C'est peu de dire que les articles à venir posent problème ! En effet, alors que la loi exprime l'intérêt général, voilà que l'on nous propose de confier à une commission ad hoc – composée exclusivement de « personnalités indépendantes » – le soin de fixer les règles du jeu.
Nous nous serions bien passés de cette donnée nouvelle et originale. D'ailleurs, ne se heurte-t-elle pas au respect de quelques principes constitutionnels selon lesquels, notamment, aucune partie du peuple – fût-ce une commission composée de personnalités indépendantes –, ne peut s'arroger le droit de dire la loi ?
En 1986, quand une majorité parlementaire semblable à celle qui siège actuellement à l'Assemblée nationale avait décidé de privatiser certaines entreprises publiques, elle avait au moins inscrit les modalités dans la loi. Ainsi, la commission de privatisation, bien que composée de personnalités indépendantes, ne pouvait déterminer la valeur des actifs publics cédés qu'après en avoir référé au ministre chargé de l'économie et des finances. De plus, les membres de cette commission ne pouvaient exercer la moindre responsabilité au sein des organes dirigeants des entreprises concernées, ni en accepter la teneur avant un délai de cinq années à compter de la mise en oeuvre des procédures.
Faut-il souligner qu'une telle garantie n'existe pas, en tant que telle, dans le texte que nous examinons aujourd'hui ? Dès lors, ne pouvons-nous craindre que certains membres de la commission d'évaluation ne finissent par trouver quelque intérêt à la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi, notamment en ce qui concerne la cession des outillages ?
Toutefois, il est encore plus préoccupant qu'aucune évaluation réelle de la situation économique des ports, non plus que des conditions de financement de leurs infrastructures présentes ou de leurs investissements futurs, ne soit associée au projet de loi. On semble vouloir considérer comme acquis que les ports autonomes français sont structurellement peu compétitifs. Or ce ne sont ni la qualité ni le savoir-faire des salariés du secteur maritime qui déterminent un éventuel manque de compétitivité, mais bien plutôt l'absence de politique cohérente des différents gouvernements en matière d'utilisation des capacités maritimes et portuaires existantes. La Cour des comptes l'a d'ailleurs dit.
La France jouit d'une position géographique primordiale sur les principales routes du commerce maritime. Or l'ensemble de la filière est aujourd'hui en difficulté. Est-ce dû au statut des agents de manutention, ou plutôt à l'absence de vision à long terme de la politique maritime et portuaire de la France, ainsi qu'à l'insuffisance des investissements réalisés, notamment par les acteurs de la filière du transport ?
Pour ce qui concerne cet amendement, les députés communistes jugent impérieuse la nécessité que la représentation nationale soit pleinement informée de ce qui se passe effectivement, ainsi que de l'ensemble des tenants et aboutissants du texte.
Aucun des éléments fournis par l'exposé des motifs du projet de loi ou par le rapport de la commission ne permet de mesurer, sur le plan économique, le bien-fondé de ce qui nous est présenté comme la seule solution, c'est-à-dire le démantèlement des ports et la cession du domaine – en l'occurrence, des outillages et des personnels – qui en résultera.
De surcroît, rien ne prouve que les ports connaissent des difficultés financières majeures : comme je le rappelais hier, à la fin de 2006, le gouvernement de l'époque a ainsi pu prendre toute la cagnotte qui leur était destinée.
De notre point de vue, une telle évaluation nécessite une large information de la représentation nationale. Nous devons être en mesure de statuer en toute transparence sur ce dossier essentiel, tant au regard du développement durable que de l'aménagement du territoire. Toute autre démarche serait suspecte et susceptible d'aller à l'encontre de l'intérêt même du pays, ne serait-ce que parce que des services publics, comme celui des domaines, peuvent parfaitement produire cette évaluation.
De plus, l'existence et le développement des ports autonomes actuels sont largement liés à l'action des collectivités territoriales, action qui semble occultée dans la démarche libérale forcenée des auteurs du projet de loi.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement, et nous ne doutons pas que vous le ferez.