Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ne disposant que de quelques minutes pour aborder un domaine aussi vaste et complexe que la santé, je me contenterai de quelques réflexions destinées à alimenter le débat qui précédera l'examen du projet de loi « Patients, santé et territoires » et de celui de financement de la sécurité sociale.
Nous avons longtemps pensé que les problèmes auxquels était confronté notre système de santé étaient essentiellement, sinon uniquement, financiers. Cette approche a conduit les majorités successives à ne proposer que des réponses partielles, pour contenir la dépense ou accroître les recettes. Aujourd'hui, nous prenons conscience que notre système de santé est confronté à une crise structurelle. Celle-ci met fin au mythe du meilleur système de santé, qui nous dispensait de toute analyse lucide de son état. Pour en arriver là, il aura fallu que la crise de l'offre, la rareté du temps médical et la dégradation de l'attractivité de l'hôpital public imposent leur réalité aux acteurs et aux décideurs.
Les défis qu'il nous faut relever sont multiples.
Tout d'abord, nous devons mettre en place une nouvelle organisation de l'offre de soins, qui doit prendre en compte la rareté du temps médical et celle de l'offre paramédicale, trop longtemps marginalisée. Le risque de voir s'étendre les déserts médicaux jusqu'aux portes des grandes agglomérations est bien réel et le problème ne se réglera pas aisément, même avec les maisons médicales, que l'on évoque comme pour éloigner le spectre d'une autre forme de régulation, dont nous avons du mal à concevoir les contours et qui ne pourra concerner que les jeunes professionnels. Est-il encore concevable que les urgences hospitalières publiques assurent seules la permanence des soins tout au long de l'année parce que les autres acteurs de la santé ont déserté ? Cette situation ne sera pas viable durablement.
Autre défi : le problème de la qualité des soins, qui n'est pas encore résolu, malgré certaines avancées. Les bonnes pratiques doivent encore, en grande partie, être ancrées dans les différentes formes d'exercice et garanties à tous les assurés, quelle que soit leur condition sociale.
Nous devons également relever le défi de la santé publique, car les difficultés d'accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire et pour tous les Français auront inévitablement des répercussions sur l'état de santé de notre population, en particulier de ses couches les plus fragiles. En outre, le vieillissement de la population imposera des missions nouvelles au système de soins, lequel souffre déjà de son impréparation pour faire face à la nouvelle donne démographique du grand âge, qui perturbe le bon fonctionnement de l'hôpital, engorgé par des malades âgés insuffisamment pris en charge en aval en raison d'une inadaptation aux besoins.
Il nous faut, par ailleurs, réformer la gouvernance, qui pâtit d'un pilotage aussi inadapté qu'illisible.
Il faut, enfin, décloisonner et mieux coordonner l'engagement des différents acteurs autour d'un parcours thérapeutique plus cohérent et plus efficient.
Le défi est également financier, car il faut que la solidarité continue à venir en aide à ceux qui sont confrontés à la maladie. À cet égard, le débat que j'ai lancé sur la gestion du risque et l'obligation d'optimiser la dépense collective dans le cadre de la nouvelle gouvernance n'aura pas été inutile, car il a rappelé à chacun l'impératif de la « soutenabilité » du coût de la santé.
Relever ces défis n'est donc pas une mince affaire. Notre tâche s'apparente aux travaux d'Hercule, tant nous pouvons avoir le sentiment d'un éternel chantier ou d'un marathon sans fin.
Je terminerai par quelques remarques sur la méthode et les objectifs.
Tout d'abord, nous ne devons pas tomber dans le travers qui consisterait à apporter à ces problèmes une réponse technocratique, en oubliant que notre but est bien d'améliorer le parcours du malade à travers un système de soins plus cohérent et de lui garantir l'accès aux soins, la qualité et la sécurité sur l'ensemble du territoire. Il nous appartient également d'associer au niveau des territoires les acteurs de la santé dans le cadre d'une démocratie sanitaire redynamisée.
Ensuite, la mise en oeuvre d'une nouvelle gouvernance ne doit pas se limiter à la construction d'une nouvelle organisation. Il s'agit avant tout d'installer une nouvelle culture de la responsabilité, fondée sur des objectifs, sur le contrat, qui engage, et sur une évaluation qui valide les progrès, validation qui ne devra pas rester sans conséquences sur le devenir des acteurs mis en situation de responsabilité.
À défaut, nous prendrions le risque d'installer une administration de la santé inopérante et susceptible de dériver vers un « Gosplan » sanitaire d'un autre âge. Cette nouvelle culture de la responsabilité devra impliquer le Parlement, au moyen de rendez-vous annuels qui ne pourront rester cantonnés au cadre strictement financier du PLFSS, mais qui devront inévitablement porter sur le plan organisationnel – comme ce sera le cas dès cette année – afin de permettre d'ajuster en continu notre système de santé aux exigences futures.
Enfin, madame la ministre, nous devons trouver le courage de bousculer tous les conservatismes et les corporatismes qui ont trop souvent paralysé notre système de santé au nom de grands principes ayant pourtant montré leurs limites, voire leur inefficacité face au défi que constitue la remise en bon ordonnancement de notre système de santé. Relever ce défi exige un renouvellement profond des modes d'exercice et de prise en charge des patients à la ville comme à l'hôpital. Nous avons l'obligation de réussir cette refondation au bénéfice de nos concitoyens, nonobstant le risque de déplaire à tel ou tel corporatisme. Vous pouvez compter sur nous pour réussir ce projet au service de la santé des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)