Tout à l'heure, vous avez tenté de démontrer laborieusement, en vous appuyant sur des pourcentages quand ils vous convenaient, mais en parlant en valeur absolue et en milliards si cela était plus flatteur, que le Gouvernement auquel vous participez pourvoyait à la relance de la consommation par le soutien du pouvoir d'achat grâce aux amortisseurs sociaux.
Il faut choisir : soit la relance de la consommation par le soutien du pouvoir d'achat ne sert à rien et, dans ces conditions, vous devriez plutôt regretter les efforts que la sécurité sociale consent en faveur des ménages qui bénéficient effectivement des amortisseurs sociaux ; soit vous estimez qu'il faut une politique de relance par la consommation – ce qui, de fait, se justifie pleinement, mais nous serions surpris de vous l'entendre dire ! Aligner des pourcentages et des chiffres n'est pas d'une honnêteté intellectuelle rigoureuse, dans la mesure où, chaque année, ces prestations sociales sont augmentées pour les publics visés et où, pas plus en 2008 qu'en 2009, la sécurité sociale ou le Gouvernement n'ont fait d'effort supplémentaire en direction de ces publics.
Soit la relance par la consommation est une erreur et, dans ce cas, vous devez vous épargner ce genre de démonstration laborieuse ; soit il faut relancer la consommation par le pouvoir d'achat et, dans ces conditions, vous devez nous présenter des mesures de relance du pouvoir d'achat.
Pour autant, ce sont bien, dans cette deuxième loi de finances rectificative, des mesures propres à soutenir la consommation, via le pouvoir d'achat, que vous proposez au Parlement. Auriez-vous donc changé d'avis depuis la première loi de finances rectificative, quand vous nous annonciez que de telles mesures avaient toujours échoué ? Vous citiez alors à l'envi la phrase du Président de la République selon laquelle toute politique de relance de la consommation par le soutien du pouvoir d'achat revenait à arroser le sable, renvoyant ainsi dans les affres de l'erreur et dans les limbes de l'inconnu ses prédécesseurs, traités au passage – pour certains d'entre eux – de rois fainéants, invoquant d'ailleurs la relance de 1976, qui était un échec, ou celle de 1981 qui, à vos yeux, en était un. J'ai noté, monsieur le ministre des comptes publics, que vous avez cessé de critiquer, du haut de cette tribune, l'une comme l'autre. J'ignore si c'est pour éviter de vexer certains membres qui siègent, malgré tout, sur les bancs de la majorité, ou qui, ne siégeant plus dans cette enceinte, ont un rôle politique encore important à jouer, notamment au Conseil constitutionnel.
Quoi qu'il en soit, si la relance de la consommation par le soutien au pouvoir d'achat ne sert à rien, pourquoi ces 450 milliards d'euros donnés aux foyers qui bénéficient de l'allocation de rentrée scolaire ? Pourquoi ces 300 millions d'euros de bons d'achat de services à la personne pour 1,5 million de foyers, ce qui, d'ailleurs relativise grandement ce que chaque foyer va recevoir. Pourquoi cette moins-value fiscale de 1,1 milliard d'euros du fait de l'exonération des deux premiers tiers provisionnels pour les contribuables de la première tranche et pour une partie de ceux qui sont dans la deuxième tranche ?
Vous avez estimé cette population à 6 millions de foyers, ce qui revient à un effort moyen de 150 euros pour chacun d'eux. Vous conviendrez que ce que vous appelez vous-même le « paquet social », et qui fut décidé par le Président de la République au terme d'une manifestation et d'une grève de grande ampleur, représente beaucoup en valeur absolue – de l'ordre de 2,5 milliards d'euros – mais relativement peu au regard du coût du paquet fiscal !
