Par cet amendement, nous tentons d'introduire un peu de régulation et de pluralisme dans un mécanisme de révocation qui relève d'une tradition monarchique plutôt que républicaine. On ne mesure pas à quel point, du reste, ce fait du prince va à l'encontre de tout le mouvement de régulation et de progrès démocratique qui a été accompli depuis des années, aussi bien en France que dans les autres pays européens, sous l'égide de l'Union européenne et d'une instance qu'on oublie trop souvent, le Conseil de l'Europe, auquel certains d'entre nous appartiennent.
En effet, le Conseil de l'Europe a déjà travaillé, et de façon très pertinente, sur la question des services publics de l'information. Il a ainsi rédigé la recommandation n° 1641, qui insiste sur la nécessité de garantir l'indépendance des médias publics aussi bien en matière de logique économique – la pression marchande – que de logique politique – la pression de l'exécutif. Il est pour le moins cavalier, de la part d'un pouvoir qui donne des leçons de convergence européenne sur tous les sujets, de s'abstraire de ces contraintes européennes, fondées sur une réflexion sur la bonne gouvernance des médias. Fabriquer de l'information, de l'imaginaire collectif et de la cohésion nationale n'est pas une mince ambition, et mérite un autre traitement que celui appliqué aux entreprises publiques gérant des aiguillages ou des pistes d'atterrissage.
S'agissant d'un domaine aussi sensible, le principe de nomination et révocation par décret présidentiel est profondément choquant. Je suis d'ailleurs surpris que la majorité puisse emboîter le pas aussi radicalement, et sans grand débat, à celui qui nous rappelle Napoléon le Petit de Victor Hugo, et à qui l'exercice solitaire du pouvoir a fait perdre toute mesure. Je n'ose imaginer ce qui se serait passé si un Président de la République de gauche avait proposé de nommer et de révoquer lui-même les présidents de l'audiovisuel public ! Nos collègues de l'actuelle majorité n'auraient pas hésité à se dresser debout sur leurs bancs pour protester contre une disposition aussi inique.
Il est donc tout à fait légitime d'essayer au moins d'encadrer ce processus, inconnu de notre droit commun, en introduisant le filtre du CSA. Certes, cette instance n'est pas parfaite, et elle l'est moins encore aujourd'hui, étant présidée par un homme dont on a pu récemment mesurer la servilité et la soumission. Reste qu'il vaut mieux lui confier le contrôle du droit de révocation, d'autant que plusieurs de nos amendements visent à le réformer pour lui permettre d'être à la hauteur de ses missions et de mieux refléter le pluralisme de la société française.
Même les membres de la majorité que nous aurions crus plus ardents dans la défense des principes démocratiques ont plié, gagnés par l'esprit de cour que j'ai dénoncé tout à l'heure.