Si je rejoins la plupart des intervenants sur le droit de grâce individuelle, monsieur le président, j'avoue que je n'ai pas le même avis sur les grâces collectives.
Le droit de grâce individuelle n'est pas spécifique à la monarchie : c'est simplement un droit ancien, le dernier droit de l'innocent. Pour les cas où une erreur judiciaire apparaîtrait dans des délais qui, par définition, excèdent celui du jugement, parfois de plusieurs années, le droit français prévoit la procédure de révision, lourde à mettre en oeuvre et à l'issue incertaine. Quand l'erreur est évidente, le chef de l'État – depuis un millénaire en France – a le droit de rapporter une décision de justice. C'est arrivé à peine une fois par septennat : depuis la décision qu'a dû prendre M. Giscard d'Estaing au cours du sien, je ne suis pas sûr qu'il y en ait eu d'autre. C'est dire qu'il s'agit d'une question plus théorique que pratique. Il est cependant toujours opportun de laisser une porte ouverte par où sauver un innocent.
Quant aux grâces collectives, même si c'est la mode de les remettre en cause et si elles ont été effectivement refusées, c'est à mes yeux une erreur, pour une raison simple. Si la France disposait des capacités de détention qu'elle souhaite, c'est-à-dire non pas 50 000 mais un peu plus de 60 000 places puisqu'elle compte 63 000 détenus, si j'ai bien lu les articles parus ces jours-ci, je concevrais tout à fait qu'elle refuse, par notre vote, de reconnaître au Président de la République un droit de grâce collective, soit une remise de peine de trois semaines, ce que tout le monde ne sait pas – ce n'est pas trois ans ! –, qui permet aux prisons françaises de respirer.
Mais nous, Français, n'avons pas encore toutes les places de prison que nous souhaitons, et nous ne les aurons pas avant 2010, voire 2012, à l'issue du programme de création de 10 000 places lancé par le gouvernement Raffarin. D'ici là, s'accrocher par principe au refus des grâces collectives est extrêmement choquant car c'est méconnaître les conditions de vie des détenus.
Voilà pourquoi je vous le dis clairement : je suis pour les grâces collectives tant que nous n'aurons pas inauguré les dernières prisons du programme lancé par le gouvernement Raffarin.