Depuis plusieurs semaines, vous le savez, nous avons tous les yeux rivés sur les indicateurs financiers et économiques et nous redoutons les conséquences des désordres financiers sur l'économie réelle. Or, si la crise financière est sans doute l'une des plus graves que nous ayons eu à affronter, il en est une autre dont on parle moins, mais qui est à mes yeux tout aussi sérieuse, et qui, plus sourde, devrait pourtant tous nous mobiliser : je veux parler de la crise alimentaire.
Nous avons tous été témoins, il y a quelques mois, des émeutes de la faim, dont le monde entier s'est ému. On en parle moins aujourd'hui, d'autant que les prix agricoles ont baissé, mais les problèmes demeurent, et ils sont très sérieux. Vous le savez, monsieur le ministre. M. Diouf, directeur général de la FAO, me disait ainsi, lors de notre récente rencontre, que, l'an prochain, presque un milliard de personnes souffriront à nouveau de la faim.
Cette crise n'est que la face émergée d'un iceberg dont nous constaterons l'importance dans quelques années ou dans quelques mois si nous ne faisons rien. L'équation est à la fois simple et très complexe : la population croît, les comportements alimentaires se modifient, la demande alimentaire augmente ; simultanément, les modifications climatiques entraînent une raréfaction de la terre disponible. Monsieur le ministre, nous devons trouver des solutions à cette situation afin de ne pas la laisser se dégrader, sans quoi la crise alimentaire, comme la crise financière, risque d'exploser à la face du monde.
C'est à la lumière de ce contexte, et alors que l'Europe refait un bilan de la PAC conduite ces dernières années, que nous devons réfléchir au budget de l'agriculture. Nous devons revoir notre système agricole dans son ensemble ; tel est bien l'esprit du bilan de santé de la PAC, qui sera présenté au Parlement européen le 19 novembre. À l'heure où la France préside l'Union, vous aurez également, monsieur le ministre, une responsabilité particulière en présidant le conseil des ministres de l'agriculture.
Il nous faut ainsi nous assurer que le nouveau système agricole européen permet d'atteindre les objectifs que nous devons nous fixer ensemble : relever le défi alimentaire dont je viens de parler et garantir une agriculture diversifiée dans ses productions, présente dans tous les territoires – vous le savez tous, mes chers collègues –, y compris les plus fragiles, et s'inscrivant dans une démarche durable, puisqu'il s'agit de la terre que nous laisserons à nos enfants.
Je rappelle que, loin de nous en tenir à un bilan financier – qui conclurait que nous faisons beaucoup pour l'agriculture –, nous devons également évaluer nos productions. Or, alors que les pères fondateurs de l'Europe s'étaient fixé pour objectif de parvenir à l'autosuffisance alimentaire, nous sommes aujourd'hui déficitaires dans bien des domaines. Sans parler de la production ovine européenne, qui représente moins de la moitié de la consommation, c'est le cas de la viande bovine elle-même, phénomène nouveau s'agissant d'un secteur qui connaît par ailleurs une crise profonde.