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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 17 janvier 2008 à 9h30
Retour à l'équilibre des finances publiques — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

…afin d'éviter toute tentation de détournement de la règle. Cette démarche soulève, naturellement, un certain nombre de questions comme, par exemple, le traitement des dépenses d'équipement militaire. Les problèmes de classification seraient sans fin, car cette règle créerait un biais prononcé en faveur des dépenses d'investissement. Elle soulève également la question de la notion comptable d'investissement retenue : dépenses d'investissement brutes ou investissements nets des amortissements, comme c'est le cas aujourd'hui pour la règle d'or applicable aux collectivités territoriales ?

Il faut également tenir compte de la sensibilité des finances publiques à la conjoncture économique. Les recettes et, dans une certaine mesure, les dépenses de l'État et de la sécurité sociale, sont en effet très sensibles à l'activité économique, et l'on pourrait concevoir qu'un déficit soit acceptable en période de faible activité ou de récession – une sorte de contrat cyclique – à condition que les périodes de « vaches grasses » soient mises à profit pour réaliser des excédents, ce qui n'a jamais été fait jusqu'à présent car nous n'avons que peu connu de tels moments. À défaut, les pouvoirs publics pourraient être conduits à mettre en place des politiques économiques procycliques en augmentant, par exemple, les prélèvements en phase haute pour les diminuer en phase basse, ce qui serait une erreur. Nous pourrions concevoir, pour répondre à cette difficulté, de définir des règles d'équilibre structurel ou d'apprécier l'équilibre sur la durée du cycle économique et non sur une seule année. Mais de tels concepts – solde structurel, cycle économique – posent eux-mêmes de redoutables difficultés de définition et l'on ne dispose pas d'instruments de mesures incontestables.

Au-delà de ces considérations quelque peu techniques – ce débat est aussi très politique – mais déterminantes, l'adoption de telles règles soulève des interrogations de fond et il est nécessaire d'entrer dans le détail. La « règle d'or » pose, à travers les problèmes de définition que je viens d'évoquer, une question plus profonde : faut-il mettre au coeur du pilotage de nos finances publiques une règle qui privilégie une dépense au profit d'une autre, qui risque de privilégier l'investissement physique plutôt que, par exemple, la recherche, l'enseignement supérieur ou l'éducation, qui n'entrent pas aujourd'hui dans la définition d'une dépense d'investissement ? Je comprends que le Royaume-Uni se soit doté de cette règle, mais il faut replacer cette décision dans son contexte de l'époque, marqué par un retard considérable d'investissement dans les services publics pendant vingt ans. La France, quant à elle, n'a pas nécessairement besoin de plus d'investissements, mais de « mieux d'investissement » pour la collectivité, d'une politique d'investissement qui s'appuie sur une sélection rigoureuse des projets, d'une politique d'investissement qui tire le meilleur parti de chaque euro investi.

Privilégier ainsi les dépenses d'investissement pose par ailleurs question au regard de la liberté de gestion inscrite dans la LOLF.

En outre, la règle d'or ne garantit pas à elle seule la « soutenabilité » de nos finances publiques. On comprend bien que l'impact sur la croissance des investissements qui seront financés, et donc leur qualité, sont un critère crucial. D'ailleurs, partout où elle a été mise en oeuvre, il faut admettre que la « règle d'or » n'a pas constitué à elle seule de réelle garantie du point de vue de la gouvernance des finances publiques. J'observe d'ailleurs que ces interrogations sont partagées par les pays qui se sont dotés d'une telle règle. Le Royaume-Uni, conscient que la règle n'est pas en elle-même un outil de diminution de la dépense publique,…

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