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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 5 décembre 2007 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2007 — 4. discussion générale

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je veux tout d'abord remercier le rapporteur général pour ses propos et pour sa présentation fidèle au texte : elle reflète les choix financiers que nous avons faits. Je vais brièvement répondre à quelques-unes de vos interrogations.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés, nous n'avons pas modifié nos prévisions par rapport à cet été car rien ne le justifiait. En effet, les acomptes de juin et de septembre ont été plutôt conformes à ce que nous attendions et rien ne nous permet de dire que la crise des subprimes aura des conséquences sur les recettes. Nous n'avions donc aucune raison particulière de dégrader la prévision.

S'agissant de la TVA, si les recettes sont inférieures aux prévisions que nous avions faites, elles augmentent néanmoins par rapport à 2006. Cela est probablement dû au fait qu'en début d'année, il y a eu beaucoup de dégrèvements, remboursements ou restitutions. L'administration, qui avait sans doute du retard sur l'année précédente, a concentré ce type d'opérations en janvier et février. Nous examinons cela de près. Par ailleurs, la valeur de la consommation a été moins élevée parce que les prix ont augmenté moins que prévu : l'inflation sera en réalité inférieure à celle retenue dans le budget 2007.

S'agissant de l'impact des crédits d'impôt sur le produit de l'impôt sur le revenu, je pense comme vous qu'il faut être vigilant. L'augmentation de ces crédits d'impôt a mécaniquement entraîné une baisse des rentrées au titre de l'impôt sur le revenu : on a notamment ciblé le crédit d'impôt pour l'emploi de personnel à domicile. Mais cela n'explique pas tout. Nous reprendrons l'analyse dès que l'année sera terminée.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez, comme d'autres, exprimé des craintes sur le taux de croissance pour 2008. Pour l'instant, je ne vois aucune raison de revoir les hypothèses d'une croissance de 2 % à 2,5 % du PIB, qui sont dans la droite ligne des bons chiffre du troisième trimestre ; la fourchette devrait être tenue. Certes, il faut rester prudent – je serai le dernier à penser le contraire – en raison de l'évolution de l'euro et du prix du pétrole. Mais ce dernier est soumis, lui aussi, à des fluctuations importantes. Voilà quelques semaines, il tendait vers des sommets. Il est redescendu depuis de près de 10 dollars par baril. Je vous le rappelle, les prévisions de la loi de finances initiale ont été fondées sur un baril à 73 euros, soit une hypothèse supérieure à ce qu'on appelle le consensus des économistes qui l'estimait à 65 ou 67 euros. Dans les conditions actuelles, l'incidence du prix du pétrole sur le budget reste relativement faible. Il en irait autrement sur plusieurs budgets successifs. Nous y reviendrons si vous le souhaitez.

En tout cas, les indicateurs sont bons dans les entreprises. Les indicateurs du moral des ménages sont moyens, mais ceux des chefs d'entreprise sont bons, dans l'industrie comme dans les services et le bâtiment. Les chefs d'entreprise sont donc confiants sur l'activité et nous sommes heureux de partager avec eux cette vision, aussi volatile soit-elle.

S'agissant des règles d'affectation des surplus de recettes fiscales et de l'incidence du projet TEPA en 2007, nous n'avons rien modifié. Il ne s'agit nullement d'un oubli : le coût 2007 du projet TEPA est plus que couvert, en effet, non pas par des surplus de recettes fiscales mais par la diminution du prélèvement sur recettes de l'Union européenne et par le prédividende 2007 d'EDF. Cela dit, je comprends la logique de l'amendement déposé par le rapporteur général. Il répond à un souci de transparence que je partage. Nous y reviendrons lorsque nous l'examinerons.

Concernant EDF, l'État agit en gestionnaire avisé de ses participations. Il a cédé en effet un peu moins de 3 % d'une partie de ses actifs dans EDF. Or, au cours de ces dernières années, ceux-ci ont considérablement progressé puisque l'action est passée de quelque 35 euros à plus de 80 euros. Le patrimoine de l'État a donc beaucoup augmenté. Chacun l'a compris, l'objectif aujourd'hui est de transformer une partie de ce patrimoine mobilier en patrimoine immobilier universitaire. Je le sais, cela pourra poser un certain nombre de questions dans le domaine du traitement comptable. Mais nous allons voir avec Valérie Pecresse et Christine Lagarde, respectivement ministre des universités et de l'économie, comment mettre en oeuvre un dispositif opérationnel, dans le respect de la LOLF.

