Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier Michel Sapin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de me permettre de défendre la question préalable.
Si ce projet de loi de finances rectificative est discuté aujourd'hui, l'Assemblée nationale le doit à l'exceptionnelle mobilisation de nos concitoyens le 29 janvier dernier, jour où ils ont manifesté leur indignation de voir les fauteurs de crise continuer d'engranger profits et dividendes tout en bénéficiant des principales dispositions prises par le Gouvernement, et ce alors même que le chômage partiel et les licenciements se conjuguent aux pressions sur les salaires, ce qui a pour effet d'ôter toute efficacité à des plans dits de relance.
Mais au vu de la maigreur du projet de loi de finances rectificative, il faudra encore d'autres mobilisations et d'autres manifestations pour que le Gouvernement se décide à prendre des mesures à la hauteur de la gravité de la situation, susceptibles de répondre aux besoins et de nous sortir d'une crise qui est – faut-il encore le rappeler ? – une crise de la demande, les gouvernements, notamment le gouvernement français, ayant pressuré les salaires, les retraites et la protection sociale, tout en faisant preuve d'un inacceptable laisser-faire sur les prix.
L'ensemble de cette politique a abouti à l'explosion des profits, des dividendes et des fonds spéculatifs, ainsi qu'à la loi des paradis fiscaux et des crédits pourris, selon la juste formule de Patrick Artus, que j'ai déjà évoquée : « l'argent coule à flots ».
Pour toutes ces raisons, la journée de demain, jeudi 19 mars, soutenue, selon un sondage paru dans Paris Match, par 78 % des Français, doit être d'une force telle qu'elle oblige enfin le Gouvernement à prendre en considération la profondeur et la gravité de la crise et à comprendre qu'il ne s'en sortira pas en se contentant de soutenir les banques sans contrôle et en prenant des mesures dites d'accompagnement social et fiscal, dont l'objectif est, visiblement, de tenter de maintenir la tête hors de l'eau à des millions de nos concitoyens.
Je suis désolé de devoir le souligner mais, depuis le début – la présentation de la loi de finances pour 2009 en témoigne –, vous n'êtes pas dans le coup ! Vous ne mesurez pas ce qui se passe, ou alors, vous le cachez bien !
Lorsqu'il y a trois ou quatre ans je décrivais à cette tribune la vie de millions de nos concitoyens, je fus accusé de faire du misérabilisme en noircissant le tableau. À l'époque, 7 millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté. Aujourd'hui, c'est pire : ils sont toujours plus nombreux, ceux de nos concitoyens qui ne font qu'un repas par jour et, souvent, c'est aux Restos du Coeur ! Ils sont toujours plus nombreux ceux qui vont chercher leur repas dans les poubelles. C'est aussi pour cette raison que s'ouvrent des magasins où l'on peut s'approvisionner en produits alimentaires dont les dates de consommation sont dépassées !
Tout cela, vous ne voulez pas en entendre parler car votre politique, c'est bien connu, n'a que des vertus. De même, vous refusez de voir la reprise des expulsions locatives. Vous préférez la méthode Coué en répétant sans cesse qu'il n'y en aura pas !
Il y a cinq ans, au nom du groupe communiste, j'avais défendu une proposition de loi visant à interdire les expulsions, ce qui aurait enfin permis de mettre les pouvoirs publics face à leurs responsabilités, en les obligeant à déterminer les familles qui peuvent payer leur loyer et celles qui ne le peuvent vraiment pas, des mesures devant être prises dans les deux cas.
Jamais le Gouvernement n'a voulu regarder en face cette réalité et prendre les décisions qu'elle implique. Avec vous, la pauvreté, c'est toujours de la faute des pauvres !
Aujourd'hui, ce sont les classes moyennes qui sont de plus en plus sévèrement touchées. Votre mesure, bien timide et partielle, d'exonération fiscale pour la première tranche de l'impôt sur le revenu en est du reste la preuve.
