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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 17 décembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2009 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, quand nous avons débuté son examen, ce projet de loi de finances pour 2009 était déjà caduc dans ses hypothèses et complètement inadapté dans sa réalité. Charles de Courson vient de le rappeler, c'est, pour l'essentiel, un budget d'austérité, de rigueur, qui, en réduisant les dépenses, exercera un effet dépressif sur l'activité économique au moment précisément où il est nécessaire de relancer l'économie.

Je pourrais m'exprimer encore longuement sur ce budget mais, pour rester un peu dans l'actualité et poursuivre un débat que nous avons eu, monsieur le ministre, par voie de presse, je voudrais revenir sur la situation économique et sur le plan de relance, anticipant en quelque sorte notre discussion de lundi et du début de l'année prochaine.

Dans la crise que nous connaissons, il y a une face émergée : c'est la crise financière. Les exigences de rentabilité incompatibles avec la réalité économique n'ont tenu que lorsque le prix des actifs montait, mais le mouvement s'est brutalement inversé. Cela a provoqué une crise de dimension mondiale parce que la déréglementation financière avait dispersé un peu partout dans le monde des produits qui, habituellement, restent sous la responsabilité des banques.

Mais il y a aussi une face cachée, un problème que nous rencontrons dans notre pays depuis le début de l'année : c'est le pouvoir d'achat. Les exigences de rentabilité ont conduit beaucoup de ménages à s'endetter massivement, notamment aux États-Unis. La faible augmentation du pouvoir d'achat est une des causes de la crise : depuis dix ans le salaire moyen américain est stable alors même que les dépenses des ménages, en produits de consommation et en investissements, croissent. Dès lors, la demande a été en grande partie alimentée par de l'endettement. C'est également vrai dans notre pays, mais dans une moindre proportion. Derrière la crise financière se cache la crise du pouvoir d'achat.

La récession ou la quasi-récession que nous connaissons depuis le début de l'année en France est due à une baisse du pouvoir d'achat. Dans sa note de conjoncture d'octobre, l'INSEE indique que le pouvoir d'achat a baissé de 0,4 % au premier semestre de l'année et qu'il devrait encore baisser de 0,4 % au second semestre. Cela signifie qu'à la fin de l'année 2008, le pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages aura baissé de 0,8 % par rapport à ce qu'il était en début d'année.

Cette baisse du pouvoir d'achat, dont l'origine est en partie extérieure, puisqu'elle est imputable au choc pétrolier, est due aussi au fait que, depuis dix-huit mois, ni le SMIC ni les retraites n'ont connu de hausse significative. Je maintiens donc, avec Didier Migaud, avec lequel j'ai signé une tribune dans Le Monde, que l'origine de la récession actuelle est la baisse du pouvoir d'achat, qui a engendré, au premier trimestre, une baisse de la consommation, laquelle s'est répercutée sur l'investissement et l'emploi au second trimestre, aggravant la baisse de la demande auprès des entreprises. Depuis la fin de l'été, les effets de la crise financière s'ajoutent à cette situation, mais le problème originel reste la baisse du pouvoir d'achat.

Par conséquent, un plan de relance cohérent aurait dû s'appuyer sur deux éléments. À des mesures d'investissement, principalement public, il fallait adjoindre une augmentation du pouvoir d'achat pour réduire non les conséquences de la crise – la baisse de l'investissement est une conséquence du ralentissement de la consommation et de la diminution du pouvoir d'achat – mais ses causes. Peut-être suis-je myope, monsieur le ministre, mais même en regardant à la loupe les mesures que vous avez annoncées, je n'ai rien vu de significatif à ce sujet.

Une autre mesure s'impose. Il faut remettre en cause l'absurde disposition de la loi TEPA permettant de subventionner les heures supplémentaires, au moment où notre pays connaît une baisse de l'emploi. La redistribution du pouvoir d'achat aux salariés qui ont un emploi a une contrepartie évidente, qui tient à un effet d'incitation : les 5 milliards d'euros dépensés pour favoriser les heures supplémentaires produiront une baisse de l'emploi, qu'a chiffrée un jeune économiste de l'INSEE. J'invite M. de Courson à lire son étude. Elle montre que 50 000 à 60 000 emplois pourraient être détruits par ces mesures.

Nous sommes donc face à un cas de figure exceptionnel : vous refusez de supprimer une mesure qui coûte 5 milliards d'euros et dont la suppression sauverait 60 000 emplois. En trente-cinq ans d'analyse économique, je n'ai jamais vu aucun gouvernement camper sur une telle position. On citera sans doute ce cas d'école dans les cours d'économie.

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