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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 6 janvier 2009 à 15h00
Réforme de la filiation — Article 1er, amendement 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Pour la première fois, nous mélangeons deux concepts qui, jusqu'à présent, étaient intelligemment traités de manière distincte dans le code civil et dans le code de l'action sociale. Ils répondent en effet à deux objectifs contradictoires : le droit à l'accès aux origines et l'établissement de la filiation adoptive. Le droit français considère que, en cas d'adoption plénière, les seuls parents d'un enfant sont les parents adoptants. On a toujours réussi à séparer les deux concepts pour préserver deux démarches tout aussi légitimes l'une que l'autre. Or, pour nous répondre, madame la secrétaire d'État, vous avez été obligée de les mélanger. Vous avez rappelé les dispositions de l'article qui précise que « l'accès d'une personne à ses origines est sans effet sur l'état civil et la filiation » : c'est en effet ce que nous demandons, mais, jusqu'à présent, il y avait cohérence entre les deux textes, puisque le code civil considérait que l'action en recherche de maternité était irrecevable.

Vous assurez que, avec ce texte, rien ne changera : mais, en inscrivant une telle mesure dans le droit, ne risquez-vous pas de créer des circonstances particulières où, la mère ayant accepté de communiquer son nom dans le cadre de la demande de recherche des origines, l'enfant pourra considérer qu'il a entrepris ce qui lui était autrefois interdit, à savoir une action en recherche de maternité ? On passerait ainsi d'un concept à l'autre.

Ce n'est pas, qui plus est, dans le code de l'action sociale que vous introduisez cette modification, mais dans le code civil, au chapitre de la filiation. On pourra donc en tirer ensuite toutes les conséquences pour l'établissement de la filiation. On pourra même parvenir à une impossibilité majeure en obtenant deux filiations, la filiation adoptive ayant été contredite par une action nouvelle en recherche de maternité. C'est totalement incohérent.

On aurait pu tout bouleverser – ce que je ne souhaitais pas –, mais cette simple modification est déjà un risque inutile. Pour introduire cette modification, le Sénat s'est fondé sur une interprétation de l'arrêt « Odièvre contre France » avec laquelle on peut ne pas être d'accord – comme on peut ne pas approuver celle que nous faisons. Mais, sous votre majorité, une mission d'information présidée par Patrick Bloche a auditionné de nombreux juristes et représentants des grands courants philosophiques – ce que, monsieur le rapporteur, vous n'avez pas été en mesure de faire. Son rapport, rédigé par Mme Pécresse et adopté à l'unanimité, a conclu que le contenu de l'arrêt ne mettait pas en cause la législation française. Pourquoi avez-vous changé d'avis sur ce point ? Jusqu'à présent, tout le monde partageait cette interprétation. Le rapporteur du Sénat ayant eu une interprétation singulière, vous prenez aujourd'hui, en la faisant vôtre, un risque énorme. Les réponses paraîtront de plus en plus incohérentes : le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles et les familles d'adoption ne pourront que s'inquiéter d'un droit contradictoire. Ce n'est pas une bonne oeuvre législative que vous faites là. C'est pourquoi nous vous demandons de revenir sur ce qui nous paraît une erreur du Sénat. Nous comprenons bien que vous souhaiteriez un vote conforme, mais il faut parfois savoir prendre son temps. Nous avons la responsabilité de faire la loi. Quand elle touche à des questions aussi essentielles, il est bon que la navette avec le Sénat se poursuive.

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