Or, dans le même temps, sous nos yeux, se déroule un scandale permanent, celui d'entreprises, évidemment les plus grosses, qui continuent d'engranger des profits – 85 milliards d'euros pour celles du CAC 40 – et de distribuer généreusement des dividendes – plus de 35 milliards d'euros –, tout en licenciant ou en mettant des millions de salariés au chômage partiel.
Total est évidemment le symbole de ce capitalisme sans borne, arrogant et même « barbare », pour reprendre la formule d'Albert Jacquard : 14 milliards d'euros de profits et 550 licenciements annoncés, assortis de délocalisations !
Cette entreprise n'est malheureusement pas la seule. Voici une liste qui est loin d'être exhaustive : Caterpillar : 3,5 milliards d'euros de profits, des dividendes en augmentation de 17 % et 733 emplois supprimés ; Sanofï : 7,1 milliards de profits, 2.7 milliards d'euros de dividendes distribués, 1 400 emplois supprimés ; Arcelor Mittal – semble-t-il un peu plus en difficulté, ce qui reste à voir – : 6,4 milliards d'euros de profits, 9 000 emplois supprimés dont 1 400 en France ; Vivendi : 4,7 milliards d'euros de profits, en hausse de 5 %, avec une nouvelle hausse prévue en 2009 ; GDF-Suez, qui prévoit de distribuer 4, 3 milliards d'euros de dividendes. Et que dire de Continental ?
Alors que 7 milliards d'euros sont promis à l'industrie automobile, que croyez-vous que font Renault, PSA et, surtout, leurs sous-traitants, souvent filiales de multinationales qui réalisent des profits ? Eh bien, ils licencient leurs salariés ou les mettent au chômage partiel sans même prendre en compte le plan de sauvegarde présenté par le Gouvernement, certains allant même jusqu'à déclarer qu'ils n'en ont rien à faire car il font ce qu'ils veulent. Quelle arrogance ! Quelle brutalité !
Devant une telle situation et devant une telle attitude, tout responsable politique doit comprendre que nos concitoyens, à juste raison, ne perçoivent pas une crise, dont on leur masque par ailleurs les causes profondes, mais le cynisme d'un monde mené par la loi du fric et qui utilise l'alibi de la crise, dont ils ne sont pas responsables, pour leur faire payer l'addition. Telle est la réalité.
Je comprends et je salue ceux de nos collègues qui proposent de limiter le bouclier fiscal, car il leur semble impossible d'infliger à nos concitoyens provocations sur provocations sans que ceux-ci s'en aperçoivent et finissent par réagir.
Sans doute est-ce le même état d'esprit qui préside aux assauts contre les paradis fiscaux – bien timides : la question n'est pas d'en « assouplir » le fonctionnement, comme on l'entend ici ou là, mais bel et bien de l'arrêter. Oui, il faut supprimer les paradis fiscaux, et partout.
Le système capitaliste que vous soutenez bec et ongles a produit, avec le soutien actif de tous les gouvernements et du monde de la finance, de tels gaspillages, de tels excès, qu'il devient aujourd'hui impossible de ne pas remettre en cause – ou du moins de le dire – les outils les plus voyants du fiasco d'un système dont on nous soutenait, il n'y a pas si longtemps, que le succès marquait la fin de l'histoire. S'il s'agit bien d'une fin, ce n'est en tout cas pas celle de l'histoire.
Allez-vous arrêter ce gaspillage économique, réduire l'influence et le rôle du capital dans l'économie, afin de valoriser les capacités humaines et le travail qui sont les vraies seules richesses de l'humanité ? Pas du tout ! Vous avez d'abord pensé aux banques, puis à l'investissement, essentiellement privé, sans contrôle, sans contreparties, comme si vous signiez un chèque en blanc à ceux qui ont provoqué la crise. Enfin, après des mois mais surtout après la montée du mouvement social, la montée des exaspérations, vous sortez en catastrophe ce projet de loi de finances rectificative proposant des mesures dites « d'accompagnement social ». Enfin ! Serait-on tenté de dire si la montagne n'accouchait pas d'une souris, à savoir de quelques mesures ponctuelles, comme pour mieux faire passer la pilule des licenciements et du chômage – en attendant la prochaine, qui sera nécessairement le paiement de la facture d'un déficit budgétaire multiplié par trois en trois ans.
