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Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 17 octobre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Fabius :

Je crains que non, monsieur le rapporteur général.

Les gens s'aperçoivent, je le crains pour vous, que la formule de Nicolas Sarkozy, « travaillez plus pour gagner plus », qui n'a pas été pour peu dans son succès électoral, devient : travailler plus pour gagner moins – notamment du fait des amputations que j'évoquais.

Au lieu de ce budget caché, auquel nous sommes hostiles, je voudrais, en m'appuyant sur un document publié ce matin par notre groupe, vous indiquer brièvement ce qu'aurait pu être un budget différent. M. Chartier a raison, nous sommes d'accord sur plusieurs points : le déficit n'est pas tenable, non plus que la dette, nos entreprises ne sont pas assez compétitives, le pouvoir d'achat doit être soutenu, l'État doit se réformer. Mais à partir de ce constat, que faire ? Ce budget ne permettra aucune amélioration.

Il aurait fallu commencer par une mesure courageuse pour réduire le déficit et la dette : la moitié des 15 milliards d'euros du paquet fiscal, soit 7,5 milliards, auraient dû être affectés à la réduction de la dette.

Deuxièmement, il aurait fallu soutenir le pouvoir d'achat. Pour y parvenir, vous pouvez jouer sur la PPE. Une augmentation du barème non de 1,3 % mais de 50 %, dont bénéficieraient près de 10 millions de personnes, ne coûterait que de 2 à 3 milliards d'euros, alors qu'elle changerait la situation de bien des Français.

Je vous suggère en outre une autre mesure, que vous pouvez encore prendre : réserver les exonérations de cotisations sociales aux entreprises qui acceptent de négocier sur les salaires. Il ne suffit pas de reconnaître que les Français ont un problème de pouvoir d'achat ; la meilleure façon de l'augmenter dans notre pays, est d'inciter les entreprises à négocier sur les salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Troisièmement, pour augmenter la compétitivité, allez plus loin en matière de crédit d'impôt recherche. Puisque, nous le savons tous, les grandes entreprises n'ont pas besoin de telles dispositions, concentrez-les sur les PME et modifiez l'impôt sur les sociétés, comme le propose le groupe socialiste, afin qu'il soit plus léger pour les entreprises qui acceptent de réinvestir que pour celles qui se contentent de distribuer des dividendes.

Une quatrième mesure consisterait à privilégier les dépenses d'avenir : l'éducation – renoncez à supprimer quelque 11 000 postes ! –, la recherche – vous ne prévoyez aucune création d'emploi de chercheur ou d'enseignant chercheur, ce qui n'a aucun sens –, l'environnement – là aussi, il faut créer des emplois – et l'urbanisme, où des efforts considérables doivent être consentis en matière d'économie d'énergie.

Cinquièmement, en matière fiscale, leurs bénéfices sont tels que les compagnies pétrolières supporteraient sans grands dommages quelques prélèvements. Que dire des stocks-options, de la taxe d'habitation ou d'autres mesures qui permettraient de rééquilibrer la fiscalité entre travail et capital ?

Enfin, sans préjuger de la manière dont le président de la République exercera la présidence de l'Union, l'initiative d'une coopération renforcée en matière de recherche et d'innovation, qui serait la première de ce type à réussir, permettrait de mettre en commun dans tous les pays de l'euro nos forces dans ce domaine. Elle apporterait une tonalité nouvelle en substituant au slogan trop connu « Travailler plus… », un autre bien préférable : « Travailler mieux pour vivre mieux ».

Je terminerai en posant deux questions simples aux membres du Gouvernement.

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