Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, assurer la sécurité de nos concitoyens, de manière continue sur l'ensemble du territoire, constitue pour l'État l'une de ses prérogatives les plus fondamentales. C'est conscients de toucher le coeur même de notre pacte républicain que nous abordons ce débat.
Depuis maintenant quelques mois, nous observons une hausse sensible du nombre de crimes et délits constatés alors que ceux-ci étaient en baisse depuis 2002. C'est dans ce contexte particulier que s'inscrit notre discussion.
Certaines tendances profondes de l'évolution actuelle de la délinquance sont plus inquiétantes encore, je veux parler de l'augmentation des violences commises par ce qu'il est convenu d'appeler les bandes et de l'installation de cette violence au sein des établissements scolaires. En aucun cas, la République ne doit les tolérer. Chacun d'entre nous ayant été, en tant qu'élu local, confronté à ce type de difficultés, sait combien il s'agit-là de phénomènes complexes et de tendances déjà anciennes.
Derrière le terme même de bandes, se cache une réalité diverse et multiple, en perpétuelle évolution de surcroît. Il convient à ce titre de distinguer les véritables regroupements structurés de délinquants, le plus souvent adossés à un réseau de trafiquants de stupéfiants, voire à la criminalité organisée, d'une nébuleuse d'organisations plus informelles fédérées autour du sentiment d'appartenance à un territoire sur lequel elles s'estiment en droit de dicter leur loi. Il faut également distinguer, parmi les individus qui les composent, ceux qui en forment la colonne vertébrale de ceux qui ne font que graviter occasionnellement autour d'elles.
Leur répertoire d'actions est lui-même extrêmement large, allant des petites incivilités récurrentes aux crimes et délits les plus graves, en passant par les affrontements spectaculaires auxquelles elles se livrent entre elles pour des motifs le plus souvent dérisoires, ce dont nous avons encore eu tout récemment la tragique démonstration.
J'évoquais à l'instant la nature déjà ancienne de ce phénomène. J'ajouterai que nombreux sont, en conséquence, les outils juridiques qui ont été définis ici même au fil du temps pour combattre ces bandes, les derniers en date l'ayant été lors de la précédente législature avec la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance. Celle-ci avait notamment permis de définir l'incrimination de guet-apens afin de répondre à la multiplication des attaques perpétrées contre les forces de police ou contre les sapeurs pompiers.
Mettre un terme à l'emprise totalement inacceptable des bandes sur certaines parties du territoire doit être un combat permanent. Cela implique pour les parlementaires que nous sommes de toujours chercher à doter les forces de l'ordre des moyens qui leur permettront de répondre de la manière la plus efficace possible aux évolutions de cette forme de délinquance.
Toutefois, la répression de la seule participation aux agissements d'une bande violente doit être conciliée avec l'un des principes directeurs de notre droit pénal selon lequel nul ne peut être pénalement responsable que de ses propres agissements. Dans ces conditions, il est, le plus souvent, extrêmement difficile aux enquêteurs d'établir le détail des responsabilités individuelles. Commettre des délits en bande représente ainsi pour les délinquants une sorte de protection dans la mesure où leur responsabilité individuelle se trouve fortement diluée quand elle n'est pas complètement noyée.
En créant une infraction de participation à une bande, l'article 1er de la proposition de loi permet une avancée notable dont nous nous réjouissons tout particulièrement. Dorénavant, il sera possible d'incriminer individuellement les membres d'une bande dont il aura été prouvé qu'ils ont l'intention de commettre des violences ou des dégradations.
Cette disposition ne peut cependant à elle seule constituer l'alpha et l'oméga de la lutte contre la loi des bandes. Elle ne peut en aucun cas nous affranchir d'un débat construit sur notre politique de prévention. À cet égard, j'insisterai sur le point suivant : le ministère de l'intérieur estime que près de 50 % des 5 000 individus qui composent les 220 bandes recensées à ce jour sont des mineurs et qu'un grand nombre de leurs membres n'auraient pas même treize ans. De ce constat découle la nécessité de ne pas céder au tout pénal pour contrer ce phénomène. Implantées sur des territoires souvent sinistrés, les bandes, nous le savons, peuvent malheureusement constituer pour nos jeunes un lieu attractif de socialisation souterraine, devenant ainsi de véritables écoles de la délinquance.
Briser cette tendance implique d'ouvrir d'autres horizons à ceux qui se voient tentés de rejoindre ces regroupements. Un tel objectif implique un effort accru en direction de l'ensemble des acteurs qui concourent, sur le terrain, à la politique de prévention, qu'ils soient issus du monde éducatif, du monde associatif ou encore de celui de l'entreprise.
Sur ces territoires, il nous faut redonner toute sa place à l'école car c'est là où sont formés les futurs citoyens de notre pays mais aussi là où se construit la République de demain. C'est pourquoi nous ne pouvons en aucun cas fermer les yeux sur la banalisation de la violence au sein même des établissements scolaires et sur les agressions dont sont victimes les enseignants, les personnels d'encadrement et leurs proches.
De cette proposition de loi, je retiens particulièrement les mesures visant à rendre plus dissuasives les peines encourues en cas d'agression d'un enseignant ou de l'un de ses proches. Dans la même logique, je salue la correctionnalisation des peines pouvant être prononcées à la suite d'une intrusion injustifiée en milieu scolaire. Cette mesure permettra en effet de mettre fin au paradoxe selon lequel ce type d'intrusion ne peut être sanctionnée que d'une simple contravention, fut-elle de cinquième classe, alors même que les actes effectivement commis se révèlent d'une extrême gravité, comme nous en avons malheureusement eu l'illustration récemment.