J'en viens aux mesures, selon vous exceptionnelles, que prévoit le présent texte. Il constitue tout d'abord la traduction des mesures annoncées à la suite de la rencontre avec les partenaires sociaux le 18 février dernier, dispositions que vous persistez à nous présenter comme consensuelles alors que l'ensemble des organisations syndicales en ont dénoncé les conclusions – la journée de mobilisation de demain est là pour le rappeler.
En guise de politique de soutien au pouvoir d'achat des ménages aux revenus les plus faibles, votre texte prévoit une réduction de deux tiers de l'impôt sur le revenu, représentant un gain moyen par ménage d'environ 200 euros pour les 4 millions de ménages dont les revenus se situent dans la première tranche d'imposition. Deux millions de foyers dont les revenus atteignent la deuxième tranche verront également leur impôt diminuer. Au total, donc, 6 millions de ménages bénéficieront de cette mesure pour un coût global de 1,1 milliard d'euros. Nous ne sommes pas opposés à cette disposition, mais force est de constater qu'elle souffre de graves insuffisances.
La question a été soulevée en commission de la définition du revenu imposable. Comme l'a souligné le rapporteur, le choix par le Gouvernement de l'impôt sur le revenu comme vecteur privilégié va nous conduire à des difficultés en cascade. Le revenu imposable ne tient pas compte des revenus exonérés ni des prélèvements forfaitaires libératoires ou encore des niches fiscales non plafonnées. Un amendement de notre rapporteur général apporte un début de réponse, mais le risque est grand de voir des ménages disposant de revenus très importants imposés à 5,5 % profiter de votre mesure, ce qui serait parfaitement inacceptable.
À cela s'ajoute que les effets de seuil restent importants malgré la prise en compte de deux millions de foyers imposés au titre de la deuxième tranche. C'est ainsi qu'un couple avec deux enfants déclarant 35 000 euros de salaire net pourra bénéficier de 630 euros de réduction, mais ne verra pas son impôt baisser d'un centime s'il déclare seulement 2 000 euros de plus.
L'anomalie est difficile à corriger, mais elle illustre les effets pervers générés par la réforme de l'impôt appliquée ces dernières années sous la houlette de l'actuel président du groupe UMP ; la réduction du nombre de tranches notamment, sous prétexte de simplification de l'impôt, a considérablement nui à sa progressivité et donc à la poursuite de l'objectif d'une plus grande justice fiscale.
Pour le reste, nous ne sommes pas hostiles par principe au versement d'une prime de 150 euros à trois millions de familles aux revenus modestes ayant des enfants scolarisés, non plus qu'à l'allocation de bons d'achats de services à la personne de 200 euros par foyer pour les ménages aux faibles revenus, mais ces mesures restent partielles, ponctuelles et insuffisantes. Les miettes que vous entendez ainsi distribuer pour contenir la colère croissante de nos concitoyens et leur légitime sentiment d'être les laissés pour compte de votre plan de relance ne répond en rien à leurs inquiétudes.
Si les salariés et leurs familles peuvent y retrouver quelques dizaines d'euros pour l'année 2009, aucune de ces mesures ne vise l'amélioration durable du pouvoir d'achat de nos concitoyens ni l'amélioration de la situation de l'emploi, aucune ne cherche à garantir une plus grande justice fiscale ou une protection sociale plus solidaire, aucune, enfin, ne poursuit véritablement d'objectifs d'efficacité économique. Vous affrontez un immense incendie avec de simples tuyaux d'arrosage.
