La cause que défend M. Brottes me paraît juste. Il s'agit, en tout état de cause, d'un problème méritant que l'on s'y attarde. Toutefois, pour ce qui est de l'aspect juridique de la solution proposée, je me demande s'il n'y a pas confusion entre deux notions.
La première de ces notions est celle d'honnêteté : lors d'un dépôt de bilan, l'honnêteté du chef d'entreprise est toujours présupposée, avant de faire l'objet d'une vérification. Si une malhonnêteté est découverte, elle fait l'objet d'une condamnation, donc d'une publicité. En principe, le dépôt de bilan ne revêt donc un caractère infamant que dans ce cas.
Dans les faits, il est vrai qu'un dépôt de bilan est toujours vécu de façon douloureuse. J'ai moi-même été chef d'entreprise, et j'ai vu se produire des dépôts de bilan « en chaîne » : une entreprise peut déposer le bilan uniquement parce que l'un de ses principaux clients l'a fait avant elle, ce qui fait d'elle une victime, comme l'a dit M. Brottes.
La seconde notion en question est double : il s'agit du risque et de la compétence. Est-ce à la loi de déterminer les cas dans lesquels il est raisonnable de prendre un risque par rapport à tel ou tel client ? Un chef d'entreprise parfaitement honnête peut, après avoir hésité, décider de servir un client ne présentant pas l'apparence de la plus grande fiabilité. Par ailleurs, toute prise de décision implique la notion de compétence.
Si l'on commence à essayer de qualifier juridiquement les raisons très complexes qui peuvent conduire un entrepreneur à déposer son bilan, on risque de s'aventurer dans une voie hasardeuse. Je suis d'accord avec vous : l'entrepreneur qui aurait été victime doit pouvoir le faire savoir. Mais je ne vois pas en quoi le droit pourrait l'aider dans cette démarche. Comment attester juridiquement qu'il était compétent et honnête en tous points ? Je ne suis pas sûr qu'on ne sorte pas ici du domaine du droit.