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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 5 novembre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Agriculture

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de vous retrouver pour cette discussion budgétaire. J'ai été sensible aux témoignages de confiance et d'encouragement, ainsi qu'aux critiques constructives, que vous m'avez adressés. Comme nous venons de l'entendre avec Jean Lassalle, vous avez parlé avec coeur et authenticité de cette force que constitue, grâce à tous ceux qui la font vivre, notre agriculture.

Quand on présente un tel budget, comme j'ai l'honneur de le faire devant vous, et que l'on doit légiférer ou gouverner, on ne peut ignorer le contexte mondial, lequel change beaucoup plus vite qu'on ne le croit. Le défi le plus global est sans doute le réchauffement climatique : il va bouleverser toutes nos habitudes, à commencer par le travail des agriculteurs, des viticulteurs ou des pêcheurs, qui sont aujourd'hui les seuls dans notre société à travailler encore, de jour comme de nuit, avec les éléments naturels.

Quelles que soient les évolutions conjoncturelles, le coût de l'énergie continuera d'augmenter, et la biodiversité restera fragile, victime de la pression qui pèse sur les ressources les plus vitales, lesquelles ne sont ni gratuites ni inépuisables. Autre défi : les risques sanitaires liés à de nouveaux pathogènes, tels la FCO, qui pourront se manifester partout et à tout moment, sous les effets conjugués du réchauffement climatique et de la mondialisation des échanges.

Enfin, comme l'a indiqué Michel Raison, nous devons relever le défi de l'insécurité alimentaire : il est tragique et inacceptable – nous en parlions hier avec le président Ollier, plusieurs d'entre vous et des parlementaires européens – que 900 millions d'êtres humains soient en danger de mort parce qu'ils ont faim.

Ces nouveaux défis exigent des mesures de soutien, d'accompagnement et de solidarité immédiates, dans des situations de crise qui ne manquent pas, et auxquelles je dois d'ailleurs répondre chaque semaine avec vous. Je pense d'abord aux femmes et aux hommes qui souffrent et dont certains sont en effet désespérés ; je pense aux crises de l'agriculture, de l'élevage, de la viticulture, de la pêche ou de la conchyliculture.

Néanmoins, dans la mesure de nos moyens, je vous propose de relever la ligne d'horizon et d'envisager les perspectives qui s'ouvrent à nous.

Face à la tourmente incroyable qui emporte le monde, venue des États-Unis et due à l'opacité et à l'amoralité du système financier, MM. Forissier, Lassalle, Lecou, ainsi que M. Rochebloine en d'autres lieux, ont évoqué la force de notre secteur productif, le seul atout, au fond, qui peut permettre à la France et à l'Europe de résister. Voilà notre chance, en effet ! Cette économie-là n'est pas virtuelle ; elle est bien réelle et n'est pas due au hasard, animée qu'elle est par des hommes et des femmes qui, depuis des générations, travaillent la terre et en font fructifier le produit. De surcroît, elle est consolidée par le succès d'une mutualisation européenne presque intégrale, en dépit de nombreux obstacles.

Depuis dix-huit mois, j'ai l'honneur d'avoir la confiance du Président de la République et du Premier ministre pour représenter les secteurs de l'agriculture, de la pêche et de la forêt. À la tête du ministère de l'agriculture, je porte une politique qui, je le répète, est loin d'être dépassée : l'agriculture est un secteur d'avenir. Elle ne concerne pas que les agriculteurs, mais aussi la sécurité et la qualité de notre alimentation, l'emploi, les territoires, le développement durable. En clair, c'est une question de société.

Proposer une politique résolument tournée vers l'avenir en dépit des difficultés : tel est le sens du projet de loi que je vous soumets aujourd'hui. J'en viens aux chiffres.

En 2009, les crédits de paiement augmenteront de 2,72 %, ce qui, dans les circonstances présentes, n'est pas anodin. Au-delà de la seule mission que nous examinons ce matin, l'ensemble du budget de l'agriculture mobilise plus de 5 milliards d'euros, y compris pour l'enseignement et la recherche.

