Cela correspondait à deux principes de fiscalité qui vont ensemble, qui sont comme les deux jambes d'un même corps : l'impôt ne doit pas être confiscatoire, mais nul contribuable qui a des revenus suffisants ne peut s'exonérer totalement de l'impôt. Donc, en créant le bouclier fiscal, nous avons fixé un plafond de l'imposition, et en plafonnant les niches, nous avons mis en place un plancher.
Du débat en séance est né un consensus fort : Jean-François Copé et Didier Migaud s'en souviennent. Mais Pierre Méhaignerie, qui présidait à l'époque la commission des finances, et moi-même nous étions montrés quelque peu dubitatifs sur le dispositif de plafonnement des niches. Nous le trouvions, en effet, très compliqué. À tour de rôle, tous les collègues présents sont montés au créneau, considérant qu'il fallait plafonner les niches, mais surtout pas le « Malraux », surtout pas les exonérations en outre-mer, surtout pas les investissements dans les PME… Nous inspirant du système américain – celui de l'impôt minimal –, nous avons alors proposé une approche plus simple. Toutefois, notre amendement, rédigé dans la nuit, n'était pas parfait. Le Gouvernement, en l'occurrence l'excellent ministre du budget, Jean-François Copé, nous a convaincus de le retirer et de nous en tenir à la rédaction du Gouvernement.
Sur ces entrefaites, Didier Migaud et ses collègues socialistes ont saisi le Conseil constitutionnel de l'ensemble du texte. Or il se trouve que le Conseil a validé le plafond, donc le bouclier fiscal, tout en considérant – reprenant en cela nos inquiétudes – que le plancher, c'est-à-dire le régime de plafonnement des niches, était, selon ses termes, « inintelligible et imprévisible pour le contribuable ». Autrement dit, ce dispositif était tellement compliqué que le contribuable lui-même ne pouvait pas comprendre à quoi il conduirait. La décision du Conseil constitutionnel était si précise que je doute qu'il soit possible d'opter de nouveau pour un plafonnement global ou de revenir à un plafonnement niche par niche. Les amendements que nous propose d'ailleurs Didier Migaud sont plutôt de type « impôt minimal » ou « plafonnement global de l'exonération fiscale » que du type « plafonnement niche par niche ».
Comme le sujet était essentiel, Jean-François Copé s'était engagé à réunir un groupe de travail qui n'a absolument pas « botté en touche », monsieur Migaud. Présidé par le ministre du budget lui-même, il réunissait également les deux présidents et les deux rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous avons travaillé d'arrache-pied. Nous nous sommes réunis une demi-douzaine de fois car le sujet est difficile, et il nous est apparu que la voie la moins ardue et la moins périlleuse est probablement celle de l'impôt minimal.
Je souhaiterais, pour ma part, madame la ministre, comme l'a d'ailleurs également proposé Didier Migaud, que l'on puisse retenir l'amendement de Pierre Méhaignerie, aux termes duquel un rapport inspiré par une démarche du type « impôt minimal » devra être présenté au Parlement par le Gouvernement avant le 15 octobre 2007. Ce rapport dans lequel vous nous présenteriez les différentes pistes nous permettrait d'intégrer cette réflexion et de déboucher sur une décision, ce que je souhaite vivement, dès la loi de finances pour 2008. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)