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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 5 novembre 2008 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2009 — Agriculture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le ministre, les débats sur le volet agricole de ce projet de loi de finances pour 2009 sont attendus et observés par toute la profession agricole, en particulier par l'ensemble des éleveurs de notre pays.

Vous communiquez sur la progression temporaire du budget de la mission ministérielle, avec une hausse affichée de 2,72 % en crédits de paiement pour 2009 et notre collègue Michel Raison vient de vous relayer avec l'air gourmand d'un moine sur une boîte de camembert. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans les faits, cette hausse, déjà bien chétive par rapport à la situation réelle de nos agriculteurs, cache de grandes disparités entre des dispositifs purement abandonnés comme l'animation rurale et le service public de l'équarrissage, et des priorités autoproclamées qui, pour l'essentiel, sortent tout juste de leur étiage budgétaire, à l'exception du bio, en application d'ailleurs insuffisante du Grenelle de l'environnement.

Quelles sont les motivations qui vous conduisent à prévoir une baisse considérable du budget de la mission « Agriculture » dans les trois ans à venir ? La programmation budgétaire pluriannuelle 2009-2011 affiche en effet un repli à cette échéance de 18,5 % des autorisations d'engagement et de 10,6 % des crédits de paiement. Ce serait 450 millions d'euros de crédits de paiement en moins en 2011 par rapport à 2009.

Certes, nous vous applaudissons, monsieur le ministre, quand vous tressez les louanges de l'agriculture française, quand vous affichez le soutien de votre ministère aux exploitants. Toutefois comment conjuguer ces bonnes intentions sincères, nous n'en doutons pas, avec la timidité de votre opposition face à la libéralisation annoncée de la politique agricole commune préparant sans doute, en atterrissage final, un soutien de fait ? Il faudra bien s'arrêter à l'ornière des résultats.

Comment croire alors vos affirmations d'améliorer l'existence des hommes et des femmes qui vivent au quotidien la réalité agricole, ces hommes et ces femmes qui participent à porter la vitalité des territoires ruraux les plus fragilisés et permettent à tous de satisfaire leurs besoins alimentaires en quantité et en qualité ?

Dans ce contexte, je ne peux donc que relayer ici avec force le désarroi et la colère de l'ensemble des acteurs du monde agricole à l'analyse de ce budget 2009.

Limité par le temps, je ne pourrai malheureusement pas aborder la question des retraites agricoles pour lesquelles j'ai présenté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale et déposé une proposition de loi. Je m'attacherai essentiellement à la situation des éleveurs bovins et ovins, ceux du Massif central notamment qui me renvoient presque chaque jour la gravité de leur situation financière et personnelle.

Ils subissent en effet, tout d'abord, le refus de mettre rapidement en oeuvre un vaste plan de vaccination européen contre la fièvre catarrhale ovine. Sans doute, les libéraux au sein de l'Union européenne doivent-ils se frotter les mains de voir concrétiser leur fantasme d'éliminer les exploitants les moins performants, les moins compétitifs, les moins résistants, d'autant que les éleveurs supportent la déréglementation totale accordée par la loi de modernisation de l'économie aux opérateurs de la grande distribution et à l'oligarchie de leurs centrales d'achat dans la négociation avec les producteurs. Quelle belle traduction gouvernementale de la moralisation et de la régulation du capitalisme souhaitées par le chef de l'État que cette nouvelle liberté économique et financière des rapports commerciaux !

Quant aux éleveurs ovins, ils endurent – pour combien de temps encore ? – le rejet d'un plan d'urgence en faveur de leur filière. C'est certainement que les moutonniers peuvent attendre ; ils passeront après, comme toujours. Cependant cette fois, je vous l'assure, ils finiront par disparaître totalement de nos montagnes si rien n'est fait.

Mes chers collègues, la réalité agricole est douloureuse et exige des réactions à la hauteur. En effet le rythme des disparitions d'exploitations se maintient, la surface agricole utile nationale se contracte, les revenus des éleveurs fondent, les productions animales reculent comme celles de certaines productions sous signe de qualité, les territoires ruraux sont laissés sur la touche. Dans le même temps, les importations de produits alimentaires progressent avec des niveaux d'exigence sanitaire et de qualité bien moindres qu'en France. Le scandale des spéculations sur les productions à vocation alimentaire se poursuit.

Vous comprendrez qu'il est aujourd'hui impensable de justifier la contradiction évidente de ce débat budgétaire, contradiction entre la volonté d'amener notre pays vers une agriculture durable et la privation de fait, par dogmatisme politique, de tout levier de développement et de réorientation.

Il est temps de lever partout les contraintes inhérentes à un entêtement libéral sur ce volet budgétaire si fondamental pour l'avenir de nos paysans. Monsieur le ministre, avec votre budget et celui des années à venir, c'est un vaste plan de licenciement des éleveurs qui est mis en oeuvre. C'est une délocalisation agricole sans précédent que vous encouragez en laissant les mains libres au marché, aux spéculateurs et à la grande distribution.

Il est temps maintenant...

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