S'agissant des mesures relatives au pouvoir d'achat annoncées par le Président de la République, jeudi dernier, rien ne nous conduit à modifier le budget car la plupart ne coûtent rien à l'État – c'est d'ailleurs dans cet esprit qu'elles ont été conçues. Elles en appellent d'une certaine façon à la responsabilité des entreprises. C'est vrai pour le déblocage des fonds de participation, qui, en tout état de cause, étaient défiscalisés à terme, ou pour le nouveau mode d'indexation des loyers.

Pour les dispositions qui peuvent avoir un impact direct sur le budget, et je pense particulièrement à l'augmentation du pouvoir d'achat des fonctionnaires, le débat avec les syndicats de la fonction publique est engagé depuis déjà plusieurs mois. Nous avons bien progressé lundi dernier, même si beaucoup reste à faire. Les approches sont différentes. Certes, on peut ne pas être d'accord sur le plan politique, mais nous avons tous envie que les fonctionnaires gagnent correctement leur vie. Il faut juste que ce soit compatible avec les finances publiques. Cela étant, la dégradation de ces dernières ne doit pas pour autant servir d'alibi pour ne pas faire progresser le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Voilà l'équation… L'ensemble de la fonction publique doit bénéficier d'une garantie par rapport à l'augmentation des prix. On ne peut pas imaginer en effet que quelqu'un qui travaille pour l'État perde de l'argent, ce serait de la provocation. Il faut donc trouver un mécanisme qui garantisse le pouvoir d'achat et asseoir sur d'autres mécanismes son augmentation. Sur ce point, nous ne sommes pas parvenus à un accord avec les organisations syndicales : je pense, pour ma part, à la responsabilité individuelle, à la rémunération au mérite, au travailler plus, ou aux mesures proposées par le Président de la République sur le compte épargne temps et la majoration des heures supplémentaires.

Ces dispositions n'auront, par principe, aucun effet sur la loi de finances rectificative et pourront en avoir sur le budget 2008, à un niveau que nous ignorons puisque les discussions avec les organisations syndicales ne sont pas terminées. De toute façon, 130 à 140 millions d'euros sont prévus en plus dans la masse salariale de l'État au titre des heures supplémentaires en volume – pas en prix, je vous le concède. Et dans le titre II, nous disposons d'une réserve de 0,5 %, soit 600 millions d'euros, qui doit nous permettre de faire face dans le périmètre budgétaire d'aujourd'hui.

Monsieur de Courson, l'amendement sur l'écopastille a été déposé tardivement parce que le Grenelle de l'environnement, qui, soit dit en passant, a été un beau succès, est tout récent. Certes, nous aurions pu attendre et intégrer la mesure dans le projet de loi que M. Borloo présentera à partir des conclusions du Grenelle de l'environnement. Mais nous avons considéré que cette mesure avait plus sa place dans un texte financier et qu'il était bon qu'elle entre rapidement en vigueur. Le barème prévu entre bonus et malus nous semble équilibré. J'ai tenté d'y veiller en tout cas.

Sur le SAAD, je voudrais vous rassurer : la soulte que la SNCF versera, et dont nous connaîtrons bientôt le montant, sera intégralement affectée au désendettement de l'État.

S'agissant de la cession des actifs d'EDF, j'ai déjà évoqué dans quelle logique patrimoniale elle s'inscrit en répondant au président de la commission des finances.

Concernant l'impôt sur les sociétés, il y a effectivement une interrogation. Quel est le degré d'exposition aux subprimes ? Les spécialistes des secteurs bancaire et assurantiel nous disent que le sujet est très variable en fonction des organismes et que le degré d'exposition est plutôt moins fort chez nous que dans d'autres pays. En tout état de cause, et j'ose l'espérer, il pourrait être marginal. J'ai donc la même inquiétude en la matière que pour toute autre prévision.

