sont que 20 % de la population, n'ont pas seulement des devoirs mais également des droits.
Lors de la campagne pour l'élection présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy a évoqué à deux reprises la disparité qui existait entre les départements. Il a déclaré, lors d'un déplacement en Creuse : « Il est normal que les Hauts-de-Seine aident la Creuse. » Nous espérions que ces paroles seraient suivies d'effets, tant, depuis longtemps, nous réclamions une véritable réforme de la fiscalité et une péréquation financière – j'y reviendrai – clairement définie entre les collectivités les plus riches et celles qui ont le moins de ressources.
Au lieu de cela, que voyons-nous venir dans la loi de finances que vous proposez ? La fin du contrat de croissance et de solidarité ! Au lieu d'une indexation sur l'inflation augmentée de 33 % de la croissance, les collectivités se voient contraintes dans une enveloppe indexée sur la seule inflation.
Cela se traduit par une forte baisse – au moins 20 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui sert, avec d'autres, de variable d'ajustement pour la baisse de l'enveloppe globale. Et, sans l'intervention déterminée des élus, en particulier de l'AMF, cela aurait pu être pire. Les collectivités locales continuent donc de servir de variable d'ajustement. Devrais-je penser alors qu'elles ne sont pas une des priorités du Gouvernement ?
Je vais prendre quelques exemples courts et très précis de ce que nous vivons au quotidien en Creuse, afin d'éclairer quelque peu ces chiffres opaques.
Une étude menée par le cabinet Klopfer, dont l'impartialité et le sérieux sont reconnus, conclut à la nécessité d'augmenter la fiscalité de 10 % par an pendant cinq ans, tout en aggravant l'endettement.
Il manque à mon département de 10 à 15 millions d'euros par an, pour assurer la couverture de ses charges et un minimum de politique de développement local. C'est à peine un millième de la DGF des départements ! Veut-on donc sacrifier un département comme celui-là, alors que d'autres ont engrangé des droits de mutations considérables et ont un endettement par habitant quasiment nul ?
Les départements ne refusent pas les transferts de compétence, mais ils aimeraient qu'un véritable effort de solidarité s'engage dans ce pays. Au lieu de cela, ils seront une nouvelle fois contraints de serrer une vis qui ne va pas tarder à lâcher, car les dépenses de fonctionnement sont devenues incompressibles. Vous connaissez comme moi l'augmentation de l'énergie, du carburant et, comme le rappelait Jean Mallot, des personnels, notamment avec le GVT.
Il faudra donc agir, car nous ne voulons ni nous endetter ni augmenter la fiscalité dans des proportions trop considérables. Cela signifiera réduire le personnel, donc diminuer les services rendus à la population, ou réduire les investissements, ce qui ne manquera pas de mettre en difficulté les entreprises, quand on sait que les collectivités représentent 72 % de leur activité.
C'est, selon moi, un mauvais calcul politique et une erreur économique. Moins d'activité signifie moins d'emplois. Et le slogan de campagne « Travailler plus pour gagner plus » trouve ici toutes ses limites.
Je ne reviens pas sur ce qui a été dit : c'est votre choix. Rien ne sert de ressasser le passé, et je suis, de la même manière, fatigué d'entendre parler de 2002. Personne ne savait alors, au moment de la présentation budgétaire, qui aurait la majorité aux élections suivantes. Certains sondages eux-mêmes se trompaient. Certains auraient-ils donc été irresponsables au point d'engager leur avenir ?