Monsieur le ministre, ce budget intervient au moment où la France vit une situation de crise quasiment généralisée sur l'ensemble des productions agricoles. Bien entendu, ce n'est pas votre faute, mais c'est une première, puisque, d'habitude, quand certains secteurs connaissent une crise, d'autres se portent bien. En tout cas, je ne les énumérerai pas tous puisqu'il faudrait alors faire un inventaire à la Prévert de toutes les activités agricoles ou presque.
On nous dit que c'est un bon budget puisque les crédits de paiement augmentent. Pourtant cela est normal, car il ne s'agit là que d'assumer les engagements pris les années précédentes. En revanche, si l'on examine les autorisations d'engagement, l'analyse n'est plus la même pour cette année ni pour les années à venir. D'ailleurs, je ne sais pas si votre budget n'est pas une conséquence de la RGPP plutôt que l'inverse, dans la mesure où vous essayez de l'habiller avec les moyens qu'on vous alloue. Cependant, si vous y parvenez assez bien sur certains sujets, sur d'autres il y aurait beaucoup à dire.
Parmi les points positifs de votre budget, citons l'installation des jeunes agriculteurs, la sécurité alimentaire, l'enseignement supérieur et la recherche, la gestion des aléas, sujet sur lequel vous tenez les engagements que vous avez pris avec beaucoup de mérite au vu du contexte actuel très difficile, ainsi que la pêche. Sur ce dernier point, comment comptez-vous régler le problème des aides dites Bussereau dont on sait aujourd'hui que la Commission européenne réclame le remboursement préalable à l'adoption définitive du plan que vous avez lancé il y a quelques mois ?
En revanche il est des secteurs pour lesquels ce budget est très insuffisant. Je cite les retraites agricoles sur lesquelles Germinal Peiro reviendra tout à l'heure, la gestion des crises, la forêt, la modernisation des exploitations – où est le grand plan de modernisation des exploitations initié par votre prédécesseur et pour lequel des crédits de paiement ont été affectés les années précédentes mais qui sont passés aujourd'hui à la trappe ? –, la gestion des territoires ou encore l'enseignement technique agricole.
Enfin, certains crédits ont été supprimés : ceux en faveur des préretraites – certes le budget alloué n'était pas considérable mais il permettait de régler quelques problèmes sociaux que nous ne saurons plus gérer dans les exploitations agricoles –, de l'hydraulique agricole dont les crédits auraient pu servir à accompagner les nécessaires réorientations que nous devons prendre et dont on a largement débattu lors de la discussion du Grenelle de l'environnement –, ceux consacrés à l'animation rurale, ce lien social organisé par des associations de jeunes et de moins jeunes sur les territoires, enfin ceux alloués au service public de l'équarrissage ; sur ce sujet, ne venez pas nous dire que l'on va trouver d'autres formules.
Je pourrais continuer, mais il vaut mieux que j'arrête là ma liste.
Monsieur le ministre, chacun sait qu'il s'agit d'un budget difficile. J'allais dire que ce budget n'est pas le vôtre, en tout cas qu'il est le résultat d'arbitrages très difficiles fait à l'Élysée, arbitrages qui prouvent que l'agriculture n'est plus au premier rang des priorités de cette majorité. Là comme ailleurs, les promesses du Président de la République ne sont pas tenues et ce que nous supputions, à savoir que l'agriculture ne serait plus la priorité qu'elle a longtemps été par-delà les gouvernements, nous le constatons aujourd'hui.
Si j'étais irrévérencieux, je vous dirais, comme l'instituteur : « Fait ce qu'il peut, mais peut peu ». En fait, vous faites du mieux que vous pouvez avec le peu qu'on vous donne. Comme vous êtes solidaire de cette majorité et de ce Gouvernement, nous ne pouvons que condamner votre budget.
J'en viens à la politique agricole commune.
Monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir su nouer des relations avec les gouvernements d'autres pays avant de présider les sommets agricoles. Vous avez su également anticiper la codécision, et je crois que le Parlement européen s'en félicite. Vous avez également su nous informer régulièrement des progrès mais aussi des difficultés que vous rencontriez et je vous en remercie.
Pour autant, c'est sur le fond que nous devrons juger les décisions qui seront prises. Quelle politique agricole allons-nous connaître et quels seront les accords de l'OMC ? Cesserons-nous de jouer les naïfs envers les Canadiens et les Américains ? Ce n'est pas le changement formidable qui a eu lieu cette nuit aux États-Unis du point de vue démocratique et que nous apprécions tous qui changera grand-chose en matière économique. Nous savons bien que, avec le Farm bill, les Américains se donnent des avantages compétitifs par rapport aux autres agricultures et que le Canada, qui fait pourtant partie du groupe de Cairns, protège sa production laitière comme jamais cela n'a été fait dans d'autres pays. Si nous ne sommes pas capables de faire admettre à la Commission européenne que ces aides sont anti-concurrentielles et qu'il faut se battre contre, alors nous aurons échoué.
Monsieur le ministre, votre budget est tellement mauvais que, sans aucun état d'âme, nous ne pouvons que le condamner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)