S'agissant du FFIPSA, j'en suis d'accord avec vous, le problème n'est pas résolu. Je me suis mis à plusieurs reprises en situation de risque en considérant qu'il fallait le régler avant le premier semestre 2008. L'adossement du fonds à l'assurance maladie, tout en respectant la « gouvernance agricole », est une option. Si l'on nous prouve qu'on pourrait faire mieux autrement, nous adopterons une autre solution. En tout cas, j'entends respecter les professions agricoles et maintenir le lien entre le FFIPSA et ces dernières.

Monsieur Chartier, je vous remercie pour votre plaidoyer, vif, encourageant et brillant contre la fraude. Le sujet est particulièrement important. Nous allons investir de l'énergie et de la compétence et innover dans ce domaine pour faire en sorte que la collectivité publique, que tous les organismes représentant l'État soient moins naïfs que les voyous fiscaux ou sociaux : ceux qui s'organisent pour voler la sécurité sociale ou l'État volent d'abord les plus faibles. C'est donc un problème de morale républicaine.

Nous nous efforcerons bien entendu de ne pas confondre ceux qui pratiquent le banditisme fiscal et social et les contribuables qui peuvent se tromper dans leurs déclarations ou ignorer que tel ou tel texte de loi s'applique à eux. Les petites erreurs de tous les jours doivent être traitées comme telles et rectifiées par l'administration, sans poser de problème particulier avec les contribuables ; mais il en va tout autrement pour ceux qui profitent délibérément des faiblesses de notre législation pour se livrer à des activités douteuses. Gilles Carrez a fait référence aux carrousels de TVA : j'ai proposé que le sujet soit abordé au moment de la présidence française de l'Union européenne, car tous les États membres – l'Angleterre et l'Allemagne notamment – sont concernés. La Direction nationale des enquêtes fiscales enquête sur ces fraudes, qui coûtent à l'État plusieurs centaines de millions d'euros. Nous allons développer pour les contrer une série d'outils, par le biais du PLFR, du PLFSS et d'autres dispositions sur lesquelles la représentation nationale sera amenée à se prononcer.

Monsieur Carcenac, je suis ravi de constater que vous nous rejoignez sur la lutte contre la fraude, qui n'est pas une question partisane. En revanche, je ne suis pas d'accord avec votre idée selon laquelle la qualité du service pourrait souffrir de cette lutte : les enquêtes tendent à prouver le contraire. Je vous concède que les enquêtes de satisfaction sur la qualité du service fiscal sont pour le moment conduite par l'administration fiscale elle-même, ce qui n'est pas l'idéal ; nous songeons à les externaliser. Mais, quoi qu'il en soit, elles révèlent que l'administration fiscale est paradoxalement – il n'est jamais très agréable de payer ses impôts – plutôt bien perçue par nos concitoyens, qui reconnaissent ses compétences, mais également la justesse comme la justice de ses interventions.

Monsieur de Rugy, vous voyez toujours l'économie en noir. Il faut sans doute rester vigilants sur l'euro et les prix du pétrole, mais il faut raison garder ! Nous avons aussi des signaux positifs. J'ai parlé du moral des chefs d'entreprise, mais on peut aussi mentionner le taux de chômage. Si on m'avait dit il y cinq ans qu'il serait à 8 %, j'en aurais été ravi pour mon pays et pour celles et ceux qui ont retrouvé du travail. Nous devons, bien sûr, aller plus loin encore, et le président de la République nous a fixé des objectifs extrêmement ambitieux de diminution du chômage. Il n'empêche, nous avons heureusement quelques motifs de satisfaction dans les résultats économiques de notre pays et, même si nous divergeons sur les solutions à mettre en oeuvre, nous devons tous nous accorder sur l'idée qu'ils peuvent encore progresser.

Pour ma part, je pense que le travail ne se partage pas, mais que, comme le pain, il se multiplie : le travail appelle le travail. Quant à la loi TEPA, sur laquelle vous êtes une nouvelle fois revenu, monsieur de Rugy, elle rencontre un grand succès, dont vous n'avez pas l'air de vous remettre.

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