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Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h30
Convention pénale sur la corruption — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Moscovici :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis à notre approbation aujourd'hui est un protocole, signé le 15 mai 2003, dont l'objectif est de compléter la convention pénale sur la corruption.

On se rappelle le contexte dans lequel a vu le jour cette convention pénale, qui a été adoptée en 1999 sous l'égide du Conseil de l'Europe dans le cadre de son « Programme d'action contre la corruption » défini en 1996. Il s'agit là encore d'un texte relevant du droit international, et non pas du droit communautaire. Cette convention a été élaborée parallèlement à une convention civile sur la corruption. Toutes deux s'inscrivent dans un mouvement global, amorcé dans les années 90 dans le contexte des « affaires » qui ont ébranlé plusieurs pays d'Europe occidentale et mis en lumière tant l'ampleur d'un phénomène qu'une baisse de la tolérance des opinions publiques vis-à-vis de pratiques contraires à l'éthique.

Nous examinons aujourd'hui les dispositions d'un protocole additionnel à cette convention initiale – un texte de complément, donc, au texte existant. Ce protocole, cela a déjà été dit, a pour objectif d'élargir le champ d'application de la convention. Il propose pour cela de définir un certain nombre de termes, comme ceux d'« arbitre » ou d'« accord d'arbitrage », et d'inclure de nouvelles catégories dans le champ des personnes concernées par la convention.

Je me contenterai de souligner deux points. Tout d'abord, la convention et le protocole additionnel s'inscrivent dans le cadre d'un arsenal juridique déjà impressionnant dans le domaine de la lutte contre la corruption. Toutes les organisations internationales, ou peu s'en faut, ont ajouté leur proposition, ce qui n'a évidemment pas été sans provoquer une certaine cacophonie. On peut penser par exemple à la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions internationales, à la convention des Nation unies contre la corruption, à la décision-cadre du Conseil du 22 juillet 2003 relative à la corruption dans le secteur privé, aux deux conventions de l'Union européenne relatives à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes et à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des États membres, ou à l'Office européen de lutte anti-fraude – l'OLAF –, créé en 1999 et doté de pouvoirs d'enquête interinstitutionnels. En matière de lutte contre la corruption, le droit, loin d'être déficitaire, prolifère plutôt – à l'excès, pourraient dire certains.

Dès lors, on pourrait regretter que l'effort des États ait porté sur la rédaction de textes additionnels, et non sur une meilleure coordination des instruments existants. Il y aurait déjà là, me semble-t-il, un travail à entreprendre pour éviter les chevauchements législatifs et promouvoir un degré de coercition équivalent dans les organismes internationaux et pour les mesures existant déjà au sein de l'Union européenne. De même, l'effort aurait pu porter sur une meilleure application des instruments déjà à notre disposition. Ainsi, la Commission européenne a adopté en juin 2007 un rapport sur la transposition de la décision-cadre relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé, que j'évoquais à l'instant. Ce rapport constate que, dans la plupart des États membres, la transposition de cette décision-cadre n'en est qu'au « stade initial ». Il existe donc une marge de manoeuvre pour améliorer l'application des instruments existants, et cet objectif, qui ne doit pas nous détourner du texte que nous examinons aujourd'hui, ne devrait pas être perdu de vue.

Deuxième point : on peut regretter que le protocole ne corrige pas les faiblesses de la convention pénale sur la corruption.

La première de ces faiblesses réside dans les réserves que peuvent formuler les États signataires – qui ne s'en privent pas. Même si elles sont limitées à cinq, ces réserves viennent en quelque sorte trouer le bouclier anticorruption que devrait constituer la convention, et cela d'autant plus qu'elles peuvent être reconduites sans limite de temps. La France, d'ailleurs, fait pleinement usage des possibilités qui lui sont offertes en ce sens.

La deuxième faiblesse réside dans l'efficacité de la convention : celle-ci, comme la convention civile sur la corruption, qui est son pendant dans un autre domaine judiciaire, peut être dénoncée à tout moment par les États signataires. Cette disposition hypothèque bien évidemment l'efficacité du texte en le soumettant à la seule bonne volonté des États signataires.

Au-delà de ces faiblesses du texte initial, que le protocole ne corrige malheureusement pas, nous pouvons nous réjouir de voir renforcer la convention pénale sur la corruption. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a souligné, à maintes reprises, que la corruption constituait une menace grave dans une société respectueuse du droit. Il ne peut être que satisfait de voir progresser la lutte contre ce fléau. Nous voterons donc ce texte.

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