Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sous ses apparences techniques, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est en réalité particulièrement symbolique de la manière concrète et pragmatique dont l'Union européenne peut avancer au plus près des attentes de nos concitoyens et des besoins de nos territoires.
De quoi s'agit-il en effet ? D'inscrire dans notre code général des collectivités territoriales les dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 qui crée le groupement européen de coopération territoriale.
Les collectivités territoriales françaises disposent en effet, avec le GECT, d'un outil particulièrement adapté pour développer, au sein de l'Union européenne, avec des collectivités de pays membres, des projets de partenariats et de développement au service de nos concitoyens. Ce nouvel outil s'intègre à un dispositif juridique qui encadre et encourage la coopération transfrontalière des collectivités.
Parmi les principaux textes, je citerai notamment la convention de Madrid du 21 mai 1980 relative à la coopération interterritoriale, dont la France a ratifié le protocole additionnel n° 2 le 7 mai dernier, ainsi que la loi d'orientation du 6 février 1992 qui crée la commission nationale de la coopération décentralisée et enserre la coopération transfrontalière dans deux limites nettes, d'une part le respect des engagements internationaux de la France, d'autre part le respect des compétences des collectivités concernées et la conclusion de conventions de coopération. Je retiendrai également la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui permet la création de districts européens, groupements locaux de coopération transfrontalière fondés à l'initiative des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Le groupement européen de coopération territoriale est un outil juridique au service de la coopération transfrontalière, à la fois plus complet et plus souple que les dispositifs existants : plus complet puisqu'il envisage de manière large les partenariats qu'il est possible d'initier, ouvrant ainsi la voie à la participation des États et permettant l'implication dans un même projet transfrontalier de territoires non contigus ; plus souple puisque son objet est lui-même très ouvert. Ainsi, il permet aussi bien de gérer des programmes cofinancés par l'Union européenne dans le cadre des fonds de cohésion que des projets qui sont propres aux membres du groupement et donc adaptés aux réalités d'un territoire et des hommes qui y vivent.
Au-delà de la simple adaptation du droit français aux dispositions de droit européen, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est tout un symbole, puisqu'en réalité elle ne fait rien de moins qu'ouvrir aux politiques et aux citoyens européens le champ des possibles.
Elle permet en effet aux responsables de collectivités locales que nous sommes pour un certain nombre d'entre nous de nouer des partenariats efficaces autour de projets nouveaux ou d'amplifier des projets que nous mettons déjà en oeuvre de part et d'autre de la frontière.
J'insiste d'autant plus sur ce point que je participais hier matin, en votre présence, monsieur le rapporteur, à la cérémonie de lancement de l'eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai qui sera le premier GECT sur notre territoire. C'est aussi l'aboutissement d'un long travail de coopération initié en 1991 par la communauté urbaine de Lille avec les intercommunales belges, wallonnes et flamandes.
Pendant plusieurs années, ces différentes collectivités ont mené une réflexion commune sur les caractéristiques et l'avenir de leurs territoires, qui a abouti à l'élaboration d'une stratégie pour une métropole transfrontalière. Cette stratégie a permis de définir ce qui peut réunir, par-delà des frontières intérieures européennes qui s'effacent, des territoires caractérisés par une réelle continuité urbaine. Ces territoires se rejoignent par la proximité de certaines problématiques, notamment en termes d'emplois, d'aménagement et de sécurité, ou par leur complémentarité.
Cette eurométropole, constituée aujourd'hui sous la forme du groupement européen de coopération territoriale, dans la continuité de la réflexion et de l'élaboration de cette stratégie pour une métropole transfrontalière, ne rassemble pas moins de quatorze autorités publiques, dont quatre françaises et dix belges, autour de projets communs destinés à faciliter la vie d'une métropole de 2 millions d'habitants. En effet, le GECT est l'instrument qui doit permettre de surmonter nombre d'obstacles qui entravent la vie transfrontalière quotidienne de ceux de nos concitoyens qui, depuis longtemps, franchissent allègrement les frontières administratives de nos pays pour les besoins de la vie quotidienne, mais également pour travailler, se loger, se soigner, voire trouver un établissement d'hébergement pour un parent âgé ou une personne malade. Dans ce dernier cas, ce n'est pas un choix, mais faute de structures d'accueil en nombre suffisant sur notre territoire. Les implications, tant juridiques que fiscales, sont nombreuses, qui compliquent le plus souvent des situations personnelles difficiles.
J'ai participé, de la fin de l'année 2005 au début de 2007, avec Christian Vanneste et Bernard Roman, au groupe de travail parlementaire franco-belge qui avait pour mission de recenser les freins législatifs et réglementaires au développement transfrontalier entre la France et la Belgique. Avec l'aide de nos collègues parlementaires belges, nous avons établi une liste de blocages dans des domaines aussi divers que l'urbanisme, l'aménagement du territoire, la sécurité, le transport, les télécommunications, la santé, l'eau, l'environnement, l'enseignement et la formation.
La résolution des difficultés repérées relève pour un certain nombre de cas des autorités centrales des deux pays – je pense notamment aux dimensions fiscales du travail frontalier. Mais elle peut également résider dans le développement d'une meilleure coopération entre les collectivités françaises et belges, via, par exemple, des expérimentations pour un meilleur accompagnement de la mobilité des travailleurs frontaliers, un meilleur encadrement des entreprises sur le plan juridique, une meilleure coordination des documents de planification des territoires, la création d'un cursus de formation multilingue dès le secondaire, le développement d'un service coordonné de transports en commun transfrontaliers, ou encore la création d'un véritable espace transfrontalier d'accès aux soins.
Dans tous ces domaines, directement ou indirectement, en impulsant des projets, en mobilisant ses partenaires et ses membres, le groupement européen de coopération territorial peut jouer un rôle moteur et décisif. Il contribue ainsi à construire cette Europe du quotidien qui rapproche la construction européenne des préoccupations de nos concitoyens pour lui donner une lisibilité et un sens nouveau, avec un contenu qui puise ses sources dans la proximité.
Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre apportera son soutien à la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)