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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 17 octobre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Vous savez, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a dans notre pays des gens qui ont des idées de droite. Vous n'avez certainement pas besoin du soutien du Président de la République pour être à droite – nous nous étions déjà rendu compte.

Or, ces amis du Président de la République sont sévères à l'égard du dispositif créé, qu'ils qualifient d'« usine à gaz ».

J'en veux pour exemple ce qu'écrit M. Christian du Mesnil du Buisson, directeur financier de PME, dans une tribune publiée par Le Monde du 11 octobre dernier :

« Prenons le cas des très petites et petites entreprises, où le climat social est souvent bon, notamment dans le secteur des services. Ici l'on ne compte pas toujours ses heures et la tentation sera grande, avec l'accord verbal des salariés, de transformer en heures supplémentaires nominales les augmentations annuelles de salaires ou encore tout ou partie des primes sur résultats. Gagner plus en travaillant comme d'habitude et sans que cela coûte un sou au patron, cela ne vaut-il pas de signer les yeux fermés une feuille d'horaires bidon, là où l'on n'en signait aucune par le passé ?

« Cette approche sera évidemment trop risquée dans les entreprises de plus grande taille. Mais dans celles-ci, nombre de responsables des ressources humaines et de patrons pourraient bien déceler dans cette loi des effets contre-productifs, les incitant à fermer plutôt qu'à ouvrir le robinet des heures supplémentaires ». C'est l'un de vos amis idéologiques qui le dit, monsieur le ministre !

Et il conclut : « Et si l'on veut relancer l'offre productive, a-t-on mesuré l'efficacité réelle d'une mesure caractérisée par un effet d'aubaine disproportionné (plus de 90 % des heures supplémentaires détaxées étaient déjà effectuées) ? » C'est si vrai que vous-même n'avez pas prévu l'augmentation du nombre d'heures supplémentaires en 2008 par rapport à 2006. « Cela entraînera inévitablement, ajoute M. Christian du Mesnil du Buisson, un déplacement de l'offre de travail des salariés les plus précarisés (intérimaires, temps partiels) aux « insiders » les mieux lotis. Voilà donc finalement un cas d'école d'une mesure coûteuse et contre-productive à un moment de son histoire où notre pays nécessite bien autre chose ».

Autre absurdité de la loi TEPA : l'abaissement du plafond du bouclier fiscal à 50 %, absurdité qui apparaît pleinement à la lecture des derniers chiffres de votre ministère sur l'effet de ce bouclier cette année. Alors que le Gouvernement avait annoncé au Parlement 93 000 bénéficiaires du bouclier fiscal, le nombre réel des demandes est bien inférieur, et bien plus faible encore celui des demandes acceptées : 2 398 à la fin d'août 2007.

Mais le décalage est encore plus frappant pour ce qui est du montant remboursé à chaque contribuable bénéficiaire du bouclier. La somme moyenne à rembourser annoncée par le Gouvernement était de 4 000 euros par contribuable. Or le remboursement moyen s'établit, fin août 2007, à un peu plus de 50 000 euros. On voit donc que ce sont des foyers fiscaux riches qui bénéficient essentiellement et massivement de cette mesure.

J'imagine ce que doivent penser les personnes qui sont dans les tribunes. Elles doivent rêver qu'on leur rembourse 50 000 euros d'impôts, alors que ce n'est évidemment pas ce qu'elles gagnent en une année. Mais il est vrai, monsieur le ministre, que, quand on aime, on ne compte pas, et vous aimez tellement les privilégiés dont vous êtes les fondés de pouvoir que vous ne pouvez pas vous empêcher de leur beurrer la tartine. (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Cependant, même un élève de CM1 pourrait constater que manquent à l'appel, par rapport à la prévision initiale, 90 000 contribuables qui pourraient exiger un remboursement, mais ne demandent rien. Vous êtes-vous demandé pourquoi ces gens riches ne demandent rien ? Pourquoi, dans l'écrasante majorité des cas, cette frilosité ? Par manque d'information ? Non. Par excès d'esprit civique – ces gens ne voudraient pas toucher aux caisses de l'État ? Non. C'est tout simplement par crainte d'un examen attentif, méticuleux, approfondi de leur dossier fiscal, et particulièrement de leur déclaration d'ISF. Or, au lieu de diligenter les contrôles nécessaires, le Gouvernement n'a rien trouvé de mieux que d'abaisser le plafond du bouclier de 60 % à 50 %.

Troisième exemple des impasses de la loi TEPA : les fonds d'investissement de proximité. Les Échos dans leur supplément « patrimoine » des 5 et 6 octobre 2007, décryptent la mesure : « Pour les contribuables les plus fortunés, l'investissement direct dans des PME est le plus efficace fiscalement : s'ils investissent 66 667 euros, ils peuvent obtenir la réduction d'impôt maximale (50 000 euros) ». Bien souvent ces 50 000 euros de réduction d'impôt s'ajouteront à un remboursement du même ordre au titre du bouclier fiscal – comme quoi rien n'est trop beau pour vos protégés.

Évidemment, et cela depuis 2002, tous ces cadeaux sont financés par les impôts et les cotisations payés par tous les habitants et contribuables du pays. De cela, vous ne parlez jamais. Vous osez dire que vous baissez les impôts, mais le premier impôt, payé par tous, et en particulier par les plus pauvres, est la TVA, qui représente en moyenne 2 700 euros d'impôts par personne et par an. Ces gens modestes ne vous demandent pas les 50 000 euros que vous donnez aux plus riches : rendez-leur 2 700 euros. Si vous les leur rendez, ils consommeront, feront tourner notre machine économique et contribueront à réduire le chômage.

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