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Intervention de Alain Gest

Réunion du 25 juin 2008 à 15h00
Responsabilité environnementale — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Gest, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire :

L'article 6 a retenu toute l'attention de la commission. Cet article établit le régime juridique des pollutions marines sur la base de la directive 200535, conformément aux conventions internationales MARPOL de 1973 et Montego Bay de 1982. Je ne me livrerai pas ici à un commentaire exhaustif, pour lequel je vous renvoie à mon rapport écrit. Toutefois, il me semble judicieux d'expliciter les lignes directrices qui ont présidé à la rédaction des différents amendements que la commission a fait siens, dans un vote unanime, et qui vont être soumis à votre approbation.

En premier lieu, le dispositif proposé conduit à faire du régime français de répression des pollutions marines le plus sévère d'Europe. Les amendes pénales seront, si vous l'acceptez, multipliées par quinze, allant jusqu'à 15 millions d'euros dans le cas le plus grave de dégazage intentionnel. Les peines carcérales pourront atteindre quant à elles les dix années d'emprisonnement. Cette architecture pénale devrait être dissuasive. Par comparaison, en Espagne, qui est pourtant à l'heure actuelle le pays le plus strict, la loi ne prévoit qu'un maximum de 3 millions d'euros d'amende, et les sanctions carcérales ne dépassent jamais six années.

En second lieu, il est suggéré de mettre un terme au système de calcul des amendes en proportion de la valeur du navire et de la cargaison. En effet, ces dispositions nous sont apparues éminemment insatisfaisantes. D'une part, parce qu'elles aboutissent à un maximum théorique supérieur, pour certains cas, à 10 milliards d'euros d'amende, ce qui ne paraît pas très sérieux. D'autre part, parce que nous savons tous que les marées noires sont provoquées par des bateaux poubelles qui transportent des déchets sans valeur. Pour ceux-là, l'amende encourue serait d'un faible niveau, alors qu'elle serait très forte à l'encontre d'un navire moderne bien entretenu chargé d'un fret peu polluant mais de grande valeur. De toute évidence, ce système ne nous convient pas.

Mieux vaut donner aux amendes prévues une valeur claire, établie, et laisser le juge les moduler suivant son appréciation souveraine du cas d'espèce. Je tiens à rappeler, pour mémoire, que l'amende pénale n'est pas l'indemnité de réparation civile, qu'elle a une fin de sanction et non de remise en état du littoral, et qu'il n'est donc pas logique de fonder son montant sur des données variables.

Enfin, la commission et moi-même proposons d'instaurer l'égalité devant la justice pour tous les navires, qu'ils soient français ou étrangers. Le droit actuel, comme la version du projet issue du Sénat, emprisonne en effet plus volontiers si le pavillon est français que si le navire arbore des couleurs étrangères, fussent-elles de complaisance. Il faut dire que la convention de Montego Bay sur le droit de la mer pose sur ce point une impunité presque totale au bénéfice des navires étrangers.

Il ne s'agit ni de défendre les pollueurs ni d'introduire une tolérance à leur profit – la preuve en est l'augmentation très sensible des amendes que nous avons prévue et que la presse n'a d'ailleurs pas manqué de relever. Mais il faut abroger ces dispositions discriminatoires dont souffre le pavillon français. C'est un des principes fondateurs de la République : les infractions identiques doivent être réprimées par des sanctions identiques et ne pas varier en fonction de la nationalité du fautif.

En plus d'avoir ce caractère qui blesse l'éthique juridique, le droit actuel apparaît à la fois inopérant et contreproductif.

Il est inopérant car les navires français respectent l'environnement plus que tous les autres : ils figurent cette année en tête de la liste blanche des pavillons conformes aux normes de la sécurité maritime, et ils n'en quittent jamais les premières places. Et c'est justement ceux-là que l'on voudrait sanctionner davantage ?

Il est contreproductif car il constitue un handicap pour l'attractivité du pavillon français. Or les navires qui l'abandonnent au profit de pavillons de complaisance seront fatalement moins contrôlés, moins entretenus, donc plus dangereux.

J'entends que la France doit être exemplaire dans la lutte contre les pollueurs. Mais, madame la secrétaire d'État, elle l'est déjà par la performance de ses armateurs et elle le sera plus encore si nos amendements sont adoptés de façon à instituer, je le répète, le régime pénal le plus intransigeant d'Europe envers ce que l'on peut appeler les « voyous des mers ». Partout où les étrangers ne bénéficient pas de l'immunité du droit international, les peines de prisons sont soit maintenues, soit renforcées. Partout où seuls les Français pourraient être condamnés à une détention, nous privilégions des peines d'amende, drastiquement augmentées.

Tel est le sens des amendements qui vont être soumis à l'examen de cette assemblée. Comme je le disais au tout début de notre débat, en présence de M. le ministre d'État, pour qu'une décision soit comprise, il faut qu'elle soit juste. C'est tout le sens des amendements que nous présentons : sévères, mais justes.

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