Vous affirmez, par exemple, que les bons d'achat de services à la personne permettront de créer 40 000 emplois. Mais il n'est pas difficile de comprendre que cette mesure ponctuelle ne créera que des emplois très précaires, souvent mal rémunérés, dont les titulaires viendront bientôt grossir les rangs des allocataires du RSA.
Est-ce là tout ce que vous avez à proposer aux nouveaux demandeurs d'emplois qui affluent chaque jour et dont, du reste, près de la moitié ne touche pas d'indemnisation et n'en touchera pas plus demain, malgré les mesures annoncées ?
Ce qui se fait jour avec le type de mesures que vous nous proposez, c'est votre entêtement à refuser de vous attaquer aux enjeux centraux tels que le maintien de l'emploi et l'amélioration du pouvoir d'achat des salariés, à refuser d'aborder la question de la répartition des richesses, du rôle des entreprises, du fonctionnement de la démocratie sociale... Vous avez obstinément refusé d'assortir les milliards de garanties accordées aux banques de contreparties en termes de soutien à l'économie. De même n'avez-vous réclamé aux entreprises aucun engagement en termes de maintien de l'emploi et d'augmentation des salaires en échange des milliards mobilisés.
Aucune de vos mesures n'a été négociée dans l'objectif de préserver l'emploi et les salaires et de stimuler l'ensemble du tissu économique. Vous êtes demeurés fidèles à votre logique libérale mâtinée de clientélisme. Vous avez versé des milliards et confié sans scrupule l'argent du contribuable à des acteurs économiques qui en font désormais ce que bon leur semble... C'est le cas des banques, ce sera le cas aussi de l'industrie automobile car les prétendus engagements, purement verbaux, ne figurent dans aucun document contractuel.
Vous avez obtenu la baisse de la TVA à 5,5 % dans la restauration. Vous annoncez son application mais, là encore, avez-vous l'intention de demander aux employeurs du secteur de s'engager ? Il serait particulièrement utile, à l'évidence, de lier la baisse de la TVA, qui représente un manque à gagner pour les finances publiques, de l'ordre de deux milliards d'euros par an, à un accord obligeant à des créations d'emplois, des revalorisations de salaires et d'amélioration des conditions de travail dans ce secteur. Aurez-vous cette audace ? Nous en doutons.
Par aveuglement idéologique probablement, vous avez conjointement décidé de vous arc-bouter sur les réformes votées dans un contexte de croissance révolu. Vous avez ainsi décidé de demeurer fermes sur le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Votre ministère maintient donc la pression sur les ministères pour mettre en oeuvre la révision générale des politiques publiques, votre objectif étant la stabilisation des dépenses budgétaires en volume. Est-ce la priorité de l'heure ? L'État ne doit-il pas, au contraire, garantir la qualité des services publics, dont l'emploi constitue l'un des socles ?
De même, vous vous refusez à revenir sur des mesures ruineuses de défiscalisation des heures supplémentaires. L'État peut-il se payer le luxe d'une dépense annuelle de 7,7 milliards d'euros à l'heure où, à l'évidence, la priorité doit être donnée à la création d'emplois et non à la multiplication des heures supplémentaires ?
Le déficit public s'accroît, mais vous ne jugez pas non plus opportun de mettre fin au bouclier fiscal. Vous pointez depuis quelques jours le coût prétendument limité de ce dispositif. Il s'agit tout de même de 458 millions d'euros, soit le tiers du financement de mesures telles que le RSA. Surtout, vous ne pouvez continuer d'affirmer que la mesure bénéficie aux classes moyennes, comme vous n'avez cessé de le répéter depuis deux ans. Le constat est en effet que le bénéfice moyen par contribuable – Didier Migaud a même démontré qu'il était plus élevé – s'élève à 33 000 euros, ce qui suppose que les restitutions les plus importantes sont allées aux citoyens les plus riches.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, s'est lui-même ému du maintien du bouclier fiscal, jugeant qu'on ne pouvait « simplement demander à certains de faire l'effort et pas à d'autres ». Certains députés ne pensent pas autrement, dont le président de la commission des affaires sociales et culturelles – je me félicite que son amendement concernant la plus haute tranche de l'impôt sur le revenu ait été retenu en commission : c'est une simple question de justice.
