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Intervention de Michel Diefenbacher

Réunion du 6 avril 2009 à 16h00
Développement économique des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Diefenbacher :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, rien n'est plus difficile, pour celui qui négocie à chaud un accord de sortie de crise, que d'en mesurer les conséquences à moyen et à long terme. Lorsqu'on est aux prises avec une situation de cette nature, il faut en sortir. Ce sont par conséquent les préoccupations immédiates qui dominent, et c'est probablement ce qui explique que, dans bien des cas, les conséquences à long terme des décisions ne sont pas clairement mesurées.

Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter à l'exemple bien connu des accords de Grenelle conclus en juin 1968. Ceux-ci avaient incontestablement deux mérites : ils mettaient fin à une crise qui avait immobilisé pendant quelques mois l'économie et la société française, et ils apportaient un certain nombre d'avancées sociales, notamment en matière de revalorisation des bas salaires.

Pourtant, après plusieurs mois, on a pu constater que l'augmentation des salaires avait entraîné celle des prix, laquelle a eu deux conséquences : d'abord le renchérissement du coût de la vie, donc la diminution du pouvoir d'achat ; ensuite, pour les entreprises, la hausse des coûts de production, parfois une perte de compétitivité, ce qui eut pour effets le ralentissement de l'économie et l'augmentation du chômage. Ces conséquences n'entraient évidemment pas dans les objectifs poursuivis.

Dans la situation qu'ils connaissent actuellement, les départements d'outre-mer sont menacés par un risque de la même nature, et nul ne peut affirmer qu'ils parviendront à y échapper. Celui-ci est d'autant plus présent que la situation économique internationale est mauvaise. Les marchés sont peu soutenus. Par ailleurs, un des secteurs durement touchés par la crise intervenue en début d'année – le tourisme – est particulièrement porteur pour l'économie locale. Dans ce domaine, il est à craindre que les conséquences de la crise ne soient durables. Il est toujours difficile, en effet, de se créer un nom, quand il s'agit de développer une destination touristique. En revanche il suffit de peu de temps pour dégrader une image.

Que conclure de ce développement ? Non pas, certes, que les accords ne doivent pas être respectés, mais que les parlementaires que nous sommes doivent tout faire pour que les départements d'outre-mer échappent au scénario que je viens de décrire.

Quand le Président de la République a annoncé que des états généraux se tiendraient au printemps dans nos départements et nos territoires, le Gouvernement aurait pu avoir la tentation de reporter l'examen de ce projet de loi au lendemain de leur conclusion.

Cette solution aurait offert certains avantages. Elle aurait permis au Gouvernement de se présenter devant le Parlement avec un texte unique, dans lequel auraient été rassemblées, outre les dispositions du projet de loi en discussion, celles qui auraient résulté de ces états généraux. Par contre elle aurait présenté l'inconvénient majeur de reporter les mesures que nous devons prendre au plus tôt à l'été, et plus probablement à l'automne. Or la situation économique des départements d'outre-mer relève de l'urgence. Tout jour, toute semaine perdus risquent d'être préjudiciables à l'activité économique et à l'emploi. Face à cette situation, il était important que le Parlement se prononce rapidement.

D'un mot, je reviendrai sur le double risque – celui d'une flambée des prix et d'une augmentation du chômage – que court, au lendemain de la crise intervenue au début de l'année, l'économie des départements d'outre-mer, afin d'apprécier si les dispositions du projet de loi sont opérantes ou non.

N'oublions pas que la crise est née d'un constat : la vie, dans les départements d'outre-mer, est inexplicablement plus chère qu'en métropole. Dans une telle situation, la première tentation est de réglementer les prix, comme le prévoit l'article 1er du projet de loi. Cependant celui-ci conserve une certaine souplesse puisque, s'il ouvre au Gouvernement la possibilité de procéder à une telle réglementation, il ne l'y contraint pas. Cette position me semble dictée par la sagesse.

Dans l'histoire économique française – particulièrement dans les années cinquante, ou après le premier, puis le deuxième choc pétrolier, dans les années soixante-dix ou au début des années quatre-vingts –, les périodes de forte inflation ont coïncidé avec des périodes de contrôle des prix. Si nous sommes sortis, à la fin des années quatre-vingts, de cette forte inflation, c'est parce que le Gouvernement avait opté pour la désindexation des salaires sur les prix et pour le libre jeu de la concurrence dans tous les domaines, dont celui du prix des carburants, particulièrement sensible dans les départements d'outre-mer. C'est à partir du moment où la concurrence a été largement ouverte que les prix se sont stabilisés. Nous devons retenir cette leçon pour l'avenir.

Puisque ce que nous avons constaté en métropole vaut aussi pour l'outre-mer, le moment est probablement venu de nous interroger sur la pertinence de notre système de fixation réglementaire du prix du pétrole.

