Cet amendement affirme que : « La loi reconnaît le travail dominical comme contraire aux intérêts de la vie familiale et aux besoins de l'éducation des enfants. À ce titre, dans les cas de dérogation, la rémunération des salariés est doublée. Ils bénéficient en outre d'un jour de récupération dans la semaine qui suit le dimanche travaillé. »
Notre débat porte beaucoup moins sur le terrain économique ou commercial que sur la vie personnelle des Français. Il intéresse donc ces derniers, et nous recevons de très nombreuses sollicitations de salariés qui nous demandent de nous battre contre ce texte. En effet, ils ont bien conscience que leur vie privée sera modifiée par les mesures que contient cette proposition de loi. C'est pourquoi, si vous devez mettre ce texte en oeuvre, nous insistons sur la nécessité de prévoir des compensations pour les salariés concernés.
Une étude sur les conditions de travail, publiée en mai 2009, par la DARES, rappelle que deux tiers des salariés travaillent aujourd'hui régulièrement avec des horaires décalés, soit le soir, soit le samedi ou le dimanche. Or nous savons que ce type d'horaires est à l'origine de charges supplémentaires et qu'il nécessite une organisation familiale différente.
La vie familiale a beaucoup évolué, par exemple avec les familles recomposées et les familles monoparentales, et de nombreux salariés travaillent désormais à temps partiel contraint – je rappelle que 70 % des salariés du commerce sont des femmes – mais force est de constater que le partage des tâches entre hommes et femmes n'est pas ce qui a le plus progressé dans notre société – en vingt ans, les évolutions ne portent que sur quelques minutes. Dans ce domaine, il y a donc des marges de progrès, mais alors que les charges familiales incombent encore largement aux femmes, il faut, pour le moins, qu'elles puissent s'organiser et qu'elles bénéficient pour cela d'avantages financiers et d'un temps de récupération.
L'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle est sans doute ce qui va prioritairement pâtir de votre proposition de loi. Nous vous demandons, en conséquence, d'améliorer votre texte.
Par ailleurs, j'insiste sur la question du délai de prévenance, qui touche, au premier chef, la vie familiale. La loi prévoit qu'un salarié dont les horaires sont modifiés par son patron doit en être informé, au minimum, sept jours à l'avance – trois jours, par dérogation. Toutefois, nous savons que, dans le commerce, même ce dernier délai ne tient pas. Il arrive que des caissières soient appelées la veille, ou le matin même, parce que le magasin est ouvert et qu'il y a de l'affluence. On m'a cité le cas d'une salariée qui a été appelé un dimanche matin par son employeur alors qu'elle préparait, en famille, le repas de communion d'un de ses enfants. Elle n'a pas refusé de travailler de peur de perdre son emploi, et elle a dû laisser sa famille fêter l'événement sans elle.
Le texte dont nous discutons est donc susceptible de créer des tensions considérables. Je vous rappelle qu'au mois de juin, trois femmes ont été licenciées d'un magasin du secteur de l'alimentation pour avoir refusé de travailler le dimanche, alors qu'elles travaillaient déjà, tous les samedis, de neuf heures à dix-neuf heures quarante-cinq. On leur demandait de travailler le dimanche pour un salaire majoré de 20 %, soit cinq euros. À ce tarif, elles ont refusé et elles ont donc été licenciées pour insubordination.
En cas de travail le dimanche, il faut au moins prévoir des compensations à la hauteur des charges supplémentaires liées à la garde d'enfant.
Pour conclure, monsieur le ministre, je ne résiste pas à l'envie de vous citer les mots de Victor Hugo que nous avons fait figurer dans l'exposé sommaire de notre amendement – vous qui avez été professeur, vous apprécierez :
« Messieurs, en des temps comme ceux-ci, prenez garde aux pas en arrière !
« On vous parle beaucoup de l'abîme qui est là, béant, ouvert, terrible, de l'abîme où la société peut tomber.
« Messieurs, il y a un abîme en effet ; seulement il n'est pas devant nous, il est derrière vous.
« Vous n'y marchez pas, vous y reculez. »
(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)