Ayant présidé un conseil général de zone de montagne pendant dix-sept ans, je tiens à rassurer Mme Dalloz, M. Descoeur et M. Saint-Léger : les crédits consacrés à la montagne – à laquelle je reste attaché à jamais – sont préservés à hauteur de 229 millions, soit autant que l'an dernier, et financeront notamment l'indemnité compensatrice des handicaps de haute montagne.

Le Gouvernement a également adopté les priorités exprimées par les rapporteurs – dont je salue le travail – en matière de gestion de crise, de sécurité sanitaire, de pêche et, monsieur Forissier, de réduction du report de charges.

Les autorisations d'engagement, quant à elles, atteindront 4,8 milliards en 2009. Certes, elles diminuent de 6,7 %, monsieur Gaubert. Cela étant, cette baisse est essentiellement liée au calendrier de la prime herbagère agro-environnementale, dont la plupart des contrats ont été engagés sur cinq ans en 2008 pour un montant global de 450 millions d'euros. Conformément à l'engagement que j'ai pris devant vous, le présent budget réintègre la baisse de 50 millions des crédits des offices, retirés en 2008 mais compensés par la vente d'un immeuble de l'avenue Bosquet, à Paris.

Les crédits d'intervention, en augmentation de 7,4 %, sont fixés à 2,2 milliards d'euros. M. Perrut a rappelé avec raison que ces crédits nationaux pour l'économie agricole doivent être comparés avec le budget agricole européen : avec 1,5 milliard de crédits d'intervention agricole, la France doit bénéficier à due proportion de 10 milliards de crédits européens dans le budget de la PAC, dont 9 milliards au titre du premier pilier et le reste sur le deuxième pilier. Ainsi je suis sans doute le seul membre du Gouvernement dont la politique est entièrement mutualisée au niveau européen. Or la PAC est une chance. Elle ne signifie pas que les autres décident pour nous, n'en déplaise à ses détracteurs. Au contraire, nous décidons désormais avec les autres États membres dans le cadre du conseil des ministres et selon la règle de la majorité qualifiée.

Avec l'ensemble de mes services, que je remercie, j'ai souhaité donner du sens à ce budget afin de le mettre en cohérence avec une stratégie que je défends depuis bien longtemps – y compris à cette même tribune il y a quinze ans, en tant que ministre de l'environnement – et que soutiennent le Président de la République et le Premier ministre. Cet engagement est celui de la défense d'une agriculture et d'une pêche durables et fortes. M. Herth évoquait une « dynamique » : je souscris à ce terme.

Nous avons fait des choix et, par la force des choses, ils furent difficiles. Dans un budget contraint, certaines lignes doivent être supprimées, d'autres réduites. Celles qui augmentent n'ont qu'un objectif : préserver la durabilité de notre agriculture et de notre pêche, de sorte qu'elles soient à la fois productives au plan économique et responsables en matière écologique.

Une agriculture durable se transmet. C'est pourquoi, comme je l'ai dit aux jeunes agriculteurs – M. Herth lui-même, qui est encore très attaché à eux, l'a rappelé –, je tiendrai l'engagement que j'ai pris de donner la priorité budgétaire à l'installation, c'est-à-dire à la transmission des territoires et à la création d'entreprises. Pour satisfaire à 16 000 installations par an, nous avons augmenté de 13,3 % les crédits d'installation et instauré le plan de professionnalisation personnalisée afin d'élever le nombre d'installations de 6 000 à 7 500 et de garantir une enveloppe de prêts bonifiés, comme l'ont mentionné MM. Decool et Saint-Léger, mais aussi pour stabiliser durablement la dotation aux jeunes agriculteurs.

Une agriculture durable repose sur la recherche : l'avenir de bien des programmes et de bien des engagements en dépend. Pour garantir le succès de notre recherche, j'ai souhaité, comme l'a rappelé M. Forissier, augmenter le programme idoine de 15,8 millions d'euros.

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