rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vingt ans après l'accord de Schengen, la signature, le 27 mai 2005, entre sept États membres de l'Union européenne, du traité de Prüm – petite ville située en Allemagne, dans le land de Rhénanie-Palatinat, et haut lieu de l'Europe carolingienne puisque Lothaire, un des petits-fils de Charlemagne, y est né et enterré –, vise à approfondir la coopération policière transfrontalière dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, de la criminalité et de la migration illégale.
Ce traité, également nommé « Schengen Plus » ou « Schengen iii », trouve son origine, comme M. le ministre vient de le rappeler, dans une initiative lancée en 2003 par l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, rapidement rejoints par l'Autriche, les Pays-Bas, la France et l'Espagne. D'autres pays membres de l'Union européenne ont depuis lors marqué leur intérêt pour cette « coopération avancée », le traité étant ouvert à l'adhésion de tout autre État membre.
Ce traité est déjà entré en vigueur en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Espagne, en Finlande et au Luxembourg. En France, le présent projet de loi autorisant sa ratification a été adopté en première lecture par le Sénat le 21 février dernier.
Conclu entre des États désireux de jouer un rôle pionnier, le traité de Prüm marque une nouvelle étape dans l'approfondissement de la coopération policière en Europe. Il comporte en effet des avancées substantielles en matière de partage d'informations transfrontalières, c'est-à-dire d'échange de données. Les États contractants s'autorisent un accès réciproque automatique à des bases de données nationales spécifiques, qu'il s'agisse de profils ADN, d'empreintes digitales ou de registres d'immatriculation de véhicules.
Concrètement, comme M. le ministre vient de le rappeler, cela signifie que les services de police pourront consulter, dans le cadre d'un système automatisé, les registres de données d'un autre pays pour vérifier s'il contient ou non des informations concernant le profil qu'ils recherchent. À ce stade, les données échangées resteront anonymes, et c'est seulement s'il y a concordance que pourront être révélées les informations nominatives personnelles auxquelles le profil ADN est rattaché.
L'échange d'informations devrait notamment contribuer à prévenir d'éventuels actes terroristes. Le traité prévoit en outre de rendre possible l'intervention de gardes armés à bord des avions. Cette mesure a d'ailleurs été mise en place aux États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.
L'échange automatique d'informations a d'ores et déjà permis des succès notables dans les pays où le traité est entré en vigueur. Ainsi, selon des données communiquées en février 2007, les autorités allemandes, après avoir comparé des profils ADN avec des données détenues par les autorités autrichiennes, ont trouvé des concordances dans plus de 1 500 cas. En France, l'entrée en vigueur du traité devrait permettre de faciliter l'identification d'auteurs d'infractions jusqu'à présent impunies : actuellement, 150 000 empreintes digitales sur 2 millions et 5 000 empreintes génétiques sur 68 000 n'ont pas encore pu être identifiées.
L'intensification des échanges d'informations soulève bien entendu la question de la protection des données personnelles des individus. C'est la raison pour laquelle le présent traité impose aux États signataires de garantir un niveau minimal de protection avant de mettre en oeuvre les échanges de données. L'article 34 du traité renvoie à la convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 et à son protocole additionnel du 8 novembre 2001, ratifié par notre assemblée en février dernier.
Le second volet du traité de Prüm concerne plus spécifiquement le renforcement de la coopération policière opérationnelle, c'est-à-dire sur le terrain.
S'agissant par exemple de la lutte contre les migrations illégales, il prévoit l'envoi de conseillers en faux documents dans des pays considérés comme pays d'origine ou de transit pour la migration illégale. L'article 23 prévoit également le soutien mutuel des parties contractantes lors de rapatriements d'étrangers en situation illégale, conformément aux dispositions en vigueur du droit de l'Union européenne.
Le traité rend par ailleurs possible la création de patrouilles communes composées de policiers issus de différents États membres, qui pourront exercer des opérations communes sur l'ensemble du territoire des États contractants. Jusqu'à présent, l'existence de patrouilles communes était circonscrite à la zone frontalière.
Le traité innove aussi en autorisant, en cas de situation d'urgence, le franchissement de la frontière par des policiers étrangers, sans autorisation préalable de l'État d'accueil. Il s'agit d'être en mesure de porter secours le plus rapidement possible à des personnes dont la vie ou l'intégrité sont en danger.
Tant la création de patrouilles communes que l'utilisation par des policiers étrangers de leur arme de service a conduit à s'interroger sur la conformité du traité de Prüm à la Constitution française. Il résulte en effet de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de plusieurs avis du Conseil d'État que la possibilité de conférer à des fonctionnaires étrangers des prérogatives de puissance publique sur le territoire national doit être strictement encadrée. Le Conseil d'État a toutefois estimé que ce traité ne soulevait pas de difficulté d'ordre constitutionnel. L'article 24 du traité indique que les agents étrangers ne pourront exercer des compétences de puissance publique que « sous le commandement et en règle générale en présence de fonctionnaires de l'État d'accueil ». Ces conditions sont conformes aux règles de souveraineté relatives aux pouvoirs susceptibles d'être dévolus aux agents étrangers en vertu de nos principes constitutionnels.
Le traité de Prüm a été conçu dans la perspective de sa transposition dans le droit de l'Union européenne. Cela sera très bientôt chose faite, au moins en partie et bien plus rapidement que prévu.