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Intervention de Christian Vanneste

Réunion du 29 janvier 2008 à 15h00
Renforcement de la coopération transfrontalière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Vanneste :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les députés élus, comme moi, d'une circonscription frontalière, voient avec grand plaisir cette proposition de loi leur être soumise aujourd'hui. En effet, pour les habitants, les entreprises, les institutions et les élus de ces régions, la coopération transfrontalière constitue depuis de nombreuses années une réalité et un espoir.

Avec l'acquisition progressive d'une certaine autonomie locale, les collectivités territoriales ont développé une véritable tendance à la coopération. Cette coopération a d'abord lieu dans le cadre national, par le biais d'établissements publics de coopération intercommunale, de syndicats mixtes, de sociétés d'économie mixte, mais elle se développe tout aussi naturellement avec des collectivités territoriales étrangères, dans le cadre de ce que l'on dénomme habituellement la « coopération décentralisée ».

En Europe, cette coopération est de plus en plus nécessaire. Beaucoup de frontières, et celle avec la Belgique de manière évidente, apparaissent comme des freins artificiels à tout développement rationnel. Il s'agit donc de libérer les synergies et d'additionner les potentiels, de tisser l'Europe d'en bas, une Europe modeste mais efficace, une Europe pragmatique comme le disait à l'instant M. Vercamer. Et c'est ce que souhaitent la plupart des élus de toutes les régions de notre pays. Sans doute est-ce là d'ailleurs le meilleur moyen de réaliser des ambitions concrètes.

On peut résumer cette orientation en reprenant l'une des formules utilisées par la convention signée hier à Courtrai, lors du lancement du GECT Lille-Kortrijk-Tournai : « Transformer ce qui était un frein en une source de nouvelles opportunités. »

Les collectivités territoriales françaises, encouragées par les cadres offerts par le Conseil de l'Europe et par l'Union européenne, ont développé de nombreuses relations transfrontalières ou interrégionales. Le développement de ces relations a été rendu possible par la conclusion de conventions de coopération bilatérales. Au début des années 90, le législateur a également offert aux collectivités des structures juridiques de coopération. Cette démarche s'est poursuivie à l'occasion de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, avec la création du district européen.

Enfin, avec le règlement du 5 juillet 2006, le Parlement européen et le Conseil mettent en place le GECT, groupement européen de coopération transfrontalière, instrument de coopération transfrontalière et transnationale. Ce règlement européen a pour objectif le développement d'une structure juridique spécifique dédiée à la coopération entre territoires de l'Union européenne. Cette structure permettra notamment de combler l'absence de cadre juridique à laquelle la coopération transfrontalière et la coopération territoriale peuvent se heurter dès lors qu'elles ne sont pas structurées par des accords entre États.

Comme le souligne le règlement européen, le GECT a pour objet de faciliter et de promouvoir la coopération transfrontalière, transnationale etou interrégionale, dans le but exclusif de renforcer la cohésion économique et sociale. Il a la personnalité juridique et possède dans chacun des États membres la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale de l'État membre. Le droit qui régit les actes d'un GECT est celui de l'État membre dans lequel il a son siège. Le GECT peut regrouper des collectivités régionales et locales, des États membres de l'Union européenne et des organismes de droit public. Par cohérence avec l'objectif de coopération territoriale, les membres du GECT doivent provenir d'au moins deux États membres, afin d'éviter que cette structure ne puisse être employée pour une coopération interne à un État.

Ce règlement, qui a donc pour objet de permettre l'existence d'une structure uniforme et aisément identifiable d'association entre collectivités de différents États, devrait répondre à l'une des principales difficultés de la coopération entre collectivités territoriales : l'articulation entre des ordres juridiques différents. En effet, les collectivités territoriales sont régies par des règles distinctes qui rendent la coopération difficile. Ainsi, les intercommunales belges ne correspondent pas aux différentes intercommunalités françaises, comme le rappelait hier encore, à Courtrai, Pierre Mauroy.

Le groupement européen de coopération territoriale doté de la personnalité juridique et soumis aux règles de droit de l'État dans lequel il aura son siège, offrira une structure propice à l'émergence de nouveaux projets de coopération entre collectivités territoriales et au développement des coopérations qui existent déjà.

J'ai eu l'honneur, avec mes collègues Patrick Delnatte - dont le travail éminent trouve ici son juste aboutissement -, Bernard Roman et Francis Vercamer, de faire partie du groupe de travail parlementaire installé le 10 novembre 2005 et chargé de recenser les sujets d'intérêt commun transfrontalier entre la Belgique et la France, afin de constituer un véritable outil de coopération territorial disposant d'un organe politique de gouvernance.

Il ne faut pas oublier l'impact très favorable qu'aura ce GECT sur notre région frontalière en raison du dynamisme flamand, dont témoigne le taux de chômage particulièrement bas de cette région belge. En effet, de part et d'autre de la frontière, nous nous étions rendu compte que des dispositions juridiques divergentes freinaient la coopération transfrontalière. Souvent, celle-ci s'est faite comme M. Jourdain faisait de la prose, sans que l'on en ait pleinement conscience, mais elle s'est parfois heurtée à la lenteur et à la résistance de systèmes juridiques différents – je pense à la coopération en matière de santé, par exemple. Depuis très longtemps déjà, les hôpitaux collaborent de part et d'autre de la frontière, mais le système de protection sociale a mis des années à s'adapter.

La mission du groupe de travail s'est achevée en mars dernier, et tous les partenaires concernés par le projet de création de l'eurodistrict Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai se sont mis d'accord – le groupe UMP salue le consensus qui a été obtenu – pour que la forme juridique retenue soit le groupement européen de coopération transfrontalière – le GECT – qui résulte du règlement du 5 juillet 2006. L'Eurométropole devrait devenir un GECT qui regroupera près de 2 millions d'habitants, vivant dans une agglomération de près de 3 500 kilomètres carrés et qui comptera 145 communes.

Mais le Nord n'est pas le seul à être intéressé. Ainsi, en commission des lois, un de nos collègues, Christian Eckert, a expliqué que cette proposition de loi serait particulièrement utile en Lorraine où la coopération transfrontalière est primordiale compte tenu du nombre de personnes qui travaillent en Belgique, au Luxembourg ou dans la Sarre. La création d'un groupement européen de coopération territoriale permettra d'accompagner, a-t-il ajouté, le développement économique du sud du Luxembourg et de favoriser la coopération en matière de transports, de santé et de services. Nous ne pouvons que nous en réjouir. L'amendement de notre collègue Jean-Claude Guibal, originaire de l'autre bout de la France, va également dans le même sens.

Les États membres devaient prendre les dispositions appropriées pour appliquer le règlement au plus tard le 1er août 2007. Mais, aujourd'hui, le droit français n'est pas entièrement adapté. Selon les dispositions actuelles, la coopération interrégionale et transfrontalière n'est autorisée qu'avec des collectivités territoriales étrangères, et non avec des États étrangers ou avec des établissements publics administratifs. Dans ces deux cas précis, la formation d'un GECT peut être entravée.

C'est afin de poursuivre le travail du sénateur Pierre Mauroy que le groupe UMP a décidé de soutenir ses collègues de la majorité présidentielle du Nord et de voter cette proposition de loi. Elle reprend intégralement un article qui avait été adopté par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens, comme M. le rapporteur l'a rappelé. N'ayant jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, la disposition a dû être reprise sous la forme d'une proposition de loi. Celle-ci, que nous étudions aujourd'hui, permet, d'une part, d'adapter notre droit au règlement européen relatif au GECT et, d'autre part, de poursuivre l'oeuvre de longue haleine engagée par la commission des lois, sous l'impulsion de Jean-Luc Warsmann et d'Étienne Blanc, visant à simplifier nos procédures.

L'article unique de la proposition procède à l'adaptation du droit français au règlement du 5 juillet 2006 relatif au GECT. Il introduit dans le chapitre du code général des collectivités territoriales relatif à la coopération décentralisée une nouvelle disposition prévoyant les modalités de création et le droit applicable à un GECT ayant son siège en France, ainsi que les conditions d'adhésion des collectivités françaises à des GECT de droit étranger. En théorie, la création d'un GECT auquel adhéreraient des collectivités territoriales françaises est possible depuis le 1er août 2007, les dispositions contraires au règlement communautaire n'étant plus applicables. Toutefois, il est préférable de les supprimer et d'apporter des précisions sur le régime juridique de ce nouvel instrument de coopération, afin d'éviter tout risque contentieux lié à la création ou au fonctionnement d'un GECT.

Par ailleurs, la proposition de loi poursuit l'oeuvre de simplification. Ainsi, l'article unique propose de supprimer la formule peu utilisée et désormais redondante du groupement d'intérêt public – le GIP – pour associer des collectivités territoriales étrangères à certaines missions exercées par des collectivités territoriales françaises, sous réserve du maintien jusqu'à leur terme des GIP existants.

En outre, le second protocole additionnel à la convention de Madrid, qui a été récemment ratifié par la France, prévoit l'extension à la coopération interrégionale et transnationale des dispositions relatives à la coopération transfrontalière. L'introduction en droit français du GECT offrira un instrument particulièrement adapté à ce type de coopération.

Cette proposition de loi est la preuve concrète de la réalité européenne : une Europe solidaire qui tient compte des réalités économiques et sociales. À l'heure ou le Président de la République nous appelle à ratifier le traité de Lisbonne, le groupe UMP ne peut que se réjouir de voir relancer la coopération entre régions transfrontalières européennes. Pour conclure, il tient à saluer l'esprit consensuel qui règne sur ce sujet et se félicite qu'une telle proposition de loi soit adoptée aussi rapidement par le Parlement. Le groupe UMP votera donc ce texte, qui répond pleinement à nos attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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