Enfin, mesure phare de votre projet de loi : la mise en oeuvre du fameux pacte automobile annoncé le 9 février dernier. Celui-ci se traduit par l'octroi de 6,5 milliards d'euros aux constructeurs automobiles afin de leur permettre de financer leurs projets stratégiques.
Cette mesure vient en complément de la prime à la casse des automobiles, que vous nous avez resservie lors du dernier projet de loi de finances rectificative, pour encourager les achats de véhicules neufs, mesure qui relève surtout de l'action psychologique et concerne, pour 80 % des véhicules vendus ceux fabriqués à l'étranger. Vous n'avez pas souhaité annuler cette mesure, ni même l'évaluer, bien que les expériences antérieures en la matière soient loin d'être convaincantes.
Ainsi, selon le rapport rédigé en décembre 1997 par notre collègue Gérard Fuchs, « douze mois après la ruée liée à la fin de la juppette, la chute des ventes a été jusqu'à atteindre quasiment 40 % ». Il ajoute : « Les primes ont tiré le parc automobile vers le bas de gamme, c'est-à-dire vers les véhicules les moins rentables pour les constructeurs. »
Le second rapport parlementaire sur le sujet est l'oeuvre de l'ancien sénateur UMP Serge Lepeltier, ancien ministre de l'écologie, qui constatait en 2001 que « ces primes ont accéléré certains remplacements de voitures, suscitant une augmentation des ventes puis, après la fin de chacun des dispositifs, leur effondrement ». D'ailleurs, le ministre de la relance lui-même, M. Devedjian, a déclaré très franchement : « Ma crainte est que ce soit plus un effet d'aubaine qu'un effet d'entraînement. » Mais sans en tirer aucune conséquence…
Nul ne conteste ici, bien entendu, l'importance de ce secteur pour notre économie. Raison de plus cependant pour que l'État s'entoure de quelques garanties. Quelle assurance avons-nous que votre mesure ne sera pas l'occasion de nourrir, comme avec les primes, quelques effets d'aubaine ?
La première garantie ne devrait-elle pas consister à obtenir des industriels en question la contractualisation de l'engagement ferme du maintien de l'emploi en France, d'une amélioration des conditions de travail et de l'encadrement du recours à l'emploi partiel ? La seconde concerne les relations des constructeurs avec leurs sous-traitants. L'État devrait ici s'assurer que les sous-traitants ne feront pas l'objet de pressions plus fortes encore que celles qu'ils subissent aujourd'hui, facteur de destruction d'emplois, de fermeture de sites, de délocalisations diverses... Et je ne suis pas sûr que le code de bonne pratique prévu par ce plan suffira.
Il ne serait pas acceptable que les industriels puissent, comme les banques, se refaire une santé sur le dos des contribuables sans souci de l'intérêt général. Il semble pourtant, une fois de plus, que vous ne proposiez aucune procédure de contrôle de l'usage de ces fonds publics. Privatisation des profits, socialisation des pertes, la règle reste la même, crise ou non. Une règle que, loin de contester, vous alimentez sciemment au fil de vos différents plans de relance.
Face à une telle situation, il faut d'abord prendre des mesures d'urgence et de sauvegarde efficaces. Il s'agirait ainsi d'interdire les licenciements pour motifs économiques dans les entreprises qui touchent de l'argent public et, à plus forte raison, dans celles qui font des bénéfices et redistribuent des dividendes. Il faudrait aussi garantir la compensation à 100 % des salaires en cas de chômage partiel, en mobilisant les profits et dividendes des entreprises, et mettre en place une commission de contrôle de l'utilisation des aides publiques. Enfin, il faut faire en sorte que les entreprises financent des études de reconversion et de diversification avec des plans de formation pour les salariés.
