L'article 49-3 est un élément-clef de ce que l'on a appelé le parlementarisme rationalisé, quoiqu'il s'agisse plus exactement d'un parlementarisme arraisonné par le gouvernement, par tous les gouvernements.
Avec le mode de scrutin, le 49-3 constitue, depuis les débuts de la Ve République, le second pilier de la stabilité gouvernementale. Comme l'a souligné Arnaud Montebourg, il s'apparente à un passage en force, destiné à contrer moins l'opposition que la majorité. Chaque fois, d'ailleurs, qu'il a été utilisé contre l'opposition, il a été dévoyé puisqu'il existe – nous en avons longuement discuté cette nuit – d'autres moyens d'empêcher l'obstruction parlementaire, par exemple le vote bloqué.
Le 49-3 est donc une façon pour le Gouvernement de faire passer un texte en engageant sa responsabilité, alors même que sa majorité ne souhaite pas le voter. Son usage répété a induit une dérive perverse dans l'opinion publique en laissant croire, depuis un demi-siècle, qu'en cas de conflit entre le Gouvernement et sa majorité, c'est nécessairement cette dernière qui doit céder et rarement le Gouvernement. Tant et si bien qu'on en est arrivé, sous la dernière législature, à faire usage du 49-3 sur des projets de lois qui ne le méritaient pas, en tout cas pas dans l'esprit des rédacteurs de la Constitution : utiliser l'article 49-3 sur un projet concernant le téléchargement sur Internet était, de notre point de vue, profondément ridicule !
Désormais, le 49-3 revient, pour le Gouvernement, à demander à sa majorité réticente soit d'accepter son projet de loi soit de changer de gouvernement. Or, à moins de considérer que la politique gouvernementale c'est du « tout ou rien » – position qui affaiblit considérablement le rôle du Parlement –, on peut parfaitement vouloir modifier un projet de loi, voire le rejeter, sans pour autant souhaiter changer de gouvernement.
Deux textes néanmoins échappent à cette logique et rendent légitime l'usage du 49-3 : le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils sont en effet constitutifs de la politique d'ensemble du Gouvernement et, par définition, ne pas les approuver revient à ne pas approuver l'action globale du Gouvernement.
La question est de savoir s'il faut ajouter un texte supplémentaire à ces deux projets de lois. À notre avis, ce n'est pas nécessaire dans la mesure où, par nature, les autres textes doivent rester ouverts à la négociation.
Nous proposons donc un dispositif similaire à celui existant en Allemagne et qui permettrait au Gouvernement de poser cette « question de confiance » qu'est le 49-3 sans empêcher les députés de mener le débat jusqu'à son terme s'ils le souhaitent. C'est l'objet d'un amendement que je vous présenterai tout à l'heure.