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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 4 décembre 2008 à 15h00
Nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Après la « facilité » que s'offre l'actuel Président de la République de choisir par décret le président de France Télévisions, nous franchissons avec l'article 9 une étape nouvelle dans ce qui est fondamentalement une remise en cause de l'indépendance et de pluralisme des médias.

La séparation des pouvoirs a un sens, plusieurs orateurs l'ont déjà rappelé. Elle doit aujourd'hui, à l'évidence, s'appliquer au pouvoir des médias, ce quatrième pouvoir dont personne ne conteste plus l'importance.

Au nom d'un parallélisme des formes – qui peut nommer peut révoquer – l'article 9 signe un fantastique retour en arrière ; et ce, d'autant plus que si le CSA peut aujourd'hui, conformément à l'article 47-5 de la loi de 1986, retirer son mandat aux présidents des conseils d'administration de Radio France, de l'audiovisuel extérieur de la France ou de France Télévisions, il n'exerce pas pour autant une tutelle quotidienne sur ces présidents et sur la façon dont ils exercent leur mission.

L'ambiguïté qui naîtrait de cet article 9 – s'il était par malheur adopté – viendrait de ce que le président de France Télévisions négocie en permanence avec l'État, qu'il s'agisse du cahier des charges, du contrat d'objectifs et de moyens, de la mise en oeuvre de ce contrat, du plan d'affaires dont la négociation doit s'achever à la mi-décembre – sur laquelle je m'acharne d'ailleurs à demander des informations à madame la ministre qui se refuse à en donner aucune à la représentation du peuple : cela en dit long de l'obscurité dans laquelle on conduit ce débat…

Si cette loi est votée, celles et ceux qui exerceront la tutelle sur le président de France Télévisions auront également tout pouvoir sur les moyens de l'audiovisuel public : le pouvoir de révocation exposera le président de France Télévisions à un chantage permanent. L'État actionnaire et le pouvoir politique pourront le révoquer s'il ne se plie pas à leurs injonctions, et notamment à leurs injonctions budgétaires.

La fragilisation du financement de l'audiovisuel public est en effet le principal motif de notre condamnation de ce funeste projet de loi : il sera nécessaire de compenser la disparition des ressources publicitaires, transférées vers l'audiovisuel privé. L'audiovisuel public sera donc non seulement fragilisé financièrement, mais aussi plus dépendant que jamais du pouvoir budgétaire de l'État. Et, dans le même mouvement, on accorde au pouvoir politique un droit de nomination et de révocation ! Autrement dit, non seulement le président de France Télévisions sera nommé par l'exécutif, en violation du principe de séparation des pouvoirs, en violation de l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1989, qui constitue pourtant un principe à valeur constitutionnelle, mais, révocable à tout moment, ilfera l'objet d'un chantage continuel ! Nous ne saurions l'accepter.

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