Pour avoir exercé, dans une vie antérieure, un contrôle de ce type, j'ai pu constater que la complexité et la longueur des circuits de distribution, jointes à l'opacité des informations dont disposent les services de contrôle, font que la réglementation n'est sans doute pas le meilleur moyen de faire baisser les prix. N'oublions pas qu'en métropole, quand la liberté des prix a été instaurée, la généralisation de la concurrence a eu pour effet la modernisation de l'ensemble des circuits de distribution, laquelle s'est traduite par une diminution drastique du nombre de stations-service. Voulons-nous ouvrir ce dossier en outre-mer ? Nous devons trancher cette question de principe avant de prendre toute initiative dans ce domaine.

J'en viens au second risque que court l'économie des départements d'outre-mer : le chômage.

Quand les coûts de production d'un territoire sont plus élevés que ceux de ses principaux concurrents, ce qui est le cas pour l'outre-mer, qui appartient au même ensemble douanier que ses principaux concurrents européens, le seul moyen d'assurer la compétitivité des entreprises est d'alléger le coût de leurs charges fiscales ou salariales.

Mme Bello a rappelé que la défiscalisation était une réponse traditionnelle à un problème très ancien. Je veux cependant souligner, dans deux domaines, le caractère innovant des dispositions contenues dans le projet de loi.

Tout d'abord, si, jusqu'à présent, les détaxations bénéficiaient aux investissements répondant à certaines caractéristiques, désormais, dans les zones franches d'activités, les avantages fiscaux et sociaux ne concerneront que les entreprises localisées dans les départements d'outre-mer, qui travaillent et créent des emplois et de la richesse sur place. Il s'agit non de favoriser ceux qui, selon l'expression bien connue, « s'enrichissent en dormant », mais d'encourager ceux qui prennent des risques sur place, pour favoriser l'émergence d'une économie locale. Nous visons en effet la création d'un développement endogène, car nous souhaitons tous une plus large autonomie économique des départements d'outre-mer.

Le second domaine dans lequel le projet de loi innove concerne la défiscalisation du logement social.

Auparavant, celle-ci bénéficiait uniquement aux logements libres. Si ce système présentait bien des avantages en matière de développement, d'équipement du territoire ou d'emploi dans le secteur du bâtiment, son impact en matière sociale était singulièrement limité. En ouvrant le logement social à la défiscalisation, le Gouvernement prend incontestablement un risque. Certes, des évaluations ont tenté de chiffrer l'impact de cette mesure sur la création de logements sociaux, mais seuls les faits diront si elles étaient fiables.

Le pari, cependant, méritait d'être pris. Tout d'abord, ce n'est pas parce que la défiscalisation est ouverte à l'investissement dans le logement social, qui pourra désormais faire appel à l'épargne privée, que le Gouvernement se désengage. Loin de diminuer, les crédits de la ligne budgétaire unique continuent, au contraire, à augmenter. La défiscalisation du logement social n'entre pas en déduction de l'effort financier de l'État ; il s'ajoute à celui-ci. Cette démarche était nécessaire, car les besoins, dans ce domaine, sont considérables. En outre, elle montre que la défiscalisation ne bénéficie pas qu'aux riches : elle doit contribuer à satisfaire les besoins locaux dans tous les domaines, y compris dans ceux qui revêtent un caractère social. Le Gouvernement doit donc être félicité pour cette initiative.

Avant que nous n'en venions à la discussion des articles, je me réjouis de l'esprit dans lequel la commission des finances a travaillé sur ce texte. Le débat a été serein, sérieux et constructif, grâce à des initiatives convergentes. Je remercie M. le président Migaud d'avoir constamment recherché l'objectivité et la sérénité. Je félicite le rapporteur, M. Gaël Yanno, dont nous avons mesuré la disponibilité et la compétence, ainsi que l'extraordinaire égalité d'humeur. Enfin, je remercie mes collègues, notamment ceux de l'opposition, avec lesquels nous avons pu avoir un vrai débat, très ouvert – en dépit de certaines divergences – et tout entier tourné vers la recherche de solutions concrètes.

Au moment où s'engage la discussion générale, je souhaite que nos travaux en séance publique soient animés du même état d'esprit. Il est de bon ton aujourd'hui de critiquer l'outre-mer ou le Parlement. Si celui-ci, à l'occasion de l'examen d'un texte aussi important, pouvait donner l'image d'une assemblée qui sait tourner le dos aux débats polémiques et stériles pour se consacrer tout entière à la recherche de l'efficacité et de l'intérêt général, son image en sortirait grandie. L'outre-mer rendrait ainsi un service de plus à la République. Que faut-il souhaiter de mieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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