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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h30
Coopération en matière de lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

…l'OMC et la Banque mondiale, pour que ces institutions cessent d'imposer des politiques destructrices des droits humains fondamentaux dans les pays du Sud. Les milliers de personnes fuyant la pauvreté, l'exploitation et la mise à sac de leur pays pourront alors rester chez elles.

Nous savons tous ici que face aux rapports inégaux, à la libéralisation imposée aux pays du Sud et à l'exploitation de leurs ressources par les sociétés privées, il ne reste souvent aux populations que la voie de la migration pour tenter d'échapper à la misère, voire à la mort.

Ce projet de loi ne manque pas d'imagination : après avoir fustigé les sportifs et les militants pour un autre monde, l'étranger est, une fois encore, présenté et assimilé à une menace, en raison de l'équation simpliste qui veut que les migrants soient des porteurs naturels du virus du terrorisme, de la criminalité, voire de l'agression. Voilà un traité dont, probablement, le seul titre réjouira ce parangon de la lutte antiterroriste qu'est George Bush.

Je m'attarderai sur quelques idées clés du traité. Cohérent avec la logique sécuritaire et répressive qu'il vise à imposer, celui-ci prévoit tout d'abord que le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale seront poursuivis et sanctionnés, et cela sans aucune distinction de fond ni aucune nuance de traitement.

En effet, s'agissant notamment de la criminalité transfrontalière, il n'en donne aucune définition. Qui est criminel ou qui sont les criminels ? Qu'est-ce que la criminalité transfrontalière ? Il n'est question que d'infractions pénales, de faits pénalement punissables, de maintien de l'ordre et de sécurité publics. Pour ce qui est de ces deux derniers éléments, il convient de le noter, les seuls contextes évoqués sont ceux de manifestations sportives à dimensions transfrontalières ou en rapport avec des réunions du Conseil européen.

Alors que la police, lors des réunions du G8, notamment de la dernière, en Allemagne, traite les manifestants avec une brutalité qui devient de plus en plus banale – je rappelle que ce sont des citoyens européens –, je m'interroge sur le véritable enjeu du traité. Le droit de manifester sera-t-il bientôt considéré comme une des manifestations de « la criminalité transfrontalière » et doit-on craindre de voir remis en cause l'exercice légitime et légal du droit à manifester son opinion ? Est-ce à cela que servira l'échange d'informations sur l'ADN et la coopération en général ? Il ne faut pas écarter, dans ce contexte, que la lutte contre la criminalité vise également à obstruer, limiter, empêcher, voire supprimer l'exercice des droits fondamentaux, dont celui de manifester, en l'assimilant à de la criminalité. Le traité ne garantit aucunement que la notion de criminalité ne porte pas sur ces droits fondamentaux et ne s'interdit pas explicitement de légitimer et de légaliser ce type de pratiques liberticides contraires à toutes les normes européennes et internationales de protection des droits humains.

Les articles 13 et 14 du traité vont exactement dans ce sens puisqu'ils criminalisent les mouvements sociaux en donnant à ceux qui y participent le statut des migrants : les voilà d'ores et déjà assimilés à des délinquants. Et c'est dans un tel contexte que se fera l'échange d'informations sur des données personnelles et non personnelles, notamment en ce qui concerne l'ADN, sans aucune garantie, ou presque, pour les citoyens. Et vous voudriez que ceux qui participent aux mouvements sociaux ne se mobilisent pas contre de telles attaques aux libertés publiques ? Monsieur le secrétaire d'État, ils sont là, heureusement, pour rappeler au Gouvernement et aux parlementaires qui en douteraient qu'il existe à la fois des droits civils et politiques et des droits sociaux, économiques et culturels obtenus de haute lutte. La France en a signé de nombreux et ratifié certains : elle a donc obligation de les respecter.

Une coopération fondée sur le respect des droits fondamentaux et des libertés fondamentales, voilà ce qu'il faudrait instaurer, mais ce n'est pas de cette coopération qu'il s'agit dans le préambule ! La criminalisation portée par ce traité est substantiellement incompatible avec les droits humains, voire avec un État se réclamant de la démocratie.

Le traité n'apporte en effet aux citoyens aucune garantie que les services policiers des États parties effaceront immédiatement les données transmises. De plus, comment un citoyen français agira-t-il, par exemple, dans le cadre de la loi nationale espagnole ? En outre, le traité ne prévoit aucun mécanisme de sanction pénale pour les services de police qui n'effaceraient pas les données : ces données pourront ainsi être stockées, utilisées et réutilisées pour servir à la criminalisation individuelle et collective. En effet, quels mécanismes concrets, réels et matériels permettront-ils à la France de contrôler l'effacement des données transmises aux policiers des autres États ? Et quels recours, effectifs et immédiats, auront les citoyens ? Aucun.

Si les données ne sont pas détruites, il faudra des procédures longues et coûteuses. Du reste, quel sera l'État responsable en cas de non-destruction de données transmises portant, par exemple, sur des citoyens français ? Le traité n'apporte aucune réponse à ces questions – et à beaucoup d'autres – qui concernent pourtant des millions de personnes !

Je serai clair : le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne s'oppose pas à la coopération, mais il n'est pas prêt à la soutenir à n'importe quel prix, et surtout pas au prix de la limitation substantielle de nos libertés, faisant peser des risques réels sur le respect de nos libertés et l'exercice des droits démocratiques des citoyens. C'est pourquoi nous ne saurions, en l'approuvant, apporter notre caution à un tel projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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