Je déplore à mon tour que l'article 40 de la Constitution nous empêche d'amender le présent article, comme je regrette que la générosité du Gouvernement en reste, dans ce PLFSS, à des niveaux bien modestes. Certes, le rattrapage de 0,8 % compense une partie du manque à gagner de 2007 et anticipe très modérément sur l'inflation prévue pour 2008, dont on sait qu'elle a été forte, l'ajustement définitif ayant lieu en 2009. Or beaucoup de gens souffrent de ce que leurs pensions restent très modestes.
Selon un calcul simple que nous avons fait, une augmentation de 4,8 % aurait été plus raisonnable. Même plus coûteuse pour l'État, elle en valait la peine. Les retraités vous l'ont d'ailleurs dit en descendant dans la rue le 16 octobre dernier. Je pense qu'ils n'en resteront pas là, car ils ont le sentiment d'être les grands oubliés du moment.
Une telle disposition, non recevable financièrement, préfigure le débat que nous aurons sur le volet retraites du PLFSS. Les mesures que vous proposez sont des revalorisations parfois misérables de minima pourtant déjà indécents. L'article 5 de la loi de 2003, qui instaure les quarante et une annuités sans que le Parlement, hélas, ait pu en débattre, privera beaucoup de retraités d'une retraite à taux plein, donc correcte. Bref, le nombre de retraités pauvres augmentera encore, alors que 6 millions de retraités vivent déjà avec une pension inférieure au SMIC. Quant au minimum vieillesse, que vous prévoyez de porter à 676 euros dans ce PLFSS, il reste en deçà du seuil de pauvreté européen, à savoir 817 euros. Il y a donc encore beaucoup de gens misérables dans notre pays, et les femmes sont, une fois de plus, les plus touchées, puisque ce sont souvent elles qui ont interrompu leur carrière pour se consacrer à leur famille.
À ces menaces de régression sociale s'ajoute une faillite financière : l'allongement de la durée de cotisation, véritable pierre angulaire de votre stratégie, ne tiendra pas ses promesses budgétaires – les déficits précédemment accumulés sont là pour vous le rappeler. Or la loi de 2004 promettait le retour à l'équilibre en 2007 : ce sont vos amis, monsieur le ministre, qui l'affirmaient alors. Cela devrait vous inciter à la modestie quant aux promesses pour l'avenir.
Que l'on examine le problème des retraites sous l'angle social ou budgétaire, la seule issue tient en une formule, chère à notre Président de la République : remettre les Français au travail. Mais l'impératif du moment, monsieur le ministre, n'est pas de proposer à ceux qui travaillent déjà des heures ou des années supplémentaires : c'est d'ouvrir les portes de l'emploi aux jeunes et aux seniors. On verra plus en détail comment votre texte vise à favoriser le travail des seniors, en prévoyant des pénalités financières à l'encontre des entreprises qui ne joueraient pas le jeu. Toutefois, de telles évolutions réglementaires ne peuvent à elles seules changer les comportements. La mise à l'écart des seniors est une tendance lourde, confirmée par les chiffres : deux salariés sur trois sont littéralement éjectés de l'emploi avant même d'avoir acquis les droits à une retraite à taux plein. On peut craindre qu'un dispositif de sanction dont l'application sera incertaine n'y change rien.
À l'autre bout de l'échelle, rien n'est fait pour remédier au chômage des jeunes, dont le niveau constaté en 2007 continue de faire de notre pays l'un des plus mauvais élèves de la classe européenne. Aucune des mesures annoncées par le Président de la République en faveur de l'emploi ne concernent les jeunes. Or l'allongement de la durée de cotisation obligera ceux d'entre eux qui sont aujourd'hui au chômage à travailler jusqu'à un âge avancé, sauf à survivre avec des pensions réduites comme peau de chagrin.
Parmi les promesses de la loi Fillon de 2003, l'augmentation de la durée de cotisation est en définitive la seule que vous aurez tenue. Une autre politique, attentive aux évolutions sociales et démographiques et s'appuyant sur la constitution de réserves financières conséquentes, via le Fonds de réserve pour les retraites, nous semble possible pour maintenir les pensions à un niveau décent. Mais ce n'est pas le choix que vous avez fait.
En conclusion, il est fort dommage que votre PLFSS soit si peu hardi pour venir en aide à nos concitoyens les plus démunis.