Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'heure où la circulation des capitaux ne rencontre que peu d'entraves, la lutte internationale contre la corruption s'affirme comme une impérieuse nécessité.
Seule une initiative de la communauté internationale convient à l'ampleur du défi que constitue, à terme, l'éradication de ce phénomène.
De nombreux accords et conventions ont déjà été signés. Diverses instances internationales, telles que l'ONU, l'OCDE, l'Union européenne, ont créé de nouvelles obligations juridiques pour les États. Leurs approches restent pourtant limitées, soit parce qu'elles ne concernent qu'un petit nombre d'États, soit parce qu'elles ne s'appliquent pas à certains actes pourtant assimilables à de la corruption. Le Conseil de l'Europe souhaite s'affranchir de ces limites afin de traiter le problème de la corruption de la manière la plus large possible.
Les initiatives en ce domaine ont été le fait d'un groupe d'États, dont l'existence a été officialisée en 1998 sous le nom du Groupe d'États contre la corruption, le GRECO, dont la France est un membre fondateur.
À l'heure actuelle, deux conventions relatives à la corruption ont été élaborées dans le cadre du Conseil de l'Europe : la convention civile et la convention pénale sur la corruption. Ces textes se distinguent par leur conception très large de ce qu'est un acte de corruption. La lutte contre la corruption s'affirme comme une politique globale : le blanchiment des produits de la corruption et les fraudes comptables nécessaires à la commission d'un acte de corruption sont visés.
Le suivi de l'application de ces textes est confié au GRECO.
À la date de la signature par la France de la convention civile, le droit français était déjà en conformité avec les obligations fixées par cette dernière. La convention pénale impose en revanche quelques modifications du droit pénal. C'est pourquoi sa ratification, bien qu'autorisée par notre assemblée le 11 mai 2004, n'est pas encore intervenue, mais elle ne devrait pas tarder, d'après le ministère de la justice. Si vous l'autorisez, la ratification du protocole additionnel pourrait avoir lieu au même moment.
Pour la clarté du propos, je présenterai successivement les dispositions de la convention pénale et celles du protocole, ce dernier ne s'entendant que comme un complément à la convention.
La convention du Conseil de l'Europe couvre des faits variés puisqu'elle inclut le trafic d'influence, le blanchiment des produits de la corruption et les infractions comptables nécessaires à la commission d'actes de corruption. De plus, elle ne concerne pas que les cas de corruption d'agent publics nationaux. Elle oblige à harmoniser les législations nationales relatives à la corruption ou à la tentative de corruption d'agents publics étrangers.
Malgré son caractère très ambitieux, des possibilités d'amélioration de la convention avaient été identifiées dès l'origine. Le protocole additionnel vise l'une d'entre elles, s'agissant de la corruption d'arbitres.
Ce texte a été ouvert à la signature le 15 mai 2003. Dix-sept signatures d'États membres du Conseil manquaient à la date du 23 juillet, et vingt-neuf États n'avaient pas procédé à sa ratification, dont la France.
Les stipulations de la convention pénale sont applicables au protocole ; son application est contrôlée par le GRECO, comme la convention.
Le protocole additionnel à la convention pénale sur la corruption vise les actes de corruption d'arbitres et de jurés. Il permet de combler un manque. En effet, la convention ne concernait que les agents publics et n'incluait pas les personnes qui disposent de la capacité d'édicter des décisions juridiques sans que ce pouvoir ne leur soit conféré par leurs fonctions professionnelles.
Les obligations de la convention s'appliquent aux catégories visées par le protocole. Dès lors, tout acte de corruption impliquant un arbitre ou un juré, national ou étranger, doit être érigé en infraction pénale par tous les États parties.
Pour la France, la ratification d'un tel accord impliquerait deux modifications de faible ampleur. Les articles 434-9 et 435-4 du code pénal permettant déjà de sanctionner la corruption d'arbitres et de jurés nationaux, une seule extension aux arbitres et jurés étrangers suffirait.
Deux réserves pourraient être apportées lors de la ratification de la convention pénale et du protocole.
En premier lieu, la France se réserve le droit de ne pas ériger en infraction pénale les faits de corruption passive impliquant un arbitre ou un juré étranger. Une telle infraction permettrait d'engager des poursuites contre une personne désignée arbitre sous l'empire d'un droit étranger, afin de régler un litige entre deux personnes étrangères. La collecte de preuves matérielles pourrait se révéler difficile et le risque existe que ces initiatives soient présentées comme des actes d'ingérence.
En deuxième lieu, la France souhaite poser une réserve quant à l'obligation d'ériger en infraction pénale le trafic d'influence, qui n'est pas reconnu en tant que tel par les systèmes juridiques de tous les États membres du Conseil de l'Europe. Il s'agit là, monsieur le président, pour être bref, de l'application du principe de réciprocité.
Je tiens à souligner, pour conclure, que la lutte internationale contre la corruption pourrait connaître des avancées importantes dans les prochaines années. Celles-ci ne pourront être réellement partagées que si la souveraineté juridique des États est respectée et l'atteinte portée à leurs intérêts économiques est proportionnée.
Le protocole additionnel à la convention pénale sur la corruption représente donc une avancée considérable en la matière, tout en étant assorti des conditions nécessaires à sa bonne application par toutes les parties.
Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous demande d'approuver ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)