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Intervention de Henri Feltz

Réunion du 27 janvier 2009 à 15h00
Logement et lutte contre l'exclusion — Reprise de la discussion

Henri Feltz, rapporteur du Conseil économique, social et environnemental :

Malgré l'éventuel décalage qui en résulte, je suis ici ce soir pour vous rendre compte de l'avis tel qu'il a été émis à l'époque.

Au nom du président du Conseil économique, social et environnemental, M. Jacques Dermagne, je vous remercie d'avoir invité notre assemblée à vous rendre compte de son avis, adopté le 9 juillet dernier par 177 voix et 5 abstentions, sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. Ce programme, qui constituait alors l'article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, est devenu le chapitre II du texte que vous examinez, avec un titre inchangé.

Au moment où il m'est fait l'honneur d'avoir à rendre compte de nos travaux devant vous, je dois vous faire part de deux observations préalables. Tout d'abord, notre Conseil a éprouvé la satisfaction de voir traitée par un projet de loi une problématique qui n'était pas nouvelle pour lui : celle des quartiers anciens dégradés. En janvier 2008, il avait en effet formulé un certain nombre de propositions à leur sujet. Il a cependant éprouvé le regret, sinon la frustration, de n'avoir été saisi que des dispositions de la loi à caractère programmatique, et non de la loi tout entière – ce qui lui aurait pourtant permis de situer le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés dans son environnement global, celui du projet de loi relatif au logement. Cela n'a pas été possible, de même qu'il n'a pas été possible d'apprécier toute la cohérence dudit projet de loi.

Notre avis a donc porté sur le chapitre II du projet de loi, qui n'a pas subi depuis de modifications sur le fond. Le Conseil s'est réjoui de voir lancer un ambitieux programme dédié spécifiquement aux quartiers anciens, comme il en avait formé le voeu. Quelle que soit leur singularité, ces espaces constituent en effet des éléments de la ville dans son ensemble. Souvent situés en centre-ville ou très près, ils occupent dans nos cités, pour des raisons surtout historiques, une place symbolique qui rend leur rénovation particulièrement sensible et complexe à mettre en oeuvre. La requalification de ces quartiers constitue un enjeu qui mérite des actions prioritaires.

L'avis émis formulait cependant deux remarques générales. En premier lieu, s'il a bien été relevé que la future loi consacre à ce programme des financements importants, il a également été souligné l'absence de précisions dans les éléments fournis au Conseil sur les modalités de financement, sur l'origine des fonds ou sur les circuits administratifs et financiers à mettre en oeuvre.

En second lieu, le Conseil aurait souhaité voir apporter davantage de précision à la définition d'un quartier ancien dégradé au sens du présent projet de loi, par la prise en compte plus nette de critères économiques, socioculturels ou socioprofessionnels.

Je vous prie de m'excuser de ne pas développer la totalité des questions abordées par l'avis du Conseil. Je ne reprendrai devant vous que quatre points, sur lesquels notre avis insiste particulièrement.

Le premier point a trait au pilotage du programme. La politique de la ville est un tout, et la requalification des quartiers anciens en fait partie. Le projet de loi ne nous a pas paru parfaitement clair en la matière. Il laisse par ailleurs subsister un certain nombre de doutes ou d'imprécisions sur les rôles respectifs de l'ANRU et de l'ANAH, même si le guichet unique qu'est l'ANRU, dont l'action a été saluée à maintes reprises par le Conseil économique, social et environnemental, devrait, à notre avis, bénéficier très largement aux quartiers éligibles au nouveau programme. La réussite de la requalification des quartiers anciens dépendra d'ailleurs pour l'essentiel des synergies qui s'établiront entre les acteurs et d'une meilleure articulation entre les différents échelons de responsabilité – en clair, elle dépendra d'une gouvernance plus efficace et resserrée.

Le deuxième point concerne la cohérence des objectifs et des moyens, et en particulier la question des financements. Seul l'exposé des motifs fournissait, à titre indicatif, une évaluation à 2,5 milliards d'euros, dont il est dit sans autre précision qu'ils seront pris en charge par l'ANAH et la participation des employeurs à l'effort de construction. Le Conseil a demandé que les modalités et les montants de cette participation soient arrêtés par la négociation, et après accord entre l'État et les partenaires sociaux. À l'occasion de l'examen de ce texte, il a réitéré son refus de toute captation brutale, sous une forme ou sous une autre, des fonds du « 1 % » (« Il n'y en a plus ! » sur les bancs du groupe SRC), dont la participation négociée au financement du programme ne saurait intervenir qu'en complément des fonds de l'État, et non pour compenser son désengagement.

Par ailleurs, la mise en oeuvre d'un tel programme ne pourra se faire qu'en partenariat avec les collectivités territoriales et leurs groupements qui, comme le précise le texte, porteront localement les projets. Le Conseil a souhaité que le taux de financement des opérations que conduiront ces dernières soit modulé en fonction de leur situation financière et fiscale, afin de ne pas exclure du dispositif les plus fragiles économiquement.

Troisième point : la mixité sociale. De longue date, le Conseil économique, social et environnemental défend la mixité sociale et la mixité des fonctions dans la ville. L'objectif de mixité sociale que se donne le projet de loi est donc partagé par notre Conseil, qui a souligné les défis auxquels est et sera confrontée l'ambition de ce programme : éviter la « gentrification » et ne pas chasser les populations en place, pour ne citer que deux de ces défis.

Dans ce domaine, l'engagement des collectivités sera essentiel. Trop souvent, les quartiers requalifiés sont investis par des populations plus aisées que celles qui occupaient les lieux auparavant, créant ainsi un phénomène de « gentrification ». La mixité, bien sûr, ne se décrète pas.

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