Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas adhérer à tant de détermination et tant de volontarisme ? J'ai toujours plaidé pour un État moderne, fort et recentré sur ses fonctions essentielles d'orientation, d'arbitrage, de protection et de solidarité. Les orientations générales de ce budget laissent à penser que nous sommes sur cette voie.
Je ne m'attarderai pas sur les chiffres ni sur les valeurs macro-économiques, que d'autres aborderont. Qu'un budget soit fondé sur des calculs optimistes ne me choque pas. En effet, personne n'est capable de prévoir l'avenir, même immédiat, et les retournements de conjoncture, dans un sens ou dans un autre, sont toujours possibles, sinon probables. Et cela me semble tout à fait compatible avec l'objectif de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique dans les cinq prochaines années. Nous pouvons donc nous reposer sur ces prévisions, d'autant plus que des mécanismes de régulation sont prévus, comme celui, très habile – je le reconnais, monsieur le ministre –, de la réserve de précaution.
Le 25 septembre dernier, lors de la séance du Comité des finances locales, Mme la ministre de l'intérieur a fait part de son souhait d'instituer un partenariat « sincère et responsable entre l'État et les collectivités locales ». Enfin ! Certes, c'est ce que l'on nous dit tous les ans, et depuis longtemps. Mais soyons positifs : je prends acte devant vous de cet engagement refondateur. C'est donc sous cet angle nouveau que je vais entreprendre ce court voyage dans le projet de loi de finances pour 2008.
Vous nous proposez d'indexer la croissance du montant global des dotations de l'État sur l'inflation. Pourquoi pas, même si cet indice ne me semble pas vraiment représentatif de la création de la richesse au niveau national et de son partage équitable ? Vous savez que la dépense la plus importante de nos budgets locaux est constituée par les charges de personnels. Or, compte tenu du statut ubuesque et incompréhensible de la fonction publique territoriale, nous ne disposons, en tant qu'élus, de presque aucun levier sur le fameux GVT. En outre, les revalorisations annuelles des traitements sont fixées par l'État. Nous ne pouvons donc réguler cette charge qu'en agissant sur les recrutements, et encore lorsqu'il ne s'agit pas de secteurs normés.
À partir de ce constat, et compte tenu des besoins en services à la personne qui augmentent sans cesse, je vois mal comment nous pourrons mettre en adéquation des dotations qui ne progressent que faiblement et des dépenses qui augmentent sans que nous ayons la possibilité de les maîtriser. Pour ma ville, par exemple, le calcul est simple : en 2007, les impôts ont augmenté de 4,27 points, soit une augmentation de 3,54 % par rapport au budget primitif de 2006, tandis que la DGF a progressé, elle, de seulement 1,18 %. Quant aux compensations, elles ont diminué de 2,44 %. Je vous demande donc d'abord de me dire, dans le cadre de ce partenariat sincère et responsable, quand et comment sera enfin réformé, simplifié et aéré le statut de la fonction publique territoriale. Ensuite, quand aurons-nous la possibilité de négocier nous-mêmes la politique salariale de nos collectivités ?
Par ailleurs, pourquoi faut-il que nous soyons toujours obligés de faire valoir nos droits en justice contre l'État, comme je l'ai déjà fait au sujet des passeports ? Pourquoi l'État nous oppose-t-il un refus systématique, avant d'être inévitablement condamné par nos juridictions administratives ? Je vous demande, là encore, de vous engager solennellement à accepter la négociation et la concertation pour régler ce type de dossiers, qui restent dans la marge obscure des transferts de compétences et des droits non respectés. Nous ferons ainsi preuve de maturité dans nos relations, et cela sera source d'économies pour tous !
À titre d'exemple, je souhaite évoquer l'article 48, dont l'objet est de créer un fonds de solidarité en faveur des communes de métropole victimes de catastrophes naturelles. Nous pensions jusqu'à présent que la notion de catastrophe était une et indivisible, comme notre République, et que, à ce titre, elle relevait de la solidarité nationale. Or cet article introduit une nouvelle notion, plutôt curieuse et alambiquée : celle de catastrophe qui ne relève pas de la solidarité nationale. On peut sourire et s'étonner, mais il suffit de lire la suite de l'article pour comprendre. Dans sa logique imparable, son rédacteur nous explique, après avoir inventé la notion de catastrophe locale, que le financement de celle-ci ne peut que relever de la solidarité des collectivités territoriales. Il nous est ainsi proposé de ponctionner encore une fois, à hauteur de 20 millions d'euros annuels, cette pauvre dotation de compensation de la taxe professionnelle, qu'on n'aura de cesse de martyriser jusqu'à ce qu'elle disparaisse totalement.
S'agit-il d'une démarche sincère et responsable ? Pour répondre à cette question, il faut revenir à l'article 12, qui institue le nouveau contrat de stabilité. Je lis, dans l'exposé des motifs, que « de nouvelles variables d'ajustement sont intégrées au contrat afin que la charge d'ajustement ne pèse pas de manière excessive sur la seule dotation de compensation de la taxe professionnelle ». Si je comprends bien, d'un côté, l'article 12 réduit le rôle de variable d'ajustement de la DCTP et, de l'autre, l'article 25 ponctionne 20 millions d'euros par an, en prétextant l'apparition d'une nouvelle race de catastrophe. Sans doute est-ce une erreur, et je suis sûr que le Gouvernement aura à coeur de nous assurer que tout ceci va bientôt rentrer dans l'ordre.
En conclusion, je dirai : bien, mais peut mieux faire. Ce projet de loi de finances comprend des axes de progrès et porte les prémices d'un changement que la très attendue révision générale des politiques publiques va certainement consolider. Mais j'ai aussi parfois l'impression que certaines mauvaises habitudes ont la vie dure. Si je puis émettre un voeu, c'est que l'on arrête de voir pour, enfin, faire.
Le 20 octobre 2005, lors de la discussion du projet de loi de finances, le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, me répondait : « Pour éviter de s'accuser les uns les autres, nous avons vraiment besoin d'une clarification et d'un débat sur les relations des collectivités locales avec l'État. » Depuis, nous attendons ! Monsieur le ministre, nous sommes prêts depuis longtemps à instituer ce partenariat sincère et responsable promis par Mme la ministre de l'intérieur. Nous n'attendons plus qu'un signe pour nous mettre au travail avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)