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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 26 mai 2008 à 9h30
Modernisation des institutions de la ve république — Article 6

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Cet article 6 pose problème au groupe Nouveau Centre en raison des deux phrases que comporte le second alinéa.

Première phrase : « Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »

Nous ne voyons aucune espèce de raison objective pour que le Président de la République, élu certes par tous les Français, ait un quelconque droit exceptionnel, extraordinaire en matière judiciaire. Nous ne sommes pas dans le cas de l'article 16 où le Président de la République doit faire face à une situation d'urgence, de gravité exceptionnelle, et où la préservation des institutions dépend de sa propre personne et des fonctions qui lui ont été confiées. En l'occurrence, au nom de quoi, une fois que la police judiciaire a achevé son travail d'enquête et d'instruction et que la justice a jugé en première instance, vraisemblablement en appel et parfois même en cassation, le Président de la République, seul, pourrait-il décider d'effacer une condamnation, ou du moins ses effets, alors qu'elle a été prononcée au nom du peuple français par les magistrats de tout un système judiciaire que nous mettons ensemble en place pour essayer de faire en sorte que les jugements soient équitables ? N'ayant pas pris d'engagement à ce sujet lors de la campagne électorale – s'agissant d'un droit de grâce individuelle, c'était évidemment impossible –, il ne saurait être responsable devant les Français, alors que les juges le sont.

L'amnistie, c'est autre chose. Ce sont les parlementaires, représentant la volonté du peuple, qui, à titre individuel ou à titre collectif, décident d'effacer la faute commise et condamnée. Nous avons d'ailleurs eu ce débat sur les amendements avant l'article 1er.

En tout état de cause, au nom de quoi, si ce n'est d'un résidu monarchique qui demeure dans notre Constitution, le Président de la République aurait-il le droit de passer par-delà la justice française, alors même qu'il ne sera plus le président du Conseil supérieur de la magistrature et que l'on sépare la fonction régalienne de l'exécutif de la fonction judiciaire ?

Seconde phrase : « Il exerce ce droit après avis d'une commission dont la composition est fixée par la loi ».

Il y a fort peu de garanties dans la Constitution sur la composition de cette commission, qui pourra varier d'une majorité à l'autre, d'une loi à l'autre, ce qui est regrettable. À tout le moins, si cet article devait être maintenu, ce qui est déplorable et fait de nous une exception – quel autre chef d'État au monde, dans une démocratie, a un droit de grâce individuelle ? –, il me semble que c'est le Conseil supérieur de la magistrature qui devrait émettre un avis, d'autant que le Président de la République n'en sera plus le président.

On pourra objecter que ce n'est pas vraiment son rôle, à lui non, plus de passer outre au pouvoir judiciaire, outre aux décisions de justice, mais, dans notre droit, avant l'abolition de la peine de mort, c'est lui qui émettait des avis sur la peine la plus grave qui puisse être prononcée. Il sera composé de personnalités reconnues, dont la nomination sera désormais contrôlée par le Parlement. Si l'on maintenait ce droit inutile, il faudrait au moins que ce soit lui qui se prononce sur les grâces éventuelles.

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