Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 26 juillet 2007 à 9h30
Coopération en matière de lutte contre le terrorisme — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous soumettre à présent, pour autorisation, la ratification du traité signé à Prüm, le 27 mai 2005, entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-duché du Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière. Il permettra de créer un outil novateur visant à lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.

Avec la libre circulation des personnes et des biens dans un espace élargi, une dimension internationale toujours plus prononcée, nos frontières offrent de moins en moins d'obstacles aux entreprises des délinquants qui tirent parti des facilités de communication plus rapidement que les États. Il s'avère donc de plus en plus nécessaire d'intensifier la collaboration entre États au sein de l'Union européenne, en particulier en matière d'échange de données. Sur la base de ce constat, et pour tenir compte de la difficulté d'agir à vingt-sept, un groupe pionnier de sept pays européens a souhaité, à partir d'une initiative franco-allemande lancée début 2003, mettre en place un outil plus efficient contenant des dispositions novatrices dans plusieurs domaines, en particulier en matière d'échange de données.

Il ne s'agit pas toutefois d'une première en matière de police et de sécurité : notre pays a en son temps joué un rôle décisif dans l'élaboration de l'accord de Schengen relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières intérieures communes. La France a également conclu au cours des dernières années des traités bilatéraux de coopération policière avec les États limitrophes. Le traité de Prüm constitue donc une nouvelle étape dans l'intensification de la coopération en matière de police et de sécurité.

Les parties contractantes s'engagent à jouer un rôle précurseur dans les différents domaines concernés par le traité et, dans un premier temps, en matière d'échange de données, pour développer la coopération dans l'ensemble de l'Union européenne. Elles ont aussi pris l'engagement de créer les conditions juridiques et techniques nécessaires pour pouvoir, à terme, inclure dans le cadre juridique de l'Union européenne les dispositions du traité de Prüm. Cet objectif a d'ailleurs été entériné par une décision du conseil « justice et affaires intérieures » des 12 et 13 juin dernier. Ainsi, au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur du traité, une initiative législative sera mise en oeuvre en vue d'inclure les dispositions de ce traité dans le cadre juridique de l'Union européenne, sur la base d'une évaluation de la coopération et de l'expérience acquise.

Naturellement, cette coopération doit s'opérer dans l'esprit des traditions constitutionnelles communes des pays concernés et dans le respect des droits fondamentaux qui découlent de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces principes rappelés, je vais évoquer maintenant les dispositions du traité.

S'agissant des échanges de données, le traité prévoit la consultation mutuelle automatisée des banques nationales de données comportant des profils ADN et des données dactyloscopiques. Il permet en outre l'accès automatisé direct et mutuel aux registres d'immatriculation de véhicules, tel qu'il existe déjà entre les pays du Benelux. Un tel échange de données constitue à la fois une avancée opérationnelle incontestable et le symbole d'une confiance réciproque grandissante entre les pays de l'Union.

Les parties contractantes s'engagent également, en vue de prévenir des infractions pénales et de maintenir l'ordre et la sécurité publics lors de manifestations de grande envergure à dimension transfrontalière, à se transmettre mutuellement des données pertinentes à caractère non personnel. Seraient par exemple concernés les grands événements sportifs, les grands rassemblements populaires dans le domaine culturel, ou encore les sommets européens et internationaux. Dans ce cadre, l'échange s'opère soit après une demande expresse émanant d'un autre pays, soit spontanément ou sur initiative propre, dans l'hypothèse où l'information est disponible et peut s'avérer utile. Il s'agit par exemple d'itinéraires, du nombre de personnes, des moyens de transport utilisés, des caractéristiques des groupes.

Les parties contractantes peuvent, enfin, en vue de prévenir des infractions terroristes, échanger des données à caractère personnel pour autant que certains faits justifient la présomption que les personnes concernées s'apprêtent à commettre des infractions pénales. L'autorité transmettant les données peut, en vertu de son propre droit national, fixer des conditions relatives à leur utilisation par l'autorité destinataire, laquelle sera liée par ces conditions.

Outre les échanges de données, le traité de Prüm développe la coopération entre forces de police, et c'est là son autre aspect novateur par rapport aux dispositions existantes. Concernant la lutte contre les migrations illégales, les parties contractantes conviennent, sur la base d'évaluations communes, de l'envoi dans certains pays d'origine ou de transit des conseillers spécialistes dans la détection de faux documents. Les autorités compétentes des parties au traité peuvent aussi, en vue de maintenir l'ordre et la sécurité publics ainsi que pour prévenir des infractions pénales, constituer des patrouilles communes ou prévoir d'autres formes d'intervention commune en matière policière, comme des actions de contrôle communes ou l'accompagnement de groupes de supporters de football lors de matches à haut risque. Contrairement aux dispositions de Schengen, ces formes de coopération ne doivent plus se limiter aux régions frontalières, et les États peuvent, dans ce cadre, confier à leurs fonctionnaires respectifs des compétences opérationnelles, conformes au droit de l'État d'accueil et avec l'approbation de l'État d'envoi.

Il incombe à chaque partie contractante de déterminer les compétences qui peuvent être exercées par des fonctionnaires étrangers sur son territoire. Celles-ci sont adaptées aux missions fixées par les autorités compétentes et répondent aux principes de proportionnalité et, pour autant que le droit national l'autorise, de réciprocité. Elles sont toujours exercées sous le commandement de fonctionnaires de l'État d'accueil et, en règle générale, en leur présence.

Dans une situation d'urgence, les fonctionnaires d'une partie contractante peuvent franchir sans autorisation préalable la frontière commune en vue de prendre, dans le respect du droit national de l'autre partie contractante, les mesures provisoires nécessaires afin d'écarter tout danger présent menaçant la vie ou l'intégrité physique des personnes. Les fonctionnaires sont naturellement liés par les instructions données par la partie contractante sur le territoire de laquelle ils agissent et les mesures qu'ils prennent sont également imputées à la responsabilité de cette dernière.

De plus, les parties contractantes s'engagent à se soutenir mutuellement dans le respect de leur droit national lors d'événements de grande envergure, de catastrophes ainsi que d'accidents graves présentant un caractère transfrontalier.

S'agissant d'un instrument qui organise une coopération transfrontalière exemplaire en matière d'échange de données et qui servira vraisemblablement de référence pour de futures normes européennes, il est essentiel, mesdames et messieurs les députés, que la France soit rapidement en mesure de coopérer pleinement avec ses partenaires. Un accord d'exécution a d'ailleurs déjà été signé le 5 décembre 2006.

C'est la raison pour laquelle, après l'avis favorable du Conseil d'État et, suite à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, je vous demande de bien vouloir autoriser à votre tour la ratification du traité de Prüm.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion