Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée doit aujourd'hui autoriser la ratification du traité signé le 27 mai 2005 entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, traité que nous appellerons, pour faire simple, le traité de Prüm.
Je tiens d'ailleurs à remercier notre excellent rapporteur, grâce à qui j'ai appris, je dois l'avouer, que c'est dans la petite ville de Prüm qu'est né et enterré Lothaire, le petit-fils de Charlemagne.
Ces considérations de culture générale étant faites, je souhaite en quelques mots souligner l'importance de ce traité relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, outil novateur pour lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.
Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures contenues dans ce traité, qui s'articule, pour faire simple, autour de deux axes : il instaure une coopération policière renforcée contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme et l'immigration clandestine par le biais d'échanges d'informations en matière d'empreintes, d'ADN et d'immatriculation de véhicules ; il organise également la coopération policière transfrontalière, en autorisant, dans des cas bien précis, les forces de police d'un État à agir dans un autre État.
Je souhaiterais plutôt souligner à quel point il me paraît indispensable de soutenir et d'encourager cette forme de coopération intergouvernementale, négociée en dehors même du cadre strict de l'Union européenne mais ouverte à la participation de tous les États membres et ayant vocation à être intégrée dans l'acquis de l'Union européenne. Je prendrai comme exemple, vous pouvez vous en douter, la politique d'immigration.
Le traité de Prüm consacre son chapitre 4 à la lutte contre la migration illégale. L'article 20 du traité prévoit ainsi de développer la coopération entre les États signataires, par l'envoi de conseillers en faux documents dans certains pays considérés comme des pays d'origine ou de transit pour la migration illégale. Quant à l'article 23 du traité, il prévoit le soutien mutuel des parties contractantes lors de rapatriements d'étrangers en situation illégale.
Ces deux initiatives vont à l'évidence dans le bon sens. Je me souviens avoir vu, en tant que rapporteur de la loi de 2003, une note confidentielle du Quai d'Orsay montrant que, pour certains pays que je n'aurai la cruauté de citer à cette tribune, la fraude documentaire concernant les actes de naissance pouvait atteindre 80 %. Il est évident que la coopération entre les différents pays européens est une manière concrète de lutter contre cette fraude documentaire et, surtout, de mieux maîtriser notre immigration.
Cela dit, et je le dis très sereinement, il faut aller beaucoup plus loin dans la coopération transfrontalière en matière d'immigration.
C'est sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, que nous avons marqué, depuis 2002, une véritable rupture avec la manière dont l'immigration était gérée, ou, plus exactement, n'était absolument pas gérée. Il n'est pas besoin ici de développer les enjeux ou les résultats de cette politique. Je souhaite seulement souligner que, pour réussir la transformation de notre politique d'immigration, nous devons mieux utiliser les leviers européens.
L'effort que nous accomplissons au plan national n'a de sens que s'il est poursuivi à l'échelle de l'Europe, pour une raison évidente : dans un espace de libre circulation, toute décision prise par un État membre a des répercussions chez ses voisins.
C'est pourquoi Nicolas Sarkozy avait proposé l'adoption d'un pacte européen sur l'immigration. Il l'avait alors soumis à ses collègues ministres de l'intérieur des six grands pays de l'Union européenne, qui accueillent à eux seuls 80 % des migrants dans l'espace européen. Une première esquisse de ce pacte a d'ailleurs été adoptée par le G6 regroupant la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et la Pologne.
Il est essentiel de fonder la politique européenne de l'immigration sur une démarche volontaire des États et sur quelques grands principes communs : le refus des régularisations massives ; la mise en place d'une frontière extérieure efficace et fiable ; une règle commune d'asile et de regroupement familial ; le principe de l'éloignement systématique des migrants clandestins et de l'expulsion des étrangers délinquants sauf protections particulières.
Voilà la perspective, voilà les objectifs.
Nous devons désormais nous employer à faire partager à nos partenaires ces principes qui sont guidés par le bon sens et le souci de l'efficacité.
Le renforcement des coopérations renforcées participe naturellement de cette entreprise. L'idée n'est pas nouvelle et a déjà fait ses preuves. Le scénario originel, si je puis dire, des accords de Schengen était d'ailleurs fondé sur la même logique : une coopération d'abord restreinte avait ensuite été étendue aux autres États membres et intégrée à l'acquis communautaire.
Alors, certes, les domaines visés par Schengen ne relevaient pas du même pilier que ceux qui nous intéressent aujourd'hui, mais la méthode est éprouvée et fait place au pragmatisme que nous avons longtemps, et à tort, laissé de côté.
Il est aujourd'hui évident que seul le recours à des coopérations renforcées peut permettre, dans les circonstances actuelles, de réaliser de véritables avancées dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice que doit être demain l'Europe.
Telle est d'ailleurs toujours la démarche proposée par le Président de la République, qui, avec le traité simplifié, a permis de sortir l'Europe du blocage institutionnel.
En donnant aux États membres qui le souhaitent les moyens d'aller plus vite et plus loin dans la voie de l'intégration, le recours à cette formule permet, en effet, de surmonter l'obstacle de majorité et de développer des formes de coopération souples. Nous devons donc, pour autant que ce soit temporaire, accepter le recours à la différenciation.
L'échec du référendum de 2005 nous a montré de manière ô combien douloureuse que les Français attendaient de l'Europe qu'elle se rapproche davantage de ses citoyens, non seulement dans ses ambitions mais aussi dans ses méthodes. Le texte que nous discutons aujourd'hui participe efficacement à mon sens de cette volonté en proposant des solutions pragmatiques propres à dépasser les blocages actuels et à réaliser des avancées concrètes.
Voilà notamment pourquoi le groupe de l'UMP, sans réserve, votera ce projet de loi ratifiant le traité de Prüm. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)