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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 18 mars 2009 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Néanmoins, elle ne correspond à aucun mode reconnu de comptabilisation. Elle se veut rassurante, certes, mais n'offre aucune garantie quant à la reprise en 2010 d'un cours tranquille du déficit antérieur – pourtant déjà problématique. Les questions que vient de poser le rapporteur général semblent me donner raison.

Les mesures financées par le déficit « de crise » sont-elles appropriées ? De quelle manière est envisagée la sortie de crise, alors même que le déficit public sera alourdi par celui des administrations de sécurité sociale – qui atteint 18 milliards d'euros au moins, soit 0,9 point de PIB, au lieu de 0,4 point, comme vous le sous-estimiez voici quelques mois ? S'y ajoute aussi le déficit des collectivités locales : M. le rapporteur général a eu raison de souligner l'effet de « ciseau » provoqué par la baisse inéluctable des recettes – en particulier celles qui sont liées aux droits de mutation à titre onéreux sur les transactions immobilières – et la hausse, inéluctable elle aussi, des dépenses sociales. Les collectivités locales sont très sollicitées pour investir, et je crois, monsieur Carrez, qu'elles seront au rendez-vous ; dans ces conditions, il faut s'attendre à une dégradation plus grave que prévu de leur solde – de l'ordre de 0,4 point de PIB au lieu de 0,3 point, comme prévu au mois de janvier – ou, plus probable encore, à une augmentation des impôts locaux. Parlera-t-on alors d'imposition « de crise » comme on parle de déficit « de crise » ?

J'en viens aux mesures que vous proposez : elles portent pour l'essentiel sur des prêts au titre du « pacte automobile » – pour 6 milliards d'euros environ – et sur des dépenses dirigées vers certains ménages, dépenses dont je persiste à croire que ni le ciblage, ni le montant ne permettront de rééquilibrer l'ensemble du plan de relance, qui vise avant tout à soutenir l'investissement à moyen terme. N'oublions pas que l'offre et la demande vont de pair : l'investissement n'est efficace que si la demande existe. Or, la gravité, la violence même de la crise devraient vous inciter à amplifier les mesures de soutien à la consommation et à l'emploi – en tenant particulièrement compte des jeunes, évoqués par le rapporteur général.

S'agissant de la suppression du versement des deux premiers tiers de l'impôt sur le revenu pour les contribuables de la première tranche et une partie de ceux de la deuxième tranche, je ne crois pas qu'elle soit correctement ciblée et qu'elle permette de soutenir celles et ceux qui en auraient besoin pour consommer davantage. Et pour cause : cette mesure ne profite pas aux catégories de la population qui perçoivent les revenus les plus faibles, c'est-à-dire les catégories non imposables, ou celles qui le deviennent du fait de la décote et de la règle de perception. Ainsi, avec une seule part de quotient familial, nul n'est susceptible d'être redevable de l'impôt au seul titre de la tranche à 5,5 % du fait de ces deux règles. Dès lors, ces salariés aux petits revenus ne bénéficieront pas de la mesure. Il en va de même pour les retraités qui perçoivent de faibles pensions.

Autre critique : cette mesure peut bénéficier au passage à certaines familles qui, compte tenu de la règle du quotient familial, sont loin d'être parmi les plus fragiles, puisque leurs revenus se situent dans la tranche à 5,5 % ou au début de la tranche à 14 %. Or, logiquement, le montant accordé croît en fonction du revenu. Ainsi, un couple avec deux enfants percevant des revenus annuels inférieurs à 39 000 euros bénéficiera d'une exonération de 640 euros ; avec cinq enfants, un couple dont les revenus annuels s'élèvent à 78 000 euros pourra bénéficier d'une exonération de 1 280 euros.

Enfin, cette mesure est calculée à partir du revenu imposable, ou plutôt du revenu fiscal de référence, dont la définition est à géométrie variable selon qu'il s'agit du calcul des impôts locaux ou de l'impôt sur le revenu – et, en conséquence, du droit à restitution au titre du bouclier fiscal. En l'occurrence, il ne s'agit pas du revenu perçu par le contribuable, mais de son revenu après déductions liées aux niches fiscales. Très conscient du problème, le rapporteur général a tenté en toute sincérité d'y remédier en proposant un amendement qui tend à restaurer l'intégrité du revenu fiscal. Naturellement, il a reçu l'assentiment unanime des membres de la commission des finances. Toutefois, cette restauration est incomplète : plusieurs exonérations telles que la déduction des cotisations au titre du financement d'une retraite complémentaire ou l'exonération des plus-values mobilières – cette dernière pouvant atteindre 25 000 euros par an – permettent encore de diminuer le revenu imposable.

Je réitère donc ma question : quelle sera la définition du revenu fiscal de référence retenue pour le déclenchement du bouclier fiscal ?

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