La France occupe une place paradoxale en Europe : plébiscitée pour la qualité globale de son système de soins, elle recèle également le plus grand nombre d'inégalités territoriales de santé, ce qu'a parfaitement décrit André Flajolet. Parmi les régions les plus défavorisées – le mot n'est pas trop fort –, je peux témoigner du cas de la région Centre, que vous avez, madame la ministre, récemment honorée de votre visite en y rencontrant élus et professionnels de santé, du milieu hospitalier comme de l'ambulatoire.
À ce jour, dans le département du Loiret, la densité de médecins généralistes est de 73,7 pour 100 000 habitants, contre 88,9 en France ; celle des spécialistes est de 66,3 contre 87,9. Ainsi, nombre de bassins de vie recensés par la mission régionale de santé sont dépourvus de médecins, mais aussi de dentistes, d'infirmiers et de kinésithérapeutes. Autre chiffre choc : 137 médecins pour 100 000 habitants dans le département, contre 194 dans la région PACA.
Nombre d'élus locaux s'arrachent les cheveux pour que s'installent sur leur territoire d'hypothétiques médecins généralistes, y compris en provenance d'Europe centrale – de Roumanie et de Pologne – ou d'Afrique. Les cabinets de recrutement sont sollicités, et le conseil général, de son côté, orchestre toute une série d'aides matérielles et financières. Mais les résultats restent nettement inférieurs aux espérances. Citons, à titre d'exemple, Nogent-sur-Vernisson, superbe commune pour laquelle quatre médecins contactés en Europe centrale se sont désistés au dernier moment.
Comme je l'ai dit lors de mon audition devant les états généraux de l'organisation des soins, je m'inscris en faux contre l'idée que le manque d'attrait des territoires serait le motif principal de cette désaffection. Le Loiret en effet est un territoire proche de la région parisienne et des facultés ; il est sociologiquement, économiquement et géographiquement privilégié, et ses richesses touristiques et paysagères sont appréciées.
Or, malgré cet état sympathique des lieux, les professionnels de santé installés depuis plusieurs décennies assistent à une certaine dégradation de leurs conditions de travail, moins liée à leur situation financière qu'à l'anxiété due au surmenage et à l'absence de visibilité en ce qui concerne leur avenir mais aussi celui de leurs patients.
La question de la couverture des besoins de soins auxquels devront répondre demain ces praticiens est posée, notamment si l'on considère le rôle que seront amenés à jouer les médecins généralistes en matière de premiers secours, mais aussi, compte tenu des transferts d'activités, dans les domaines de la prévention, du dépistage ou du suivi des pathologies chroniques, sans parler de leur intégration dans les réseaux ou de la permanence des soins.
Cette dernière s'est largement effondrée et reporte ainsi les usagers vers les urgences hospitalières, bien que certains médecins aient su avec volonté s'organiser en maisons médicales de garde, ce dont nous pouvons leur savoir gré. Vous en avez visité une dernièrement, madame la ministre, toujours dans ma circonscription, à Montargis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)