Pour ces classes moyennes, la question du pouvoir d'achat et de la situation économique de la France est centrale car elle définit l'efficacité économique, la stabilité sociale et la dynamique démocratique. Si, a priori, le système d'exonération peut s'avérer attractif pour le salarié, celui-ci ne peut jamais de sa propre autorité décider d'accomplir des heures supplémentaires.
En réalité, ce budget est trompeur dans le principe même des exonérations qu'il entérine, notamment envers des publics fragilisés, comme les étudiants. Le coût de l'exonération sur les rémunérations perçues par les étudiants, dans la limite de 3 840 euros mensuels, est évalué à 40 millions d'euros pour 2008. Malheureusement, comme l'avaient fait remarquer des associations et des syndicats d'étudiants dès l'annonce de cette mesure, de nombreux étudiants ne gagnent, par définition, pas assez, pour être imposables. Pis, combien d'entre eux ne sont même pas déclarés aux autorités sociales et fiscales ? Sur cette question, notons que le groupe socialiste doit déposer un amendement exonérant les étudiants des 116 euros de la redevance audiovisuelle. Cela dit, on pourra s'étonner que ces mesures, sans aucune cohérence, exonèrent des revenus souvent non imposables tout en exigeant le paiement de la redevance, d'autant qu'elles touchent surtout une jeunesse plus souvent confrontée à de nouvelles formes de déclassements sociaux que ne l'était la génération qui l'a précédée.
Les mesures d'exonérations des publics fragilisés, qui restent symboliques ou dont la portée est limitée, se voient ainsi remplacées par un programme d'ampleur en faveur des ménages les plus aisés et des grandes entreprises, qui nous pousse à nous interroger sur l'obstination du Gouvernement à mettre en place des mesures fiscales dont la pertinence paraît contestable du point de vue de la justice sociale.
Concernant le financement de la sécurité sociale, par exemple, Philippe Séguin, premier président de la Cour de comptes, a annoncé que la contribution des détenteurs de stocks-options permettrait de renflouer les caisses à hauteur de 30 millions d'euros. C'était depuis longtemps le point de vue de notre groupe, qui a déposé aujourd'hui un amendement dans ce sens sous la houlette de Didier Migaud. Une telle mesure pourrait représenter une garantie forte de sauvegarde du régime de retraites par répartition et assurer le financement de la moitié des besoins des régimes de retraite des salariés du secteur privé entre 2020 et 2040. Les actionnaires exonérés de l'impôt sur la fortune auront ainsi la possibilité de faire amende honorable et de participer au service public au nom du maintien de notre système d'assurance maladie. Toutefois, il serait souhaitable que la mesure aille au-delà de sa seule portée symbolique, ne serait-ce qu'au nom de la crédibilité de votre majorité, en ces temps troublés par l'affaire de présomption de délits d'initiés qui frappe EADS.
De manière plus générale, cette année, ce seront plus de 15 milliards d'euros qui auront été distribués en pure perte dans le cadre du « paquet fiscal ». Soucieux d'envoyer un signal fort à son électorat, le Gouvernement a voulu réduire les prélèvements obligatoires des ménages, notamment les plus aisés, via le crédit d'impôt pour les intérêts d'emprunts immobiliers et une fiscalité plus avantageuse des dividendes d'actions. À ce titre, l'ISF est réduit en contrepartie d'un investissement dans les PME ou de dons à des organismes d'intérêt général dans la limite de 50 000 euros par an, ce qui coûtera à l'État, 410 millions d'euros en 2008. Par ailleurs, l'abattement sur la résidence principale dans le calcul de l'ISF est relevé, ce qui représentera un coût de 120 millions d'euros en 2008, tandis que l'impact du bouclier fiscal est amplifié par l'abaissement de 60 % à 50 % de la part des revenus qu'un contribuable peut payer en impôts directs. La CSG et la CRDS sont incluses dans ce bouclier fiscal. Le coût de ces dernières mesures s'élèvera à 625 millions d'euros en 2008.
La question des stocks-options permet d'aborder celle plus globale de la fiscalité des entreprises. Alors que les stocks-options sont désormais une source de rémunération pour les actionnaires des grands groupes, rien dans ce projet de loi de finances ne vient doper l'investissement dans les entreprises, notamment les PME et les PMI.
Nombreux sont les élus locaux qui, comme moi, siègent sur ces bancs. Permettez-moi, pour finir, de faire, après un certain nombre de nos collègues, le point sur la pression fiscale accrue à l'égard des collectivités territoriales. La décentralisation Raffarin, en organisant une compensation insuffisante des transferts de compétences, a mis les finances locales sous tension. En parallèle, les gouvernements successifs ont adopté des réformes fiscales qui ont réduit les marges de manoeuvre financières des collectivités – je n'y reviendrai pas. D'ailleurs, pour la première fois depuis des années, le revenu compensatoire de nos collectivités sera équivalent à la seule inflation, et le pire est encore à venir.
Laissons enfin aux collectivités locales les moyens effectifs d'autonomie financière en leur donnant, par exemple, la possibilité d'arbitrer entre les différents contribuables et les différentes assiettes, à compter de la loi de finance pour 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)