Certes, celui-ci s'est limité l'an dernier à 8 milliards d'euros, mais il sera probablement plus élevé cette année. Comment justifier un paquet fiscal trois, quatre, voire cinq fois plus volumineux que le paquet social, sauf à vouloir encourager celles et ceux qui, ayant vu l'effet de leur grève et de leur manifestation du 29 janvier dernier, ont l'intention de se mobiliser demain, puisqu'ils ont fini par comprendre que c'est ainsi qu'ils parviendront à convaincre nos dirigeants que, décidément, les politiques qu'ils mènent ne conviennent pas ? Puisqu'il faut faire grève et manifester, ils le feront ! Qui se souvient aujourd'hui des propos du propos du Président de la République – il me paraît amusant de les rappeler – indiquant que, désormais, dans ce pays, quand quelqu'un faisait grève, plus personne ne s'en apercevait ? Il semble qu'il s'en soit néanmoins aperçu, puisqu'il a consenti un paquet social de l'ordre de 2,5 milliards d'euros, en comptant les 800 millions du fonds social d'investissement dont vous seriez d'ailleurs bien en peine de nous indiquer comment il pourrait soutenir massivement, et avec effet immédiat, la consommation !
Cette loi de finances rectificative, compte tenu des mesures qu'elle comporte, me paraît être en contradiction avec les propos, pourtant définitifs, que vous avez tenus lors de l'examen de la première loi de finances rectificative.
La démonstration est peut-être encore plus facile concernant la TVA. Avec, reconnaissons-le, de très bons arguments à l'occasion, vous aviez estimé que toute baisse de la TVA serait une erreur – pour ne pas citer d'autres expressions renvoyant à un prétendu archaïsme économique qui, pour nos collègues de la majorité, se situe toujours, bien entendu, du même côté de l'hémicycle !
Le Président de la République a annoncé qu'il s'engageait à réduire le taux de TVA dans la restauration. Mais, malgré tous les efforts consentis, vous ne semblez pas vouloir profiter de l'occasion offerte par le présent collectif budgétaire pour tenir cette promesse. Quand comptez-vous donc baisser le taux de TVA ?
Autre question : pourquoi vous limiter à la restauration ? En quoi les métiers de l'artisanat, par exemple, auraient-ils moins de légitimité à bénéficier d'une telle baisse ? Après tout, eux aussi connaissent une période difficile, ont du mal à payer le peu de salariés qu'ils ont et pourraient vouloir en faire profiter leur clientèle.
Par ailleurs, allez-vous vraiment abaisser le taux jusqu'à 5,5 % ? Dans l'hypothèse où vous le feriez, qu'en serait-il des mesures transitoires prises dans l'attente de cette réduction ? Je veux parler des 800 millions d'euros consacrés par l'État à l'aide à la création d'emplois dans l'hôtellerie et la restauration et des 1, 9 milliard d'euros d'exonérations de cotisations sociales, objet du rapport de M. Bur et de M. Bapt.
À toutes ces questions, madame la ministre, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous répondiez car, en l'absence de suppression des mesures transitoires, nous devrions faire face à une dépense de 3 milliards d'euros supplémentaires. J'ai cru comprendre que le rapporteur général excluait désormais que les baisses d'impôt puissent être financées par la dette. Dans ces conditions, comment les mesures de compensation seront-elles financées ? D'une manière ou d'une autre, 300 millions d'euros devront être gagés. Quelle taxation allez-vous inventer pour cela ? La question se pose bel et bien, compte tenu de votre tendance à créer des taxations pour financer le coût de vos nouvelles mesures.
Vous avez indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, que la taxation des mutuelles ne constituait pas un impôt. D'un simple point de vue formel, c'est vrai. Mais les mutuelles répercuteront cette taxation sur les tarifs dont devront s'acquitter leurs clients, ce qui revient, que vous le vouliez ou non, à un prélèvement supplémentaire dont les Français se seraient bien passés.
Toutefois, le contraste entre les propos que vous avez pu tenir et ceux que nous vous entendons prononcer aujourd'hui paraît encore plus étrange pour ce qui est du paquet fiscal, qu'il s'agisse de l'exonération des heures supplémentaires ou du bouclier fiscal.
L'exonération des heures supplémentaires est l'exemple type de la malédiction qui frappe notre pays à chaque alternance : la majorité fraîchement arrivée au pouvoir vote, dans son enthousiasme, une mesure dont elle estime qu'elle règlera tous les problèmes mais qui se révèle à l'usage totalement inadaptée à la situation économique que connaît le pays.
Les 35 heures étaient de toute évidence prévues pour une économie de crise, de stagnation sinon de récession. La croissance était au rendez-vous : elles n'y ont pas contribué pour peu mais on peut comprendre qu'elles ont, dans ce contexte économique, posé des difficultés.