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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 6 janvier 2009 à 15h00
Réforme de la filiation — Article 1er, amendement 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Cet amendement, madame la secrétaire d'État, relaie certains des propos que vous venez de tenir.

Notre groupe souhaite en effet appeler votre attention et celle de l'ensemble de nos collègues sur une inquiétude : il va de soi que, sur de telles questions, le débat partisan n'a pas lieu d'être et qu'il s'agit, sur des dispositions complexes, d'être le plus clair possible. La présence, dans un texte relatif à la filiation, d'une disposition qui remet en cause – même si telle n'est pas l'intention du Sénat – la difficile procédure d'adoption ne laisse pas de nous étonner ; nous y reviendrons avec d'autres amendements.

Nous souhaitons toutefois formuler quelques observations à propos de tout ce qui pourrait compliquer davantage la démarche douloureuse qu'est l'abandon d'enfant dans des conditions régulières. Elle n'est jamais simple. Dans bien des cliniques, dans bien des maternités publiques, le climat n'y est pas favorable. On le sait, un certain nombre de très jeunes femmes – pour ne pas dire de jeunes filles – étrangères viennent pourtant accoucher en France, parce que l'anonymat et l'accouchement sous X y sont possibles. Notre pays est en effet l'un des rares, en Europe, à avoir maintenu cette procédure qui autorise, chaque année, 700 abandons d'enfant et constitue la plus grande part de ce que l'on appelle l'adoption nationale. On l'a rappelé il y a quelques mois, au moment où M. Colombani a remis son rapport au Président de la République, les déclarations d'abandon par voie judiciaire ou après saisine du juge par la DASS sont extrêmement rares, pour des raisons tenant au familialisme et au biologisme forcenés – pour reprendre l'expression de Mme Adam. Sur les 800 à 1 000 enfants issus de l'adoption nationale, 700 sont donc issus de l'accouchement sous X.

Les familles adoptives, les associations nous ont alertés : toute restriction en la matière, toute intention de rendre la procédure plus difficile réduiront le nombre des adoptions. Comme la situation économique, sociale, psychologique de ces jeunes filles et de ces jeunes femmes ne va pas s'améliorer grâce à votre texte, nous allons retrouver ce que l'accouchement sous X – qui ne faisait que prendre la relève du fameux « tour d'abandon » en usage dans bien des institutions chrétiennes et dans tous les pays d'Europe – entendait éviter : l'infanticide précoce, l'avortement dans des conditions épouvantables ou l'abandon sur la voie publique. En touchant à l'accouchement sous X, on met donc des enfants en danger.

À une époque où le lien biologique est sur-exalté, il est difficile de comprendre qu'une femme a droit au secret autant qu'un enfant a droit à la levée de ce secret. Tout est question d'équilibre. Dans les premières années qui ont suivi sa création, le CNAOP a été extrêmement performant, travaillant autant sur le plan législatif que sur le plan psychologique avec les jeunes majeurs ou des personnes plus âgées en quête d'informations sur leurs origines. Nous devons être extrêmement vigilants. L'accouchement sous X est souvent méconnu, voire totalement inconnu. Même si son existence n'est pas menacée par ce texte, quelque chose, aujourd'hui, est en train de le grignoter. Cela entraînera automatiquement une baisse du nombre d'enfants abandonnés dans des conditions décentes et normales, avec un encadrement juridique et médical – puisque cela se fait le jour même de la naissance –, un accompagnement social, psychologique et administratif des jeunes femmes.

Comme nous tous, le Président de la République avait été alerté sur la baisse sensible du nombre d'enfants adoptés : on en compte moins de 4 000, alors que 8 000 demandes nouvelles sont agréées chaque année. Il avait donc chargé M. Colombani de rédiger un rapport, qui portait aux trois quarts sur l'adoption internationale, mais qui conseillait également de développer l'adoption nationale. Nous en avons discuté avec Mme Morano et avec Mme Yade.

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