Plus généralement, il devient urgent de contraindre les banques qui perçoivent l'aide publique à prêter pour relancer l'activité économique. On le relevait ici même hier soir : il est scandaleux que 16 milliards d'euros soient prélevés sur les livrets de développement durable pour que les banques consentent des prêts aux PME et qu'au final seulement 300 millions d'euros soient effectivement utilisés à cette fin. Et le Gouvernement, on l'a vu, couvre ces agissements : c'est inacceptable !
Toute exonération, tout dégrèvement, tout soutien ne doit être accordé que sous réserve de la signature d'un contrat qui engage les entreprises sur l'emploi et la politique salariale.
Il faut annuler l'essentiel de la loi TEPA, revenir sur les exonérations concernant les heures supplémentaires qui tuent l'emploi. Supprimer le bouclier fiscal. Supprimer les paradis fiscaux. Augmenter salaires, pensions et retraites.
La relance de la consommation est un moyen incontournable de relancer l'économie, même si la relance de l'investissement public et privé doit l'accompagner.
Il y a une marge économique de progression en termes d'investissement public, tellement nous sommes descendus bas, et les besoins sont considérables : ferroviaire, logement, santé, éducation, environnement, agriculture...
Enfin, pour m'en tenir à l'essentiel, il faut se donner les outils de cette autre logique politique, économique et sociale. Si nous voulons orienter différemment le crédit, le rendre utile, il est nécessaire de créer un pôle financier public, seule garantie d'une politique du crédit efficace, avec notamment l'octroi de crédits sélectifs aux entreprises, à taux réduit.
Rappelons que nous ne sommes pas sans marges de manoeuvres financières : il est possible de réaffecter 12 des 15 milliards que coûte la loi TEPA, ainsi que les 73 milliards de cadeaux fiscaux, lesquels ont augmenté de 46 % en cinq ans. Il est possible de récupérer 25 des 32 milliards d'euros de cotisations sociales dont la Cour des comptes a souligné qu'ils ne servaient pas à l'emploi, et de taxer les stock-options selon les recommandations de la Cour des comptes.
Au-delà des sommes à mettre en jeu pour sortir de la crise, ce qui est plus fondamentalement en cause, c'est l'utilisation qui est faite de l'argent, ce sont les garanties et contreparties qui doivent présider à son attribution, les choix de logique économique, en privilégiant le travail et le développement des capacités humaines au lieu de dérouler le tapis rouge au monde financier et aux grandes entreprises.
On le sait, 62 % des Français sont en désaccord avec le Gouvernement sur sa politique face à la crise. Ils ont raison, car ils savent que ce n'est pas en redonnant de l'argent aux mêmes, sans exiger quelque contrepartie que ce soit, que nous avons une chance de nous en sortir.
Non seulement vous ne préparez pas la sortie de crise, mais vous accumulez les matériaux pour celle de demain. Et chacun a bien constaté que ces crises cycliques du système capitaliste, parce qu'elles sont de plus en plus rapprochées, de plus en plus violentes, sont en fait l'expression d'une crise structurelle. C'est un système en bout de course.
En effet, les belles heures du dumping fiscal, du dumping social, et aujourd'hui du dumping environnemental, vont obligatoirement toucher à leur fin, car on ne construit pas un monde pour l'homme en en réduisant chaque jour sa dimension sociale.
Et « moraliser le capitalisme », selon l'expression du Président de la République, n'a aucun sens. Car moraliser un système pour lequel l'homme est un moyen et non une fin est impossible !
Voilà qui nous amènent, nous, députés communistes, républicains, parti de gauche, verts et ultra-marins du groupe GDR, à vous demander d'adopter cette question préalable.